Salut Robert. Après un passage mitigé en Turquie, te voilà de retour au Slovan Bratislava, le club de tes débuts…
Je suis revenu au Slovan principalement à cause des blessures à répétition qui ont perturbé mon expérience en Turquie. Je n’avais pas d’autres propositions. Ce retour aux sources est l’occasion de relancer ma carrière, de prendre un nouveau départ. Je jouais depuis douze ans à l’étranger. J’avais envie de revenir en Slovaquie, pour boucler la boucle. J’ai commencé ma carrière ici, cela signifie beaucoup pour moi, j’ai toujours été reconnaissant. Le Slovan a toujours été dans mon cœur.
Pourquoi ça te plaît, la Slovaquie ?
J’aime beaucoup de choses ici. Bratislava n’est pas une grande métropole, mais c’est une ville avec beaucoup d’histoire et de charme. Nous sommes au centre de l’Europe, il y a beaucoup d’étrangers qui viennent de tous les endroits. La Slovaquie, c’est ma patrie, un magnifique pays avec beaucoup de paysages. On peut aller skier, c’est très beau. Et il y a aussi beaucoup de très belles filles, comme tu peux le voir (il montre quelques voisines, ndlr).
Comment ça se passe cette saison ?
L’année dernière a été très bonne, nous avons remporté le titre de champion, mais depuis, les choses tournent mal. Aujourd’hui, on est seulement quatrièmes en championnat, ce qui est assez décevant. D’un point de vue personnel, aussi, ma blessure ne se guérit pas.
Tu as une longue histoire avec les blessures, et notamment une qui implique le Real Madrid…
Quand j’étais jeune, tout se passait à la perfection pour moi, beaucoup de clubs me tournaient autour. J’étais à un tournoi avec l’équipe nationale, j’ai marqué quelques buts. Sur le bord du terrain, il y avait un recruteur madrilène et je lui ai tapé dans l’œil. Il m’a offert un contrat à l’âge de 16 ans. On était censés se rencontrer deux semaines plus tard, mais je me suis fait une rupture des ligaments croisés entre-temps. Tout s’est écroulé.
Tu crois que ça a brisé ta carrière ? Tu as beaucoup de regrets ?
Je n’y ai jamais pensé de cette façon. Même si c’est dur de partir de Slovaquie, où il y a peu d’opportunités pour se faire remarquer, j’ai toujours su que quand j’irais mieux, je pourrais rejoindre une bonne équipe. Peut-être pas le Real, mais une équipe qui croirait en mes capacités et que je pourrais faire une très belle carrière.
Finalement tu signes en 2003 en Allemagne, à Nüremberg, où tu es resté cinq saisons…
C’était le plus long contrat que j’ai jamais eu avec un club. Cette stabilité m’a permis de vivre de très belles saisons, je me sentais bien. Le championnat était de très haute qualité, avec beaucoup de discipline, des stades magnifiques, des supporters incroyables. Tout n’était pas rose, j’ai eu quelques périodes de moins bien. Mais c’est une réalité pour tous les footballeurs, on enchaîne des cycles plus ou moins bons. Cela n’a jamais entaché les bons moments.
C’était quoi le sommet ?
La victoire en coupe d’Allemagne contre Stuttgart. Je n’ai pas gagné beaucoup de titres, donc je m’en souviens bien.
J’espère être en France pour l’Euro. Malgré ma blessure, le sélectionneur m’a dit qu’il comptait sur moi
Après des débuts honorables, tu exploses véritablement en 2006, en inscrivant 16 buts en 17 matchs de Bundesliga. Il t’est arrivé quoi ?
Six mois avant, j’étais à deux doigt de quitter l’équipe. Je voulais partir parce que je ne m’entendais pas avec le coach, qui ne me faisait pas jouer. Finalement, il y a eu un changement d’entraîneur et on m’a donné ma chance. Donc j’ai passé la seconde (rires). C’était le meilleur passage de ma carrière, j’ai claqué pas mal de records.
Tu as en effet la particularité d’être le premier joueur de l’histoire de la Bundesliga à avoir réalisé deux triplés consécutifs, contre Duisbourg et Cologne.
