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Roberto Firmino, le nouveau Brésil
Quasiment inconnu sur ses terres et prophète à Hoffenheim, Roberto Firmino est envoyé à Manchester United par les journaux brésiliens et anglais. Avant son transfert, le milieu offensif aura à cœur de faire bonne figure pendant la Copa América, lui qui doit ses débuts en Seleção au remaniement de Dunga. Portrait d'un type qui incarne le renouveau de la Canarinha.
Le Joga Bonito est mort, et ce n’est pas Dunga qui le ramènera. Nombreux sont ceux qui, au lendemain de la Coupe du monde, se demandaient comment le Brésil allait se relever de la claque infligée par l’Allemagne. Le réservoir de talents est, paraît-il, complètement vide et rien ni personne ne peut y faire quoi que ce soit. Un an plus tard, les mentalités ont changé. Et si, finalement, cette équipe avait de la gueule ? Danilo a signé au Real Madrid, Casemiro y est retourné, Philippe Coutinho brille à Liverpool, Willian franchit un cap en Seleção… Et puis, il y a cet attaquant de 24 ans, que tout le monde ignorait au pays, que seuls les germanophiles pouvaient connaître et qui est aujourd’hui annoncé en partance pour Manchester United. Roberto Firmino, de son nom, incarne à merveille ce nouveau Brésil et les espoirs dont il est porteur.
Agressif, rigoureux tactiquement, habile, créatif et insolent, l’amoureux des sombreros (le dribble, pas le chapeau) a déjà largement convaincu Dunga. En jetant un coup d’œil à ses statistiques, on comprend vite pourquoi. En six sélections, l’attaquant a déjà planté à trois reprises et délivré autant de caviars. La France se souvient encore de son excellent match au Stade de France, tout comme l’Autriche se rappelle du premier but du joueur d’Hoffenheim sous les couleurs de la Canarinha, une mine téléguidée dans la lucarne droite du pauvre Ramazan Özcan. Avec la Copa América, la révélation brésilienne de l’année a l’opportunité de franchir un cap en s’illustrant au plus haut niveau. Tout porte à croire qu’il y parviendra. Et pourtant, c’était loin d’être gagné.
Recalé par São Paulo et… Marseille
Si, au bout de deux matchs, Dunga en est venu à la conclusion qu’il ferait de Firmino l’un des éléments réguliers de la nouvelle Seleção, ce n’est pas vraiment un hasard. En 2013, lorsqu’il occupait le banc de l’Internacional, le technicien auriverde voulait rapatrier le natif de Maceio. Hélas pour lui, le jeune milieu offensif s’était bien adapté au jeu allemand et jouissait déjà d’une cote suffisamment élevée pour le rendre hors d’atteinte pour le club de Porto Alegre. C’était bien la première fois que l’on se battait pour Roberto Firmino. Issu d’une famille modeste, la révélation brésilienne a connu une enfance similaire à celle de beaucoup de joueurs de son pays. La violence, la musique et la terre battue sur laquelle il joue le plus souvent pieds nus avec ses amis rythment les premières années de sa vie. Comme tous les gamins du coin, il songe à devenir footballeur professionnel pour sortir de son trou et offrir de meilleures conditions à sa famille. Il s’inscrit dans le club du coin, le CRB (Clube de Regatas Brasil), dans l’espoir que quelqu’un le repère. Ce quelqu’un n’arrivera qu’en 2006. Firmino a 15 ans quand Marcellus Portella, dentiste du club, le découvre et décide de devenir son agent après avoir convaincu ses parents de lui faire confiance. « Quand je l’ai vu jouer pour la première fois, j’ai remarqué que c’était un joueur très talentueux. Mais personne ne s’intéressait à lui. Quand je disais qu’un jour, il représenterait l’équipe nationale, on me disait que j’étais fou » , racontait Portella dans les colonnes du journal O Estado de São Paulo au mois d’avril.
À 17 ans, l’international brésilien s’entraîne, joue avec les U20 et leur fait des misères. Il devient trop grand pour son équipe de quartier. Son dentiste d’agent décide de lui faire passer des tests, dont un à São Paulo, qui le recale à l’issue d’une vague d’entraînements au cours de laquelle il ne touche quasiment pas le ballon. À Figueirense, les choses se passent mieux, et Firmino n’attend pas pour taper dans l’œil des recruteurs. « Dès le premier entraînement, il a planté deux retournés acrobatiques. On l’a pris dans l’heure qui suivait » , se souvient l’entraîneur Hemerson Maria, toujours pour O Estado de São Paulo. Sans surprise, Firmino s’impose chez les jeunes de Figueirense et va même jusqu’à faire un test de deux semaines à l’Olympique de Marseille. À la Commanderie, il s’entraîne avec la réserve olympienne sans faire de bruit et repart aussi vite sur la pointe des pieds. La discrétion est l’une des particularités d’un jeune homme tant culotté sur le terrain que timide en dehors. Hemerson confirme. « Il est arrivé en même temps que beaucoup d’autres jeunes chez nous. J’avais du mal à retenir les noms les premiers jours. Pendant deux semaines, je l’appelais Alberto, il n’a jamais osé me dire qu’il s’appelait Roberto. Il a fallu que le préparateur physique vienne me le dire. »
Style extravagant et tatouage foiré
D’un point de vue personnel, son départ du pays pour l’Allemagne et Hoffenheim contribue grandement à transformer le petit garçon en adulte. En Bundesliga, le Brésilien apprend à se faire respecter sur et en dehors du terrain. La métamorphose est saisissante. Roberto Firmino squatte les salons de tatouage et se forge une garde-robe capable de rivaliser d’extravagance avec celles de Daniel Alves ou Neymar. Dans le vestiaire, il parle, chante, danse, fait le Brésilien en somme. S’il s’adapte plutôt bien à la culture européenne et à son climat capricieux, l’ancien de Figueirense n’a, alors qu’il va sans doute quitter l’Allemagne cet été, en revanche toujours pas réussi à assimiler l’allemand. Le probable futur Mancunien avait défrayé la chronique au mois de mars pour s’être planté magistralement sur un tatouage écrit en allemand à l’aide de Google Traduction (quelle idée, en même temps). La phrase qu’il souhaitait se faire apposer « famille, un amour sans fin » , a été traduite par le moteur de recherche par « Familie unaufhorliche Liebe » , dont l’orthographe est incorrecte et le sens péjoratif. L’expression correcte étant « Familie bedingungslose Liebe » , le milieu offensif n’a pas pu faire grand-chose pour rattraper la bourde. Tant pis. Il n’y a plus qu’à espérer pour lui que l’anglais lui posera moins de problèmes. Il en aura bien besoin pour comprendre les instructions et les coups de folie de Louis van Gaal.
Par William Pereira