- Angleterre
- Premier League
- 33e journée
- Chelsea/Manchester United
Robin van Persie a-t-il fait son temps à Manchester United ?
Sur le flanc depuis fin février en raison d'une blessure à la cheville droite, Robin van Persie va effectuer son retour avec Manchester United, ce samedi, lors du déplacement à Chelsea. Moins fringant, moins éblouissant cette saison, le Néerlandais retrouve une équipe des Red Devils en pleine bourre et qui s'est parfaitement accommodée de son absence. À l'heure où des rumeurs l'envoient en Italie, l'avenir de l'attaquant de 31 ans du côté d'Old Trafford suscite des interrogations.
Oui, car Manchester United souhaite s’en débarrasser
Les histoires d’amour finissent mal en général, mais, à en croire la presse anglaise, l’idylle débutée il y a trois ans entre Robin van Persie et Manchester United pourrait connaître une fin plutôt cordiale. Alors qu’il reste 14 mois de contrat à l’intérimaire attaquant hollandais, son club souhaiterait le laisser partir en Italie où la Juventus et l’Inter lui font la cour contre un beau cadeau financier. 5 millions de livres qui correspondraient à la moitié d’une prime de fidélité signée lors de son arrivée en 2012 et qui compenserait une baisse de salaire nécessaire pour un trentenaire en cas de transfert en Serie A. Un départ de RVP permettrait notamment aux Red Devils de continuer leur opération rajeunissement de l’effectif et d’activer la piste menant à Memphis Depay (PSV Eindhoven), déjà buteur à 19 reprises en Eredivisie cette saison. Et de récupérer, au passage, une belle enveloppe.
Oui, car son physique ne cesse de siffler
24 petites apparitions cette saison, seulement 18 l’an passé. Si une chose est certaine, c’est bien que le physique du numéro 20 mancunien n’est plus celui de ses 20 ans. Lors du dernier exercice, le Hollandais avait notamment souffert de l’aine pendant une bonne partie de la saison et avait terminé le championnat à l’infirmerie avec un genou fragilisé. Cette année, c’est au tour de la cheville, quand ce n’est pas le dos du buteur qui lui fait des caprices et l’empêche d’empiler les buts (seulement 10 en championnat). Déjà réputé dans sa jeunesse pour son physique fragile, Robin van Persie semble de plus en plus sujet aux pépins et inquiète son entraîneur, Louis van Gaal, qui le préserve au maximum, à l’image de sa mise à l’écart lors du Derby la semaine passée, alors qu’il était annoncé apte.
Oui, car son équipe a trouvé son rythme sans lui
Là aussi, on pourrait parler d’un concours de circonstances. Mais malheureusement, les chiffres sont là. Avec Van Persie en pointe, Manchester United n’a remporté que 50% de ses matchs cette saison et en a même perdu cinq. Rarement décisif cette saison à l’exception notable d’un doublé à Southampton (2-1) et d’un but égalisateur contre Chelsea (1-1) à Old Trafford, le Batave semblait peiner à s’adapter au système de jeu de son ancien sélectionneur. Pis encore, Louis van Gaal a enfin cessé de tâtonner sous la conjecture de blessures et a trouvé enfin son onze type en 4-1-4-1. On voit mal le Pélican toucher à sa machine qui tourne enfin à plein régime depuis de nombreuses semaines (85% de victoires sans RVP) et qui a remporté des succès probants à Liverpool (2-1) ou contre Manchester City (4-2) notamment. Et encore moins faire reculer un Wayne Rooney plus que jamais intouchable.
Non, car Louis van Gaal a toujours eu foi en lui
Si Louis van Gaal n’a pas fait preuve d’une grande mansuétude à l’égard de Radamel Falcao cette saison, il a montré une tout autre attitude envers Robin van Persie. Alors que l’attaquant néerlandais a mis du temps avant de digérer sa Coupe du monde au Brésil et a rencontré un début de saison plus poussif (seulement 3 buts en Premier League jusqu’à fin novembre), le Pélican a continué de lui accorder sa confiance. Envers et contre tous. Et malgré des remontrances extérieures de plus en plus pressantes. Mais le Red Devil a fini par rendre la pareille en claquant 7 buts lors de ses 13 derniers matchs avant sa blessure. « J’ai énormément confiance en lui, assurait le manager mancunien en décembre dernier. J’ai déjà expliqué ce que j’aimais chez un attaquant. Il n’y a pas que la capacité à marquer des buts, mais aussi la faculté de pouvoir jouer comme point d’appui et de savoir mettre les autres joueurs dans les meilleures dispositions. Van Persie est l’un des meilleurs attaquants pour ça. » Sans oublier, également, que l’ex-Gunner jouit d’un véritable crédit dans l’esprit de Van Gaal, puisque ce dernier l’avait nommé capitaine des Oranje lors du dernier Mondial. Les deux hommes s’apprécient et s’estiment. La dutch connection, sans doute.
