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Robin des sous-bois
Il y a cinq ans, Robin Gosens était recalé du Borussia Dortmund après un essai catastrophique. Dans la foulée, il envisageait de devenir policier et se dégourdissait les jambes en sixième division. Ce soir, il verra le Mur jaune de ses propres yeux, dans le costume de latéral gauche de l'Atalanta Bergame. Cela s'appelle une revanche.
La Coupe d’Europe ? « Pour moi, c’est comme un rêve que je suis en train de vivre éveillé. » Un rêve que souhaiterait caresser n’importe quel joueur amateur et que Robin Gosens vit de la plus belle des manières depuis sa signature à l’Atalanta Bergame à l’été 2017. Né d’un père néerlandais à l’origine de son deuxième prénom – Everadus – et d’une mère allemande, ce milieu de terrain de 23 ans a grandi à quelques encablures de la frontière germano-batave, où il fait ses premières armes au VfL Rhede, jusqu’à en intégrer l’équipe-fanion qui évolue en D6.
« J’ai réussi les tests d’entrée à la police »
Sur le flanc gauche, Robin se révèle particulièrement doué, au point d’être sélectionné pour passer un test chez le mastodonte du Borussia Dortmund. Un comble pour ce supporter de Schalke 04 ! Malheureusement pour lui, l’expérience tourne court, lui-même la voit aujourd’hui comme un « fiasco. Je ne pouvais absolument pas suivre » . La faute à l’hygiène de vie en vigueur dans le monde amateur ? Robin se souvient en effet « des matins sur le terrain et des soirées passées avec les gars à descendre des bières sans fin » .
On est en 2012, Robin a alors dix-huit ans. Pour pallier toute fin brutale de ses aventures footballistiques, il a un plan B : « Je m’étais inscrit au sein de la police, où j’aurais d’ailleurs pu faire carrière puisque j’ai réussi les tests. » Mais son expérience des terrains cabossés de la D6 va finalement tourner court. Lors d’un match avec Rhede, il est repéré par un scout du Vitesse Arnhem, dont les installations ne sont situées qu’à soixante-dix kilomètres. « À la base, j’étais là pour un autre joueur, mais tu m’as impressionné, lui dit le recruteur. Tu ne voudrais pas passer chez nous pour faire un essai ? » Robin Gosens n’est pas du genre à laisser passer deux fois sa chance.
Les Pays-Bas pour aller plus haut
Tout juste majeur, il intègre donc les U19 du Vitesse. À l’époque, l’entraîneur de l’équipe première s’appelle Peter Bosz – un homme qui a d’ailleurs été viré de… Dortmund cet hiver après six mois plutôt désastreux. Déjà reconnu à l’époque pour donner sa chance aux jeunes, Bosz n’offre rien d’autre à Gosens qu’une expérience en équipe réserve. Pour ne pas stagner, il est prêté en D2 à Dordrecht, avec qui il atteint la montée en Eredivisie, avant d’être définitivement transféré à l’Heracles Almelo en 2015. Entre-temps, l’hygiène de vie a changé, le bac à légumes du frigo étant désormais réservé aux légumes : « Peut-être que je commencerai des études dans ce domaine-là, explique-t-il en 2013, avant de confier que l’alcool et les fast-food sont devenus un sujet tabou » . Au-delà de sa réussite sportive, il a un autre objectif : boucler son parcours scolaire.
Gosens tire finalement un trait définitif sur la police et les études de diététique pour une formation en management et entreprenariat. Courageux, au vu de ses deux saisons complètes à Almelo qui l’auront vu marquer cinq fois, livrer sept passes décisives et même croquer un petit bout d’Europe face aux Portugais d’Arouca, en tour préliminaire de la Ligue Europa.
Validé par Gasperini
À l’été 2017, un autre entraîneur réputé pour sa capacité à modeler les jeunes pépites se présente sur son chemin : Gian Piero Gasperini. Le technicien de l’Atalanta parvient sans mal à l’attirer en échange de 900 000 euros et d’un contrat de trois ans. « Maintenant, je joue contre des clubs comme Naples, contre de vraies stars mondiales, savoure Gosens. Les mots me manquent. » À Bergame, son niveau parfait de néerlandais lui permet de compter sur Hans Hateboer et Marten de Roon pour faciliter son intégration. Et même si son rôle est avant tout de suppléer Leonardo Spinazzola, Gosens n’est pas totalement passé inaperçu depuis son arrivée : son extraordinaire but marqué d’une reprise du gauche à l’entrée de la surface a marqué les esprits après la dérouillée infligée à Everton (1-5).
Dans ce contexte, inutile de dire que le match contre Dortmund aura un goût de revanche personnelle. « Nous ne partons certainement pas favoris, mais on peut complètement leur faire mal. Notre avantage, c’est de jouer le premier match à l’extérieur. Si on ramène un point… À la maison, on aura le pouvoir. » Les retrouvailles lui réussissent plutôt bien : en août dernier, à l’occasion d’un amical de préparation, son Atalanta avait battu 1-0 le Borussia… d’un certain Peter Bosz. Le monde est un village dans lequel Robin Gosens a enfin trouvé sa place.
Par Julien Duez
Propos de Robin Gosens extraits de t-online et Der Westen.