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Robinho, paria en son pays

Par Alexandre Berthaud, au Brésil
7 minutes
Robinho, paria en son pays

Robson de Souza, plus connu sous le nom de Robinho, a été condamné la semaine dernière par la justice italienne à neuf ans de prison pour viol en réunion. Au Brésil, le public ne lui pardonnera pas. S’il n’est pas encore derrière les barreaux, l’ex-grand espoir du foot brésilien a déjà été mis au ban de la société. Parcours d’un criminel, ancien footballeur.

Faut-il effacer, comme une souillure, les traces de son passage ? À Santos, son club formateur, Robinho est présent partout : du Memorial das Conquistas, sorte de musée des trophées du club, jusqu’aux vestiaires de l’équipe, l’ancien crack a même donné son nom à l’un des terrains du centre de formation. Aujourd’hui, certains supporters demandent à supprimer toute référence, ne voulant pas voir associés leur club et Robinho, un criminel. D’autres fans expliquent qu’il faut conserver le nom, et y ajouter au-dessus une plaque explicative avec ces mots : « Une honte pour le football. »

 Personne n’a jamais osé « le nouveau Pelé », mais le jeune, qui sort de Santos, qui est technique, rapide, les similitudes étaient là.

Robson devient Robinho

Si le joueur est présent à ce point dans l’histoire de Santos, c’est aussi une volonté des supporters. Car avant de descendre de lui-même aux enfers, Robson de Souza avait été porté aux nues. Il était devenu Robinho, un soir de décembre 2002, un soir de finale du championnat où il avait brillé. Un but, une passe décisive, des dribbles à foison, il offrait au Santos FC un titre qui le fuyait depuis 18 ans, son âge. « Il n’était pas considéré comme le crack de l’équipe, c’était Diego, mais là, du jour au lendemain, on a parlé de Robinho comme d’un des meilleurs joueurs du pays », raconte Alex Sabino, journaliste pour la Folha de São Paulo, déjà suiveur de Santos en 2002. « À ce moment-là, le Brésil vient de gagner la Coupe du monde, et le discours général, c’est qu’une génération très talentueuse arrive pour prendre la relève, Robinho en devient le symbole », ajoute Luciano Ribeiro, autre suiveur, du journal Expresso Popular à l’époque.


Venu d’un quartier ultra-pauvre, du futsal, il est simple, populaire, spectaculaire. Les supporters l’adorent, on le compare aux meilleurs dribbleurs de l’histoire du pays : Garrincha, par exemple. « Personne n’a jamais osé « le nouveau Pelé », mais le jeune, qui sort de Santos, qui est technique, rapide, les similitudes étaient là », se remémore Luciano Ribeiro. Les années suivantes, Robinho confirme, en Seleção comme à Santos, qui continue de gagner : il devient l’idole. « Dans la vie, il ne cherchait qu’à s’amuser, il adorait jouer au football, mais avec l’argent, il a découvert les sorties, il enchaîne les conquêtes », raconte Alex Sabino. Les suiveurs lui trouvent un côté gamin, pas sérieux. Les supporters l’aiment, puis le détestent quand il décide de faire grève pour forcer son départ au Real Madrid, en 2005.

 Il n’était pas porté sur l’alcool, mais plutôt sur les femmes. Pour moi, il n’a jamais eu de structure solide, que ce soit familiale, d’éducation, on ne lui a rien appris, ni le football ni la célébrité.

« Celui qui n’y est pas arrivé »

Lorsqu’il part, il déclare vouloir devenir le meilleur joueur au monde. « Rapidement, on a vu qu’il lui manquait quelque chose. Peut-être pas sur le terrain, mais dans le côté sérieux, professionnel, obsessionnel », analyse Luciano Ribeiro. Il ne s’impose dans la durée ni au Real ni en équipe nationale. « Il devient petit à petit dans la tête des gens « celui qui n’y est pas arrivé », il aurait dû devenir beaucoup plus que ce qu’il a été », ajoute Alex Sabino. En quittant Madrid pour Manchester City, Robson espère se remettre sur les rails du succès, mais il patauge. Une femme l’accuse de viol, un soir de boîte de nuit à Leeds. L’affaire, révélée par les tabloïds, est classée sans suite. Robinho nie.