Dans la foulée, on a joué contre le Werder de Brême et j’ai marqué un doublé. Je m’en souviens bien, mon entraîneur, en conférence de presse, a demandé si j’allais bien et si je n’avais pas de problèmes psychologiques parce que je n’avais marqué que deux buts…
À l’époque, tu es couronné meilleur joueur slovaque de l’année…
Bien sûr, c’est un titre prestigieux et ça m’a fait plaisir d’être reconnu. Mais, franchement, je ne suis pas le plus grand fan des récompenses individuelles. Le foot est un sport co, un jeu d’équipe. Je ne dis pas que je n’étais pas heureux, mais je suis plus heureux quand mon équipe gagne.
Parlons un peu de la sélection slovaque. En plus d’être le meilleur buteur de l’histoire de la sélection, tu as la particularité d’être le premier buteur slovaque de l’histoire de la Coupe du monde… Quels souvenirs gardes-tu de la compétition ?
D’incroyables souvenirs. La Coupe du monde, c’est forcément le top de toute carrière. Il y a tous les meilleurs joueurs du monde, la planète entière te regarde. C’était la première fois que la Slovaquie passait les poules. C’était génial pour notre pays. Pour moi, c’était sans aucun doute le plus beau moment de ma carrière, surtout que j’ai marqué quatre buts…
Dont deux contre l’Italie…
Oui, j’ai un peu sauvé la France (rires). J’ai toujours la petite statuette d’homme du match. C’est un petit trophée souvenir.
La sélection a l’air de progresser. Quels peuvent être les objectifs de la Slovaquie à l’Euro 2016 ?
La Slovaquie s’améliore en effet. Les joueurs jouent de plus en plus à l’étranger. Le niveau augmente, tout le monde accumule de l’expérience et s’habitue au haut niveau. Avec Marek Hamšík et Martin Škrtel, on a deux locomotives qui nous tirent vers l’avant. Il faut aussi souligner le travail remarquable de notre sélectionneur Jan Kozák, qui est un très fin psychologue. Il sait nous motiver, assurer une ambiance positive et créer un esprit d’équipe. Tout ça mis bout à bout, le résultat est toujours bon. On a gagné nos cinq premiers matchs en phase de qualification, en battant notamment l’Espagne à la maison. Nous sommes donc bien partis, même si nous ne sommes pas encore qualifiés. J’espère être du voyage en France, ce serait un super moment. Malgré ma blessure, le sélectionneur m’a dit qu’il comptait sur moi.
La France, tu connais bien pour avoir porté le maillot du LOSC…
C’était quelque chose de nouveau pour moi, la langue, la culture. Peu de gens parlaient anglais ou allemand dans l’équipe, donc c’était un peu dur au début. Mais je dois dire que Lille était une très belle ville, j’ai beaucoup aimé.
T’as visité un peu la rue Solférino ?
Oui, et la rue Masséna. Il y avait pas mal de bons endroits (rires).
À Ankara, un homme noir est arrivé une heure avant moi à l’aéroport et s’est fait passer pour moi, au club
À l’époque, Rudi Garcia était le coach. Dans l’effectif, on retrouvait alors Landreau, Rami, Chedjou, Debuchy, Mavuba, Cabaye, Hazard, Bastos, puis Gervinho. Pas mal, non ?
Une super équipe. Quand je revois les joueurs qui ont joué avec moi et où ils jouent maintenant, j’ai un peu de regrets qu’on n’ait pas réussi à obtenir de meilleurs résultats. On a terminé seulement cinquièmes en championnat. Mais avec le recul, c’était vraiment une belle opportunité pour moi et je suis content de l’avoir saisie. Le club se construisait petit à petit. Peut-être que je n’ai pas autant joué que je l’aurais souhaité, mais je crois que les supporters m’ont apprécié. J’ai essayé de donner le maximum à chaque match.
Tu n’es pourtant resté qu’une saison et demie…
J’étais assez triste de devoir partir. Le coach Rudi Garcia a été honnête et m’a dit qu’il ne comptait plus vraiment sur moi. C’était l’année avant la Coupe du monde et j’avais besoin de jouer. Mais si ça n’avait tenu qu’à moi, je ne serais pas parti. J’ai adoré vivre en France.
T’en as pensé quoi de la Ligue 1, toi qui as joué dans beaucoup de championnats différents ?
