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Roberto Soldado : « Si je suis un battant, je le dois au Real Madrid »
Double buteur le week-end dernier face au Betis Séville (2-0), Roberto Soldado, 35 ans, s’éclate au sein d'un FC Grenade actuellement 6e de Liga. À l’heure d’affronter son club formateur du Real Madrid, l’international espagnol (12 sélections, 7 buts) n’est pourtant pas rassasié. Entretien.
Bonjour Roberto. Tu as été l’homme du match face au Betis Séville ce week-end avec ton doublé et la victoire de ton équipe (2-0). À 35 ans, où situes-tu la période que tu traverses à l’échelle de ta carrière ? Si tu m’avais posé cette question à mes vingt ans, je t’aurais dit que la meilleure période footballistique serait la saison où je marquerais le plus de buts. Je suis un attaquant et, de manière assez égoïste, mon travail consiste à penser à mes statistiques individuelles. Dans ce cas précis, je devrais répondre que ma période au FC Valence était la plus fructueuse (82 buts en 141 rencontres, N.D.L.R). Profiter comme je profite actuellement, je pense que je l’ai fait tout au long de ma carrière. La seule chose, c’est que j’ai l’impression que plus les années passent, plus je pense à l’équipe plutôt qu’à mes statistiques personnelles. Aujourd’hui, quand je rentre à la maison avec une défaite malgré mon but marqué, cela me pèse. Ce n’était pas forcément le cas avant. C’est pour cela que la dynamique traversée par Grenade en ce moment me rend vraiment heureux. Ici, nous sommes humbles, car nous sommes un club mineur du championnat, mais nous avons l’ambition de grandir. Il faut que les équipes que nous affrontons chaque week-end comprennent cela.
Grenade est européen cette année, il y a donc un enchaînement plus conséquent des matchs, mais cela ne semble pas peser sur les résultats de l’équipe : vous êtes sixièmes de Liga et qualifiés en seizièmes de finale de la Ligue Europa, où vous allez affronter Naples. Comment expliques-tu cette bonne dynamique ?Depuis le premier jour où je suis arrivé ici, je me suis senti dans une vraie famille. Si le club réalise des résultats aussi positifs actuellement, c’est parce qu’il y a une vraie volonté de travail et de sacrifice de chacun pour atteindre les objectifs fixés. Nous sommes toujours inscrits dans trois compétitions cette saison, mais notre objectif capital et réaliste, c’est le maintien en Liga pour permettre de poursuivre le développement du club.
Si on s’en tient à ton discours, il faut oublier une possible qualification en Ligue des champions en fin de saison…(Rires.) Honnêtement, c’est un scénario quasiment impossible pour un club comme Grenade. C’est trop ambitieux, et nous préférons laisser cet objectif à d’autres équipes. Non, il nous faut bien trop de travail pour atteindre ce niveau !
Et ton entraîneur, Diego Martinez, où est-ce que tu le places dans la réussite de l’équipe ? C’est un lien permanent dans notre groupe, et sa force réside justement dans cette proximité qu’il exerce avec chaque joueur. En tant que joueur expérimenté, je me rends compte qu’il maîtrise vraiment bien tous les détails qui font la différence entre une bonne et une excellente équipe. J’ai déjà connu des équipes qui faisaient la différence grâce à la somme des talents individuels, mais je n’avais jamais connu une force commune aussi déterminante qu’à Grenade. C’est un réel privilège d’avoir un entraîneur capable d’amener le potentiel collectif d’un effectif à son rendement maximum. Sa volonté quotidienne de nous rendre meilleurs jour après jour est communicative, cela nous incite à donner le meilleur.
Avec cette période de pandémie et une trêve plus courte que d’habitude, tous les clubs de Liga sont actuellement touchés par des blessures musculaires à répétition. À ton âge, est-ce que tu procèdes différemment des autres années dans tes préparations de match ? Je fais beaucoup plus attention dans mon comportement au quotidien qu’au début de ma carrière, oui. J’ai pris conscience que l’alimentation est déterminante dans la performance sportive, j’ai aussi la sensation que sur certains exercices à l’entraînement, je ne peux pas courir dans tous les sens comme les plus jeunes. Je sais que je dois suivre une préparation optimale et pour cela, je dois connaître mes limites physiques mieux que les autres. Savoir comment fonctionne mon corps, avoir la fatigue suffisante en fin d’entraînement pour bien récupérer derrière, avoir la graisse nécessaire pour garder un certain équilibre, arriver au meilleur de ma forme le jour du match… Je profite au maximum de nos nutritionnistes !
