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Roberto Baggio, phénomène culturel
Queue de rat, boucle d'oreille et bouc vs gomina, patte et après-rasage. Quand on est différent, on attise forcément la curiosité. Et c'est pour ça que l'influence de Roberto Baggio a dépassé les frontières du foot. C'est pour ça aussi qu'il est encore perçu aujourd'hui comme un OVNI culturel. Compilation d'hommages.
Roberto Benigni, la vita è bella : « Je n’y connais rien en foot, mais Baggio est tellement fort qu’il peut remporter la Coupe Davis, le Goncourt, Liège-Bastogne-Liège et, s’il s’y met sérieusement, la Palme d’or du festival de Cannes. L’Oscar ? Non, l’Oscar, il est pour moi ! »
Edmondo Berselli, écrivain : « Un but de Baggio sera toujours un but étrange venu d’ailleurs. Une espèce de revanche miraculeuse sur ses genoux vacillants et sur ceux qui prétendent que le football est réductible à une formule. »
Michael Farber, homme de lettres au pays du thé : « Au pays de Pavarotti, on chante l’amour, la beauté, la victoire. Et Roberto Baggio est un peu tout ça. Il est réel de manière douloureuse, presque bouleversante. C’est un footballeur, mais décrire Baggio comme un simple joueur de football, c’est dire que Mona Lisa est une peinture. Baggio est un créateur, un inventeur, l’interprète du plus grand art populaire du monde. »
Red Ronnie, le Dick Rivers de la botte : « Il y a pas mal de jeunes gens qui cherchent d’autres réponses que les réponses officielles. Baggio est un de ceux-là. Il est allé chercher sa religion et il n’a pas accepté celle qu’on lui imposait. »
Madonna, comme une vierge : « Il est beau et macho. Juste comme je les aime. »
Ernesto Granpasso, poète : « Baggio reste l’homme des situations désespérées. Les situations dans lesquelles on a besoin de quelque chose que les mortels n’ont pas. Ce n’est pas lui qui fera gagner la Ligue des champions à l’Inter. Ce n’est pas sa mission. Il suffit que Baggio lui ait offert le rêve de pouvoir le faire. Quand il arrêtera de jouer, l’espoir qui te fait dire : « Ça n’est pas encore fini, tu vas voir que Baggio va entrer et marquer » s’effacera. Sans doute, chers entraîneurs, qu’il ne vous assure pas la victoire. Sans doute que son imprévisibilité ne vous rassure pas. Sans doute que c’est pour cela que vous préférez miser sur le train-train laborieux des marathoniens. Sans doute, que sa lumière vous rejette dans l’ombre. Mais sans Baggio, le roman du football risque de devenir un peu trop plat, comme lorsqu’on sait depuis le commencement qui va perdre et qui va gagner. Et ni Totti ni Del Piero ne réussiront à le remplacer. Ce ne sont que des champions. Baggio est plus que cela : le dernier hasard, une prière adressée aux dieux. »
Clemente Mastella, le François Bayrou italien : « Baggio a des pieds dignes du musée du Louvre et une grande dignité. Qu’il laisse mariner ceux qui le dénigrent dans leur sempiternel bouillon. »
Tony Blair, homme fort britannique : « Un autographe, s’il vous plaît. »
Sabina Acquaviva, sociologue : « Baggio est l’expression de la majorité silencieuse faite de souffrance et de malaise. Des jeunes gens qui mènent une vie assez normale, capables de bien travailler et en même temps qui sont inconstants. C’est une diva du football avec les caractéristiques de notre société. Il représente une mutation survenue en Italie, la figure émergente d’un changement d’époque. Il exprime un pays différent qui avait besoin d’un symbole comme lui. »
Gianni Agnelli, propriétaire de Fiat et grand supporter de la Juve : « Un temps, on descendait dans la rue pour protester contre la Fiat. Aujourd’hui, c’est parce que Baggio ne veut pas venir à la Juve. Je dirais que ce pays s’améliore. »
Bill Clinton à Boris Eltsine après la victoire de l’Italie contre l’Espagne en quarts de finale du Mondial 94 : « Regarde comme Silvio est heureux. Il est heureux parce que Baggio a marqué un but en Coupe du monde. »
Pietro Sermonti, acteur moustachu : « Certains joueurs ont construit une partie importante de l’histoire contemporaine. Les miracles de quelqu’un comme Baggio n’ont rien à envier à ceux de Marlon Brando. »
Zucchero, le Johnny Hallyday italien : « Pourquoi lui avoir dédicacé la chanson Baila ? Parce que sur le terrain, il faisait danser tout le monde. »
I miei due miti…zucchero e Robi Baggio pic.twitter.com/5azBeWnU
— Tiziana♥ (@TizianaNuvola) 7 Février 2013
Franco Zeffirelli, réalisateur croyant : « Je te veux dans mon film Jésus de Nazareth, dans le rôle de Dieu. »
Italo Cucci, écrivain et frère de bouc : « Baggio représente la victoire de l’espérance sur nos afflictions quotidiennes. »
Andrea Scanzi, personnage public : « Parler de football ennuie Roby. Les parties de l’interview où il s’illumine, concernent la chasse, le bouddhisme et son enfance. »
Aldo Serena, esthète du football : « Il est normal qu’on envoie d’abord sur le terrain les ouvriers pour qu’ils taillent la pierre et qu’ils cèdent ensuite la place à l’artiste, au ciseleur qui fait sortir de cette pierre encore brute une œuvre d’art. »
Eduardo Galeano, monument de la littérature uruguayenne : « Ces dernières années, personne n’a offert aux Italiens autant de bon football et de sujets de discussion. Le football de Roberto Baggio est un mystère : ses jambes pensent pour leur compte, ses pieds tirent seuls, ses yeux voient les buts avant qu’ils ne se matérialisent. Tout Baggio est une longue queue de cheval qui avance et éparpille son monde en d’élégantes allées et venues. Ses adversaires l’agressent, le mordent, le frappent. Baggio porte des messages bouddhistes sur son brassard de capitaine. Buddha ne lui évite pas les coups, mais il l’aide à les supporter. Dans son infinie sérénité, il l’aide à découvrir le silence au-delà du fracas des ovations et des sifflets. »
Par Ugo Bocchi, avec l'aide de Mario Morisi
« Kerguelen, Peintre soldat » de Mario Morisi aux éditions Baudelaire