Au pays, il n’est pas encore un paria, mais l’histoire confirme les raisons de l’insuccès. « Il sortait trop pour le haut niveau, constate Luciano Ribeiro. Il a toujours aimé s’amuser. Au début, il n’aimait que le football, puis avec l’argent, il a trouvé d’autres hobbies. Il n’avait pas le sérieux nécessaire de ceux qui ont marqué l’histoire à cette époque, Cristiano Ronaldo, Lionel Messi. » Après une Coupe du monde 2010 réussie sur le plan individuel, mais manquée collectivement (élimination en quarts), Robinho n’est toujours pas le crack annoncé. Les rumeurs sur son entourage, peu recommandable, se répandent. « Il avait des mauvaises fréquentations, assure Alex Sabino. Il n’était pas porté sur l’alcool, mais plutôt sur les femmes. Pour moi, il n’a jamais eu de structure solide, que ce soit familiale, d’éducation, on ne lui a rien appris, ni le football ni la célébrité. » Robinho ruine sa propre carrière, bien peu de choses en comparaison de ce qu’il s’apprête à commettre. Il est transféré à l’AC Milan en 2010.

De footballeur à criminel

En Italie, sur le terrain, il alterne l’excellent et le moyen. Puis, comme partout ailleurs, il s’éteint petit à petit. Au pays, l’avènement de Neymar a déjà eu lieu, Robinho a depuis bien longtemps perdu son étiquette de « futur » de la Seleção. « Les supporters en parlent comme d’un gâchis », résume Luciano Ribeiro, désormais à l’édition quotidienne du journal de São Paulo. Le joueur part de Milan en 2013. L’année suivante, le Corriere dello sport sort l’information : Robinho et quatre autres Brésiliens font l’objet d’une enquête pour viol en réunion, à l’aube du 22 janvier 2013, à la sortie du Sio Cafe, une boîte de nuit. En 2017, il est condamné en première instance à neuf ans de prison. Lors de la confirmation de la peine en Cour d’appel, en 2020, l’immense média brésilien Globo Sport révèle la retranscription d’un enregistrement téléphonique, pièce clé du procès. Le pays entier peut lire sur ses écrans la phrase prononcée par le joueur : « La fille était complètement bourrée, elle ne sait même pas ce qu’il s’est passé. »

En première instance, il avait parlé de relation consentie. Robinho est redevenu Robson de Souza. Si les dirigeants de clubs pas vraiment gênés par la morale avaient continué à donner du travail au joueur après 2017 (Sivasspor, Başakşehir), les révélations de Globo terminent d’enfoncer le joueur dans l’opinion publique. « À partir du moment où on a été certains qu’il serait condamné, qu’il irait en prison, sa carrière s’est terminée », résume Alex Sabino. Santos, pourtant, signe un bail de 5 mois avec son ancien crack, à l’automne 2020. Devant les menaces des groupes de supporters, le contrat avec le joueur est rompu. La condamnation définitive, la semaine dernière, par la Cour de cassation en Italie, ramène le sujet au centre des conversations chez les supporters de Santos. L’effacer pour ne pas glorifier les violeurs. Ou garder les traces pour donner des leçons à ceux qui suivront ? « Tout ce que je sais, c’est que c’est triste. Il doit payer pour son crime. Personne n’espère voir son idole devenir un criminel. » Malgré les trois condamnations, Robinho a toujours nié le crime dont il a été reconnu coupable, refusant les excuses à la victime.

Pourquoi Robinho n’est pas en prison

La sentence prononcée en première instance contre Robinho et son ami Ricardo Falco, neuf ans de prison, a été confirmée par la Cour de cassation en Italie. Il s’agit de la plus haute instance, il ne peut plus faire appel. L’Italie ne possède pas d’accord d’extradition avec le Brésil. Une loi prévoit normalement que le Brésilien condamné à l’étranger purge sa peine dans son pays, si ce crime est également puni au Brésil (ce qui est le cas pour le viol en réunion), MAIS un accord de coopération italo-brésilien datant de 1993 empêche pour le moment cette situation. Selon les experts brésiliens cités par la presse, le plus probable est un nouveau procès de Robinho, au Brésil, pour les mêmes faits.

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