Ce mercredi, tu vas revenir aux sources avec ce match face au Real Madrid. C’est là où tu as démarré ta carrière de footballeur professionnel il y a déjà seize ans. Est-ce que le Roberto Soldado de cette époque avait des rêves encore plus grands que ceux qu’il a réalisés aujourd’hui ? J’avais une envie débordante et des rêves plein la tête, mais tout cela continue, même à mon âge ! (Rires.)
Le Real Madrid est une grande école de football, mais il reste difficile de s’imposer dans l’équipe professionnelle. Tu n’as joué que 27 matchs en 3 ans dans l’effectif. Ça te motive à chaque fois que tu recroises ton club formateur ? Il y a toujours une saveur particulière quand tu retrouves le club d’où tu viens. Sortir de centre de formation et parvenir à faire carrière, c’est quelque chose. Après, ce serait bien que la chance de s’imposer au Real Madrid soit égale entre un espoir formé au club et un jeune étranger sur lequel un fort investissement financier a été fait. À niveau équivalent, il me paraît essentiel d’inciter les clubs à favoriser le vivier national. Cela dit, le Real est le plus grand club au monde et je lui serai toujours reconnaissant. J’ai passé de bonnes années chez eux, cela m’a appris à devenir une personne compétitrice avec un mental de battant. Si je suis devenu ce footballeur, je le dois à ce club.
À l’échelle internationale, tu es issu de la même génération que David Villa et Fernando Torres, deux des plus grands attaquants de l’histoire de l’Espagne. C’était dur pour un compétiteur comme toi de regarder l’équipe nationale enchaîner les victoires à l’Euro 2008, la Coupe du monde 2010 et l’Euro 2012 alors que tu étais en forme, que ce soit à Getafe ou au FC Valence ? La sélection nationale, cela a toujours été ma grande motivation. En 2008, j’étais parmi les candidats susceptibles d’intégrer le groupe pour l’Euro. Finalement, je n’ai pas été retenu, et l’équipe est devenue championne dans la foulée. Mais dans ma tête, j’avais toujours l’objectif de jouer ces grandes compétitions et faire avec la concurrence : il y avait Villa et Torres comme tu le dis, mais aussi Álvaro Negredo ou Dani Güiza (Pichichi lors de la saison 2007-2008 de Liga, aujourd’hui à l’Atlético Sanluqueño en D3 espagnole, N.D.L.R). C’était clairement une période faste chez les buteurs espagnols, et en soi, cela me permettait de relativiser. C’était déjà une énorme fierté de pouvoir porter le maillot de l’équipe nationale, et je savais que les attaquants qui me devançaient, Fernando Torres et David Villa, étaient des mecs en or. Il y avait du talent à foison et à tous les postes. Je n’ai pas eu la chance d’en être, mais j’ai vraiment profité de ces instants-là comme si je faisais partie de cette aventure. C’était quelque chose de très beau à vivre.
Comment as-tu perçu l’évolution de ton poste d’avant-centre depuis que tu es dans le circuit professionnel ? Sur le plan personnel, j’ai l’impression que ma manière de jouer s’est modifiée quand j’ai signé à Tottenham. Avant cela, je n’étais qu’un attaquant de surface intéressé par l’idée de frapper au but. J’ai dû vraiment changer de style quand j’ai débarqué en Angleterre. En Premier League, je devais faire face à de vrais monstres physiques en défense, et si je comptais aller directement au duel avec eux, je pouvais m’apprêter à souffrir. C’est à ce moment-là que j’ai appris à participer davantage au jeu et ne plus être forcément ce numéro neuf finisseur. Alors c’est vrai, il y a une forme de nostalgie au moment de me rappeler tous les buts que je marquais dans mes premières années en Liga… Mais en fin de compte, je pense être devenu un footballeur plus complet.
Propos recueillis par Antoine Donnarieix