- Allemagne
- Bundesliga
- J8
- Bayer Leverkusen /Augsburg
Roger Schmidt et Pep Guardiola, copieurs copiés ?
Alors que Pep confessait admirer le style des équipes de Roger Schmidt, l'entraîneur du Bayer semble désormais copier le modèle de son élève. Entre horizontalisation de la possession, salida lavolpiana et inventions de joueurs, analyse d'un Bayern bis.
18 janvier 2014. Alors que Pep fête son 43e anniversaire, Roger Schmidt et son Red Bull Salzbourg célèbrent eux la volée qu’ils viennent de coller au Bayern du Catalan (3-0). Depuis, Pep est fan de Roger. Dans sa bible guardiolesque, Herr Pep, Martí Perarnau explique comment, après la rouste, Pep a « disséqué le jeu de l’équipe championne d’Autriche : comment pressent leurs avants, comment grimpent les latéraux, et quelles positions occupent les milieux. » Plus récemment, dans les colonnes d’El Mundo Deportivo, Guardiola réaffirme son admiration : « Je suis très heureux de jouer à nouveau contre lui, car je suis fan. Les entraîneurs comme lui font du bien au football, parce qu’ils cherchent toujours à attaquer. » Ich liebe dich, donc. Pourtant, au vu du début de saison du Bayer Leverkusen, il semble bien que ce soit Roger qui s’inspire de Pep.
Bordel sur le tableau et empreinte sur le gazon
Le Barça de Pep, au-delà de ses deux Ligues des champions et ses trois Liga, est avant tout une empreinte. Un style tout en pressing, juego de posicion et déséquilibre par des passes courtes. Dans le Bayern actuel, si la matrice reste la même, est plutôt recherché le déséquilibre par la passe longue et diagonale, de Boateng vers Douglas Costa par exemple. Chez Schmidt, l’évolution est inversée. Le taureau rouge de Salzbourg se caractérisait par une verticalisation à base de passes allongées, qui pouvaient faire croire que les pertes de balles étaient voulues. Futé le Roger, en faisant exprès de perdre le ballon, il mettait l’adversaire dans une situation de possession et le forçait alors à s’ouvrir. Un pressing plus tard et Mané, Kampl, Alan et Soriano avaient tous les espaces qu’ils voulaient pour attaquer. Aujourd’hui, le Bayer de Schmidt joue plus horizontal… façon Barça 2008-2012. Un chassé-croisé que confirment les chiffres.
Le Barça comme Salzbourg étaient avant tout des équipes à la composition quasiment inamovible sur le tableau noir : 4-3-3 en Catalogne (voire 3-4-3 post-Fàbregas), 4-4-2 en Autriche. Avec les nouveaux clubs viennent les changements de systèmes. Du 3-3-1-3 au 4-2-3-1 en passant par le 3-5-1-1, on ne compte plus les variables algébriques proposées par Pep au fil de ses matchs en Bavière. Évolution mathématique similaire du côté de la BayArena : du 4-4-2 autrichien, on est passé à la variante 4-2-3-1, puis à un 3-1-2-4 contre Hanovre. Inspirée de son voyage initiatique chez Bielsa et La Volpe, c’est cette ligne arrière à 3, permettant d’organiser la fameuse salida lavolpiana, que Guardiola met en place depuis un bout de temps. Une approche partagée par Roger, qui colle Bender entre Tah et Papadopoulos pour faire sortir le ballon.
Guardiola – Schmidt, entraîneurs-façonneurs
Et c’est précisément cette utilisation des joueurs qui rapproche encore plus Pep et Roger. Lors d’une conférence en Argentine, le natif de Sampedor racontait que « depuis tout petit, on m’a appris que quand tu as un joueur de plus au milieu, tu as plus de contrôle pour attaquer et défendre » . Alors, dans son obsession de maîtrîse, Pep met les meilleurs superviseurs de ballons, les milieux, à tous les postes. Fàbregas en 9, Götze en ailier, Martinez et Xabi Alonso en 5. Ou alors il demande à Messi de se caler en faux 9 et de venir créer le surnombre. Schmidt, lui, préfère les ailiers, mais l’accumulation de joueurs à des postes novateurs est la même. Contre Dortmund, le pote de Gokhan Tore, Çalhanoğlu, pourtant ailier voire 10, a fini par jouer à la Busquets, juste devant la ligne arrière. L’insulte capillaire Kampl, ailier de folie au Red Bull, joue depuis plusieurs matchs en mode Iniesta, et il s’en sort : agressivité, couverture et conduite de balle qui casse les lignes, le mec est partout. Avec Bellarabi, Brandt et Mehmedi, ça fait cinq ailiers sur le terrain, dont deux expatriés.
Mehmedi, justement. Roger est allé choper un mec qui ressemble à Müller, un hybride ailier-milieu-avant-centre. De par ses décrochages, ses insertions et ses conservations, il joue milieu latéral-ailier, 10 et 9 en même temps. Comme Müller, on ne sait pas trop pourquoi, mais il pèse. La pépite Wendel, elle, a tout d’un Alaba : des déboulés de dingues et des premiers appuis de folie. Mieux, comme David, il tire les coups francs. Même le traditionnel « target man » Kießling, s’il continue de servir de point d’ancrage, participe de plus en plus à l’élaboration, façon Lewandowski cherchant à recevoir en décrochant, puis à se retourner pour entamer la phase d’accélération. Ne lui reste plus qu’à claquer ses dix pions en sept jours et le compte sera bon.
Tah-Papadopoulos à la relance
Si, au Barça, Guardiola a révélé les gamins de la Masia Busquets et Pedro, Schmidt nous présente Julian Brandt. Titulaire le week-end dernier, le bébé Brandt, né en 1996, commence à faire son trou entre Bellarabi, Çalhanoğlu et Mehmedi. Il en est à 30 matchs et 6 buts depuis l’arrivée de Schmidt en 2014. Mais l’une des plus belles œuvres de Pep n’est pas seulement d’avoir révélé des pépites avec un certain talent, surtout d’avoir transformé le désordonné Boateng en un joueur sachant relancer au sol et conduire une défense. Dans Herr Pep, Martí Perarnau racontait la frustration du Philosophe en voyant le potentiel inutilisé de Boateng. Après de profondes corrections, le frère de Kevin-Prince est aujourd’hui une référence mondiale. Schmidt, lui, a fait mieux. Plus qu’un seul central, il en a transfiguré deux. Tah-Papadopoulos, 175 kilos et friands de longs ballons, se sont mis depuis peu à relancer au sol. Mieux, la charnière est maintenant capable de casser une, voire deux lignes adverses, par une « passe Boateng » , de celles que reçoivent Lewandowski, Costa et Müller lorsqu’ils se déplacent entre la ligne arrière et les milieux. Reste plus qu’à gagner deux Champions et trois Buli, et l’élève aura égalé le maître. Cinq fois rien.
Par Josselin Juncker et Eric Carpentier