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Roberto Soldado, matador mal-aimé

Pablo Garcia-Fons
Roberto Soldado, matador mal-aimé

Meilleur attaquant espagnol du championnat espagnol depuis plusieurs années, aujourd'hui à Valence, Roberto Soldado a pourtant suivi les triomphes de la Roja à la télé. La faute à un profil de buteur-finisseur qui a longtemps fait de lui le vilain petit canard de l'histoire…

Le 27 mai 2012, Roberto Soldado se prépare à faire une sacrée fiesta pour son anniversaire. En stage de préparation avec l’Espagne, le garçon fête ses 27 printemps le jour où Vicente del Bosque doit annoncer sa liste des 23 pour l’Euro. Roberto y croit dur comme fer. Il faut dire qu’il dispose d’arguments de poids. Avec Valence, « El Gudari » sort d’une saison pleine. Il a porté l’attaque des Chés à bout de bras, inscrivant 27 buts — un chiffre qui lui colle décidément à la peau — en 45 rencontres toutes compétitions confondues. En Liga, il a raflé, à égalité avec le grand blond bouclé de Bilbao, le trophée Zarra de meilleur buteur espagnol du championnat. Encore mieux, pour son premier match en sélection de l’ère « Du Bois » , contre le Venezuela, l’attaquant à crête a épaté la galerie en trouant trois fois les filets adverses en une mi-temps. Le champagne est déjà au frais, il attend la bonne nouvelle.
Del Bosque a la dent dure
Le vieux patriarche de la sélection monte sur l’estrade, approche sa grosse moustache grise du micro et égrène les noms des heureux élus : « En attaque, je choisis Fernando Torres, Fernando Llorente, et Álvaro Negredo. » Quoi ? Álvaro Negredo ? Le rasé du FC Séville ? Le grand pataud qui a mis 15 buts de moins que Soldado la saison dernière ? « C’est un moment qui fait mal » , explique, laconique, le malheureux sur son compte Twitter. Dans son entourage, les langues se délient et on n’hésite pas à parler de « terrible injustice » . Alors que la tentation de tout envoyer balader est énorme, le garçon fait finalement contre mauvaise fortune bon cœur en ravalant son ego et en participant au dernier amical de la Roja en Autriche contre la Corée du Sud. Si la non-sélection de Soldado fait à l’époque les gros titres de la presse espagnole, elle rappelle aussi que l’inimitié entre les deux hommes remonte à une vieille histoire.
Bourré de talent, le gamin quitte son cocon à Valence pour faire ses classes à « la Fábrica » , centre de formation de la Maison Blanche. À l’époque, le Real Madrid version Galactiques est coaché par bon papa Del Bosque. Une époque où la porte entre l’équipe première et le Real Castilla est fermée à double tour. La presse locale s’indigne de cette situation. Le jeune joueur, « El Tucan » comme l’appellent ses potes, n’hésite alors pas à prendre publiquement la parole pour critiquer l’attitude du coach envers la jeunesse du club. Une déclaration qui finit de le griller totalement. « À 17 ou 18 ans, je pensais être le roi du monde, alors que je n’étais qu’une petite merde. Je considérais avoir assez de talent pour jouer en équipe une. Mes parents sont venus me mettre une belle rouste et je me suis remis au travail » , expliquera plus tard Soldado dans un entretien accordé à El Pais. Trop bon pour rester avec la réserve — « El Guerrillero » termine deuxième meilleur buteur de la Liga Adelante —, la star en herbe est d’abord prêtée à Osasuna, avant de faire le trajet habituel des espoirs déchus du Real, direction Getafe.
Un neuf, un vrai
Bien secondé par son compère Pedro Léon, Soldado ne tarde pas à faire parler la poudre chez les banlieusards. Aligné seul en pointe, le guerrier porte bien son nom. Pas du genre à creuser une tranchée sur le front de l’attaque, Soldado est un combattant mobile, rapide. Il s’infiltre dans les défenses adverses, fatigue l’ennemi par ses appels incessants, avant de frapper en plein cœur, vif comme l’éclair. Contrairement au stéréotype de l’attaquant espagnol, Soldado n’est ni un tricoteur, ni un bouffeur de chique. À l’inverse de beaucoup de ses compères ibères, le natif de Gandia a travaillé pour épurer au maximum son jeu. En fixation, c’est une touche, une déviation, de la tête, du pied, propre, net. Devant les buts, c’est encore plus simple : un appel, une balle, une frappe sans contrôle, point barre. Pas de passements de jambes, pas de grigris, Soldado serait plutôt du genre à prendre exemple sur l’efficacité et la classe d’Hugo Sánchez. Lors de l’exercice 1989-90, le Mexicain avait inscrit ses 38 buts pour le Real sur des frappes sans contrôle. En bon élève, Roberto a planté 23 de ses 27 buts la saison dernière en une seule touche de balle.
Ce profil de matador des surfaces, Soldado le traîne finalement comme un boulet en sélection. Appelé la première fois par Luis Aragones en 2007 pour disputer une poignée de minutes contre la Lettonie et le Liechtenstein, le larron a ensuite passé cinq longues années à attendre une nouvelle convocation. Une chance que lui a finalement accordé Del Bosque, contre le Venezuela. Ce même Del Bosque qui lui a ensuite préféré Negredo. « Alvaro s’intègre mieux dans le jeu avec les milieux de terrain que Soldado qui a plus un profil de finisseur » , explique à l’époque le technicien pour justifier son choix. Roberto est donc la victime de la philosophie de jeu de la Roja qui préfère jouer avec un Fàbregas en faux neuf plutôt que d’aligner un véritable attaquant de pointe. Ô Mario Gómez, comme tu as bien fait de ne pas choisir de jouer pour le pays de tes parents ! À Valence pourtant, devant son public, Soldado a réussi l’exploit de faire oublier David Villa. Une nouvelle popularité qui lui vaut même d’être l’égérie, avec Lionel Messi, de la version espagnole de FIFA 13. Comme un symbole, c’est l’ex-vilain petit canard qui a permis à la Roja de ramener les trois points du guet-apens géorgien il y a quelques jours. Le début d’une nouvelle ère ?

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