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Rodrygo, l’homme qui s’est fait une place au Real Madrid
Passé de remplaçant à monsieur Ligue des champions du Real Madrid, Rodrygo a réussi à récupérer l’aile gauche de Vinícius, à planter plus que jamais et à semer le doute sur la place que pourrait occuper Kylian Mbappé s’il débarque dans la capitale espagnole.
À neuf jours de son quart de finale de Ligue des champions, le Real Madrid s’inquiète. Rodrygo n’a plus marqué depuis 465 minutes, soit sept matchs consécutifs sans trouver le chemin des filets avec les Merengues. Carlo Ancelotti, qui l’a lancé et défendu contre vents et marées, monte au créneau : « Il joue avec beaucoup d’intensité et, parce qu’il est jeune, je lui demande de faire du travail défensif. Cela signifie qu’il n’est pas aussi frais devant le but. » Puis vient l’heure des grands rendez-vous : un doublé face à l’Athletic Club, cinquième de Liga pour une victoire 2-0, un but contre Manchester City pour un match nul 3-3… Histoire de rappeler qu’à 23 ans aussi on peut ne pas se cacher.
MAIS C'EST QUOI CE MATCH DE FOLIE, RODRYGO DONNE L'AVANTAGE AU REAL MADRID !!! 🤯🤯🤯#RMAMCI | #UCL pic.twitter.com/4YtjNTRLDH
— CANAL+ Foot (@CanalplusFoot) April 9, 2024
Le gamin de São Paulo empile même les buts décisifs face aux clubs anglais : un doublé lors de la demi-finale aller face aux Skyblues (victoire 3-1) et le but qui relance les Merengues face à Chelsea lors du quart de finale retour (défaite 2-3 mais qualification) en 2022-2023, un autre doublé, toujours face aux Blues, en quarts la saison passée (victoire 2-0)… Au total, Rodrygo compte déjà 19 buts en Ligue des champions après 48 matchs disputés et figure comme le quatrième meilleur buteur de l’histoire du Real Madrid dans la compétition, derrière Cristiano Ronaldo, Karim Benzema et Raúl. Un détail.
Un couteau suisse qui sort les dents
Mais s’il est aujourd’hui devenu le monsieur Ligue des champions du club le plus titré de la compétition, Rodrygo était loin d’être la tête d’affiche des Madridistas avant le départ de Karim Benzema. À Santos, l’ailier virevoltant occupait l’aile gauche de l’attaque dans 80% du temps et s’est retrouvé coincé par Vinícius, d’un an son aîné, et Eden Hazard lors de son transfert à l’été 2019 contre 45 patates. Une posture qui oblige le jeune Rodrygo à patienter sur le banc, avant d’être trimballé entre l’aile droite, le poste de numéro 9 et parfois le côté gauche, toujours comme remplaçant de luxe. Qualifié de « travailleur » par Carlo Ancelotti, Rodrygo pâtit presque de sa versatilité et de son envie constante de bien faire, que ça soit offensivement ou défensivement, et ne parvient pas vraiment à se fixer à un poste. Pour sa première saison en tant que titulaire indiscutable, lors de l’exercice précédent, il est aligné 26 fois à droite, 19 fois en avant-centre, 7 fois à gauche et une fois comme milieu offensif.
