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Robben, le syndrome de Johannesburg

Eric Maggiori
5 minutes
Robben, le syndrome de Johannesburg

Depuis le soir de la finale de la Coupe du Monde 2010, Arjen Robben traîne derrière lui une putain de malédiction. D’une, il ne gagne aucun titre. De deux, il a raté tous les moments cruciaux. Une question de mental, ou d’ADN de loser ?

Cette fois-ci, Subotic n’est pas venu lui crier à deux centimètres du nez toute sa hargne. Mais c’est tout comme. Arjen Robben, hier soir, s’est offert un remake du match décisif disputé en Bundesliga, il y a quelques semaines, contre le Borussia Dortmund. La scène est la même. La 86e minute contre Dortmund, la 95e contre Chelsea. Robben qui s’avance sur le point de pénalty. Ribéry qui se demande pourquoi ce n’est pas lui qui s’y colle. Une frappe pas franchement irrésistible, à ras de terre, à gauche du gardien. Weidenfeller la première fois, Čech la seconde. Les deux portiers anticipent le bon côté et captent. Ribéry qui se demande encore pourquoi ce n’est pas lui qui s’y est collé. Dans les deux cas, c’est une erreur décisive. Car elle fait perdre deux titres fondamentaux au Bayern. Rien ne dit que si Robben avait marqué ces deux pénaltys, le Bayern Munich aurait été sacré champion d’Allemagne et champion d’Europe. Certes. Mais force est de constater qu’en loupant ces deux tirs à des moments si décisifs, le Néerlandais a entraîné dans sa chute toute son équipe. Or, on ne peut pas vraiment dire que ce soit la première fois. Iker Casillas peut en témoigner.

Non, je n’ai pas pu

C’était le 11 juillet 2010. Après une Coupe du Monde où il a été l’un des tout meilleurs de son équipe, Robben peut devenir le héros de tout un pays en offrant le premier titre mondial à une nation qui se traîne derrière elle une sacrée réputation de lose. A deux occasions, au cours de la finale, Robben va se retrouver seul face à Casillas. La première fois, à la 62e minute, il se fait hypnotiser par le gardien espagnol, qui dévie son tir en corner de la jambe. La seconde fois, vingt minutes plus tard, il n’a pas la lucidité pour tromper San Iker, après avoir bouffé en vitesse Puyol. Lors de la prolongation, Iniesta envoie l’Espagne sur le toit du monde, et renvoie la Hollande chez elle, avec une jolie médaille en chocolat. Depuis ce maudit soir de Johannesburg, Arjen Robben est devenu le loser par excellence. Celui qui fait tout bien, sauf au moment où il faut être décisif. De fait, la vitrine du Bayern Munich est restée désespérément vide depuis.

Ah si, les Bavarois ont remporté la Supercoupe d’Allemagne 2010, un mois à peine après cette finale de Coupe du Monde. Devinez quoi ? Robben n’était pas encore rentré de vacances, et, ce jour-là, l’équipe alors entraînée par Louis van Gaal s’était tranquillement imposée 2-0 contre Schalke, avec des buts de Müller et Klose. Mais après cela, c’est une succession d’échecs. Les deux titres de champion d’Allemagne sont abandonnés au profit du Borussia, la finale de Coupe d’Allemagne est également perdue contre ces mêmes joueurs de la Ruhr, et, hier, la finale de la Ligue des Champions. A chaque fois, Robben a endossé le même rôle : celui de champion qui amène son équipe jusqu’au sommet et qui, dans un dernier élan, se vautre lamentablement. Difficile, pour le joueur, d’expliquer ça avec des mots. « Je ne peux pas décrire ce que je ressens, mais cela a été une nuit terrible, assurait-il hier, au terme de la rencontre. J’ai voulu frapper le ballon très fort et en hauteur, mais il n’a pas décollé. » J’ai voulu, mais je n’ai pas pu. Voilà qui résume bien la situation.

Mini-mental

Pourtant, avant Johannesburg, Robben n’était pas franchement un chat noir. Enfin, il y avait eu des prémices. Comme cette finale de Ligue des Champions perdue quelques semaines plus tôt contre l’Inter Milan, à Madrid. Pour le coup, le Hollandais n’avait pas été décisif dans le mauvais sens. Il n’avait juste rien fait de spécial, face à une défense nerazzurra impénétrable et qui, comme Chelsea, venait de sortir le Barça. Mais avant cela, c’était un parcours plutôt honorable, avec deux titres en Hollande, quatre en Angleterre et deux en Espagne. Pas franchement le profil du loser, même si la façon dont il a été chassé du Real Madrid, suite aux arrivées de Cristiano Ronaldo, Benzema et Kakà, en avait déjà fait rigoler quelques-uns.

Alors, que peut-il bien se passer dans la tête d’un joueur si talentueux, que l’on pourrait commodément inclure dans les 10 meilleurs du monde actuellement ? La confiance permet d’engranger de la confiance, c’est bien connu. L’inverse marche aussi. Mais ce qui est étrange, avec Robben, c’est que cette perte de confiance n’apparaît que lors des moments fatidiques. Parce que pour marquer un triplé sur la pelouse du Hertha Berlin ou un doublé contre le FC Bâle, là, il est présent. Quand il faut se cogner avec Ribéry pour tirer un coup franc aussi. En revanche, quand il s’agit de tromper Casillas ou Čech, il n’y a plus personne. Conclusion : l’histoire retiendra qu’Arjen Robben est un grand joueur, mais avec l’un des plus petits « mentals » du football des années 2000. Et le pire, c’est qu’à présent, ces erreurs vont tourner dans sa tête, et qu’il risque bien de se traîner cette réputation derrière lui pendant de longues années. À moins qu’une finale de l’Euro ne vienne le sauver de ses démons ?

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