Non, car il a été victime lui aussi du tâtonnement tactique
La première saison de Louis van Gaal s’est longtemps apparentée à une profonde quête de certitudes. Avant qu’il ne s’en dégage et ne trouve le système de jeu idoine (aujourd’hui le 4-3-3 ou 4-1-4-1), le Néerlandais a longtemps tâtonné tactiquement. Et RVP en a été l’une des principales victimes. Habitué à évoluer seul sur le front de l’attaque, le joueur formé à Feyenoord a été contraint à maintes reprises de partager l’affiche dans un 3-5-2 loin d’être adapté à l’effectif mancunien. Pour ne rien arranger, c’était la plupart du temps au côté d’un Radamel Falcao désespérant. Autre facteur déterminant, Van Persie a souffert de la longue absence de Carrick cette saison, qui n’est ni plus ni moins que le meilleur pourvoyeur de ballons à United. Même s’il culmine désormais à trente et une piges, le Dutchman n’a jamais brillé par sa vélocité, mais plutôt par ses déplacements, la qualité de ses appels et sa première touche de balle – l’une des plus belles au monde d’après Arsène Wenger. « Ses coéquipiers ne le trouvent pas comme Scholes ou Carrick il y a deux saisons. Van Persie est comme un cambrioleur dans ta maison, mais tu ne sais même pas dans quelle pièce il est. Le type de passe qu’il veut est dans l’espace » , soutenait en novembre dernier Gary Neville, désormais consultant émérite outre-Manche. Souvent, bien trop souvent au cours de cet exercice 2014-2015, il n’a pas été servi dans les meilleures dispositions. Quand on est un homme habitué à recevoir des caviars, ça devient logiquement plus compliqué.
Non, car le duo RVP-Rooney reste l’atout numéro 1 de United
Ancien soldat besogneux chez les Red Devils (1992-2011), Gary Neville garde un œil avisé – et aiguisé – sur l’actualité de son ancien club. Et, selon lui, l’avenir de la fine gâchette néerlandaise s’écrit toujours à Old Trafford. « Je ne m’attends pas à ce qu’il parte. United a besoin d’un avant-centre de qualité et je pense qu’il va rester. L’équipe a besoin de s’améliorer dans deux ou trois positions : un défenseur central, un milieu de terrain et un ailier » , a-t-il récemment confié au Sun. Au regard des statistiques de Van Persie à Manchester, l’ex-latéral anglais a raison de lui donner encore du crédit. En bientôt trois années, il a disputé 102 matchs toutes compétitions confondues pour 58 pions. Ce qui fait de lui le meilleur buteur mancunien sur cette période. Surtout, l’influence du Hollandais volant est indissociable de son partenariat avec Rooney. Robin et Wayne forment un duo complémentaire, et la relation technique, évidente entre les deux, a toujours constitué l’atout principal de la formation anglaise. Depuis l’arrivée de RVP à l’été 2012, la paire totalise 89 buts et 47 passes décisives en Premier League. Ainsi, lorsqu’ils sont alignés ensemble, United remporte 70,6% de ses matchs en championnat, contre seulement 54,5% sans eux. Une donnée forcément loin d’être négligeable.
Non, car Van Persie est la grâce incarnée
Robin van Persie le sait sans doute mieux que quiconque, il appartient à cette caste très prisée des joueurs racés, des artistes parfois incompris. « Je pense qu’il y a un lien créatif entre mes parents (il est né d’un père sculpteur et d’une mère peintre, ndlr) et moi, tentait-il de justifier il y a quelques années à propos de son style esthétique. Et je pense que le football est l’endroit où ma créativité s’exprime. Comme eux, je vois des choses que les autres ne voient pas. Quand je vois un terrain de football, je le regarde comme si c’était ma toile. Et j’y vois des solutions, des possibilités, des espaces pour m’exprimer. » Depuis presque onze années, l’artiste de Rotterdam régale la Premier League par son jeu léché et son élégance naturelle. Comme Javier Pastore en Ligue 1, RVP s’érige comme un fantasme qui oscille entre passion et frustration. Les bras écartés pour asseoir son équilibre, le port altier comme pour souligner son physique longiligne, le Néerlandais est une chance et l’une des meilleures publicités pour le championnat anglais. En outre, il s’inscrit dans la digne lignée des esthètes qui ont porté la tunique rouge (Cantona, Beckham, Berbatov). Van Persie, c’est tout simplement la caution beauté de ce Manchester post-Ferguson.
Par Romain Duchâteau et Maxime Brigand