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Rohr : « Au Nigeria, ils sont dingues de foot »
Samedi dernier, le Nigeria a sèchement battu l’Algérie et sa défense en bois en qualifications pour la Coupe du monde 2018 (3-1). Le temps de quitter Uyo et de rejoindre son appart’ de fonction à Abuja avant de rentrer au Cap-Ferret, Gernot Rohr s’est posé pour revenir sur ses trois premiers mois à la tête des Super Eagles, qu’il est bien parti pour emmener chez Poutine dans un an et demi.
Vous avez mis l’Algérie dans une position délicate en la dominant le week-end dernier. Les Fennecs vous ont-ils semblé nerveux ?Je crois qu’avec le changement de sélectionneur après le match face au Cameroun début octobre (1-1) et l’arrivée de Georges Leekens à peine quinze jours avant leur déplacement au Nigeria, ce n’était pas vraiment un contexte idéal pour l’Algérie. Nous avions étudié de près cette sélection. Plusieurs de ses joueurs étaient absents, on savait que défensivement, on pouvait lui poser des problèmes, notamment dans l’axe. On a marqué rapidement, mené 2-0 à la pause, et on a effectivement ressenti une certaine nervosité chez nos adversaires, même si, quand ils sont revenus à 2-1, c’est devenu plus difficile pour nous.
Avec six points en deux matchs, le Nigeria fait figure de favori dans ce groupe…(Il coupe) C’est un excellent début, mais on ne rejouera que fin août et début septembre, face au Cameroun. Il est clair que si nous gagnons deux fois à domicile face aux Lions indomptables et à la Zambie, la qualification sera acquise. Mais où en serons-nous dans neuf mois ? Et nos adversaires ? Imaginez que les Camerounais soient champions d’Afrique en février ? Moi, je ne m’emballe pas. C’est un groupe relevé, où rien n’est encore joué. Disons que nous avons pour l’instant un petit avantage.
Comment votre arrivée au Nigeria s’est-elle réalisée ?Dans un premier temps, Paul Le Guen était pressenti pour occuper ce poste de conseiller technique, en fait sélectionneur. Mais cela ne s’est pas fait et j’ai été contacté. J’ai exposé mon projet aux membres du Comité technique de la Fédération, et j’ai été retenu. Je n’ai pas le titre de sélectionneur, car c’est mon adjoint, Yusif Salisu, qui l’a. Pour des raisons juridiques, j’imagine…
Quels étaient les grands axes de ce projet ?
Je voulais aller vers un rajeunissement de l’effectif. Renouveler un peu les choses, sans exclure personne de la sélection. Il fallait peut-être une petite rupture. J’ai vite remarqué que le pays avait été profondément marqué par l’élimination de la sélection des qualifications pour la CAN 2017, à cause du forfait du Tchad, alors que cette équipe avait disputé trois matchs… Ici, les gens sont dingues de foot. Les supporters sont passionnés, exigeants… Et les médias… il y en a partout. Et puis, au niveau des sélections de jeunes, les résultats sont moins bons que par le passé. J’avais aussi proposé d’accompagner la sélection locale, même si je ne m’en occuperai pas directement. Et d’avoir un œil sur la sélection nationale féminine. Mon projet a été accepté et j’ai pris mes fonctions en août. Il y avait un match début septembre contre la Tanzanie, en qualifications pour la CAN, qui n’avait plus d’incidence comptable, mais je tenais absolument à gagner. Ce qu’on a fait (1-0). Pour commencer un mandat, c’est mieux.
Il paraît que votre déplacement en Zambie, en octobre, n’a pas été simple…En effet. Il faut savoir que le pays traverse une phase de récession. Et la Fédération est autonome par rapport au ministère des Sports, chose rare en Afrique. Par exemple, c’est elle qui prend en charge mon salaire. Donc pour en revenir au déplacement en Zambie, on devait jouer le dimanche, à 14h30. À l’origine, le départ était fixé au vendredi en début d’après-midi. Sauf que pour faire des économies, la Fédération a préféré prendre un vol à 5 heures du matin, ce qui a obligé les joueurs à se réveiller vers 3h30… Du coup, nous n’avions pas pu nous entraîner à l’heure du match. Mais les mecs ont prouvé qu’ils avaient un gros mental. Car gagner 2-1 en Zambie, ce n’est pas simple.
Et John Obi Mikel, qui ne joue pas à Chelsea ? On parle d’un intérêt de Marseille…C’est vrai. Il faut qu’il quitte Chelsea, où il ne joue pas. Je crois que Conte a moyennement apprécié qu’Obi Mikel fasse les Jeux olympiques à Rio, ce que je peux comprendre… Je pense qu’il va partir de Chelsea cet hiver, car le club anglais ne devrait pas s’opposer à son départ. J’ai cru comprendre qu’il y avait eu un contact entre les deux clubs. C’est vraiment un super joueur. Il l’a montré contre l’Algérie.
Le Nigeria est un pays qui a une réputation exécrable : corruption, insécurité dans de nombreuses villes, et bien sûr la présence de Boko Haram dans le nord du pays. Ce n’était pas trop flippant, comme perspectives ?
Je connais l’Afrique. J’ai travaillé au Gabon, mais aussi au Niger, et au Burkina Faso, où il y a eu des attentats ces derniers mois… Mais on me dit que le gouvernement nigérian fait beaucoup d’efforts pour améliorer la sécurité et lutter contre la corruption. On m’a dit que dans le Nord, même des membres de Boko Haram allaient au stade, notamment à Kano. Ici, le foot est un facteur d’unité. Depuis que j’ai été nommé, j’ai passé 60 % de mon temps ici. Il ne m’est rien arrivé, mais je reste attentif. Mais il faut être attentif partout dans le monde d’aujourd’hui. Abuja, la capitale, c’est tranquille. Bon, Lagos, avec la circulation infernale, c’est autre chose…
Propos recueillis par Alexis Billebault