En conférence de presse, Carlo Ancelotti ne cesse de vanter les qualités de son couteau suisse, qui a presque fait oublier Federico Valverde : « Rodrygo a la particularité d’être capable de faire beaucoup de choses sur les flancs et à gauche également. Peut-être sera-t-il plus efficace de ce côté. Il a déjà joué au milieu et a fait un excellent travail, comme il le fait lorsqu’il est un peu plus en profondeur. Rodrygo est un attaquant très complet et il y a peu de joueurs comme lui sur le marché. » Mais s’il vit la meilleure saison de sa carrière en matière de stats, avec déjà 16 buts et 8 passes décisives après 43 rencontres, le numéro 11 madrilène n’a pas hésité à tirer sur Carletto lors d’une trêve internationale avec le Brésil en octobre dernier : « J’ai toujours dit que je préférais clairement jouer sur le côté. Pour ce qui est du rôle de neuf, je dis toujours que je n’aime pas ce rôle. Mais en club, je dois souvent jouer à ce poste. […] Bien sûr, il est important de savoir comment faire différentes choses. Ça augmente les chances de ne pas être remplacé, de jouer, d’être titulaire. Vous devez faire ce que l’on vous demande, c’est très important pour moi. »
De travailleur de l’ombre à ailier gauche préférentiel
Une déclaration un peu rebelle et peu habituelle pour celui qui est toujours traité comme le petit du groupe malgré les arrivées de Jude Bellingham et Arda Güler. Au Real Madrid, il a même son « père », un certain Luka Modrić, qui l’observe cette saison depuis le banc. « Nous parlions, et il a découvert que mon père n’a qu’un an de plus que lui, et il m’a dit : “Tu me respectes, je suis assez vieux pour être ton père.” Et depuis, il a commencé à m’appeler “fils” et je l’appelle “père”. […] C’est le meilleur joueur avec qui j’ai joué et que j’ai vu jouer. C’est formidable de pouvoir jouer avec lui, de l’appeler “père” et d’avoir cette relation. » Son vrai père le suit au quotidien, est devenu son seul agent et a rameuté toute la famille à Madrid pour que Rodrygo ne manque pas d’un cadre sain. Quand il n’est pas à faire des heures sup dans sa salle de muscu perso ou sur son terrain boutiqué dans son jardin pour améliorer sa finition, l’international brésilien aux 22 capes s’amuse avec son cavaquinho, petite guitare typique portugaise, éclate ses potes sur FIFA ou va squatter les tribunes du Weezink Center pour pousser derrière l’équipe de basket du Real.
Une fidélité à toute épreuve au club blanc qui lui vaut de choper une prolongation jusqu’en 2028 et… enfin une place sur l’aile gauche. Comme lorsqu’il s’est hissé à la place de Karim Benzema dans l’axe lors de la saison 2022-2023, Rodrygo a su profiter de la suspension de Vinícius face à l’Athletic pour claquer un doublé et pousser Carlo Ancelotti à revoir ses choix. D’autant que Jude Bellingham derrière n’est plus autant autosuffisant qu’en début de saison et nécessite le renfort de Federico Valverde, qui signe peu à peu son come-back dans le onze. Un membre du staff confie même à The Athletic que désormais, les rôles s’inversent : la forme actuelle de Rodrygo est meilleure que celle du métronome anglais, qui doit désormais faire « le sale boulot » à la place du Brésilien. À savoir pas mal de grattages de ballon et de récupération en tout genre. Rodrygo peut aussi dire merci à son compatriote Vinícius, qui selon Carletto a « accepté » l’échange de rôles et son nouveau poste de 9 pour laisser libre cours à son copain sur l’aile gauche.
Mbappé-compatible ?
Le technicien madrilène insiste tout de même sur le fait que son poulain est « bon partout, même si les gens disent qu’il joue mieux à gauche ». À Madrid, certains y voient déjà une première étape avant d’incorporer Kylian Mbappé au XI madrilène. Avec la certitude que Rodrygo sera celui qui paiera le prix de l’arrivée du Français. Le Brésilien, lui, n’a pas vraiment peur de la concurrence avec le génie français, ayant déjà dû faire oublier Benzema et piqué la place de Vinícius sur l’aile gauche.
« J’aimerais que Mbappé vienne, avait-il lâché après la victoire 4-0 contre Gérone le 10 février. Je veux toujours jouer avec les meilleurs joueurs et il est l’un des meilleurs au monde. […] C’est vrai que nous sommes nombreux, mais c’est un bon problème. Et je suis serein. » Carlo Ancelotti, lui, n’a jamais parlé de reléguer sur le banc celui qui lui a rendu tant de services et répond aux innombrables questions sur Mbappé qu’il est surtout « très excité par Vinícius et Rodrygo, pas les autres joueurs ». « Nous avons déjà les meilleurs joueurs du monde ici, assure-t-il. Dans l’ordre : Vini Junior en premier, Jude Bellingham en deuxième, Rodrygo en troisième. » De là à mettre le Kyks sur le banc ?
par Anna Carreau