La qualité du championnat était très bonne. Le niveau était très physique, c’était très difficile. Il y a beaucoup de joueurs venus d’Afrique qui sont très costauds au duel. Au niveau tactique, en revanche, je n’ai pas trouvé ça aussi élaboré qu’en Allemagne. En Bundesliga, il y a plus d’espaces, c’est plus agréable. Mais en France, j’ai eu de meilleurs coéquipiers.
Quel joueur t’a le plus impressionné pendant ton passage ?
Eden Hazard, bien sûr. Je m’en souviens bien. Premier entraînement. Il ne m’a fallu que cinq minutes pour comprendre la trempe de ce mec. J’ai compris tout de suite qu’il allait être un des meilleurs joueurs du monde.
Et ton meilleur pote ?
Marko Marić, qui ne jouait pas beaucoup aussi. Je suis toujours très ami avec lui. On avait une relation particulière, mais je n’avais de problèmes avec personne. Je m’entendais très bien aussi avec Michel Bastos et Pierre-Alain Frau. Mais le plus drôle, de loin, c’était Rio Mavuba. J’ai énormément de dossiers sur lui, mais il me tuerait si je les racontais (rires). Un mec hilarant.
Tu as ensuite signé en Turquie…
Oui ! Quand je suis arrivé à Ankara, il m’est arrivé une histoire dingue… Des gens du club devaient venir me récupérer à l’aéroport, mais l’avion a eu des problèmes et le vol a été retardé. Alors le club a envoyé un chauffeur qui devait m’attendre avec mon nom sur une pancarte. Quand je suis sorti de l’avion, je n’ai trouvé personne. On m’a expliqué par la suite qu’un homme, un noir, est arrivé une heure avant et s’est fait passer pour moi ! En gros, il a vu le gars avec la pancarte et il a dit : « C’est moi, c’est Robert Vittek » . Le chauffeur n’avait aucune idée de ce à quoi je ressemblais, il a donc pris ses bagages et l’a amené au club. On m’a même raconté que le mec a pris son temps, il a demandé au chauffeur d’attendre quelques secondes pour fumer sa clope. Tranquille. Quand il est arrivé au centre d’entraînement, le mec a dit qu’il avait faim, donc ils l’ont amené au restaurant. Derrière, le manager du club arrive et demande « Où est Vittek ? » Le chauffeur lui répond évidemment que je suis au restaurant. Là-dessus il part, et il revient quelques minutes plus tard en disant : « Non, j’ai regardé, il n’est pas là, dites-moi où il est ! » Le chauffeur l’a donc accompagné et lui a montré le black en train de manger. Là, le manager explose : « Mais non, ce n’est pas Vittek, tu es fou ? » (rires) De mon côté, je m’énervais à appeler mon chauffeur qui ne venait pas, en mode « il est où ce con ? » À la fin, j’ai dû prendre un taxi.
Ce mec est un génie…
Ouais ! C’est du très haut niveau. Ils ont quand même fini par le virer (rires). Donc voilà, c’était le début de ma carrière en Turquie. C’était pas mal, la Turquie. C’était une autre culture, une nouvelle vie à appréhender. C’était très différent de l’Allemagne ou de la France, pas du tout le même niveau. Mais l’expérience du foot dans le pays est vraiment intense à vivre. Les Turcs adorent le foot, en sont fous. Même si j’ai eu quelques soucis avec mon salaire ou avec le club, quand j’allais au restaurant, on m’offrait tout. Là-bas, ils te donnent tout ce que tu as devant les yeux.
Justement, qu’est-ce que tu regardes en ce moment ?
La Coupe du monde de hockey, bien sûr ! C’est superbe, je me régale avec tous les matchs. Je suis un énorme fan de hockey sur glace, c’est pratiquement le sport national dans notre pays. Trois fois par semaine, je joue avec des potes. Avant de commencer le football, j’ai longtemps hésité avec le hockey. Franchement, j’étais assez doué dans les deux sports. Mon entraîneur était très déçu quand j’ai choisi le foot… C’est dommage ! Quand j’y pense, j’aurais pu finir en NHL, à jouer avec Marian Gaborick aux Kings de Los Angeles…
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