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Riquelme : « Le football dépend des numéros 10 »

– Propos recueillis par Pierre Boisson, à Buenos Aires
5 minutes
Riquelme : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Le football dépend des numéros 10<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Dans le numéro 106, paru au mois de mai, SO FOOT publiait un entretien fleuve avec l'un des plus grands numéros 10 encore en exercice aujourd'hui : Juan Roman Riquelme. À 34 ans, à l'heure de son ultime retour à la Bombonera, l'Argentin avait enfin accepté de parler. En exclusivité, voici un court extrait de cette interview, à Buenos Aires...

On t’a souvent présenté comme le « dernier numéro 10 » du football. C’est quelque chose que tu ressens aussi ? Franchement, je ne sais pas. Je sais que cette position de numéro 10, de meneur, est une position qu’on utilise de moins en moins dans le football. Mais le dernier… Ce que je peux dire, c’est que pour moi, en tout cas, c’est une très belle responsabilité de devoir défendre ce poste. Parce que mon opinion, c’est que le football dépend des numéros 10. Quand l’équipe joue bien, c’est que tout le monde a bien joué. Mais quand l’équipe joue mal, c’est la faute du 10. Voilà. Et c’est une responsabilité magnifique, j’adore ça. Parce que c’est ce que les gens viennent voir. Si tu prends place dans la file des gens qui achètent leur ticket au stade et que tu leur demandes qui ils viennent voir jouer, ils vont te répondre Zidane, Iniesta, etc. Je n’ai jamais vu un hincha payer pour voir un gardien ou un défenseur central.

Qu’est-ce que ces joueurs ont de plus que les autres ? Zidane n’était peut-être pas aussi rapide que les autres, Iniesta n’est peut-être pas aussi puissant que les autres. Mais ce sont eux qui décident. L’équipe joue comme ils veulent qu’elle joue, et le ballon va au rythme qu’ils souhaitent. Pourquoi ? Parce que ce sont eux qui contrôlent le ballon. Le football, ce n’est que ça : c’est la passe et le contrôle. Si tu ne maîtrises pas ces gestes… Selon moi, le meilleur des vingt dernières années, c’est Zidane. Chez moi, j’ai des tas de vidéos de lui : je les regarde souvent parce que sa manière de contrôler le ballon a toujours attiré mon attention. Des joueurs qui contrôlent la balle comme le faisait Zidane, je ne suis pas sûr qu’on va en revoir. (Il chuchote à lui-même) Incroyable. C’était incroyable. Quand Beckham, qui a une frappe de balle fantastique, changeait le jeu de droite à gauche au Real pour Zidane, qui contrôlait sur son côté, c’était une merveille. Il pouvait maîtriser tout ce qu’on lui envoyait, c’est pour ça qu’il était au-dessus. Quand il jouait, il donnait une leçon. Lors de son dernier match avec le Real Madrid en 2006, Zidane a échangé son maillot avec moi. Je le garde précieusement à la maison.

On dit parfois de toi que c’est très difficile de t’intégrer à un autre système de jeu. Quand tu as Riquelme dans ton équipe, tu es obligé de jouer le jeu de Riquelme… Oui. Mais moi, je pense que plus tu as le ballon, plus tu as de chances de gagner le match. Déjà, tu as presque toujours la sécurité de terminer sur un 0-0, parce que le football se joue avec un seul ballon. Après, plus tu as des joueurs bons techniquement, plus tu as de chances de te créer des occasions de but. Et au-delà de ça, c’est la manière dont j’aime jouer. Contrôler le jeu, toucher la balle tout le temps, ne pas courir derrière l’adversaire. C’est aussi ce qui se passe à Barcelone aujourd’hui. Je crois qu’on est tous d’accord pour dire que c’est l’équipe qui joue le mieux au football. Xavi et Iniesta veulent toujours avoir le contrôle de la balle, marcher avec, la toucher 300 fois par match. Nous, les numéros 10, c’est comme cela qu’on se sent bien. Quand on ne touche pas la balle pendant cinq minutes, on se sent un peu bizarre. Et ça marche, la preuve : ça fait cinq ans que le Barça gagne sans que personne ne puisse les battre.

Est-ce qu’on peut dire de toi que tu joues comme tu vis ? Je ne suis jamais parti du quartier où je suis né.(Il ouvre grand les yeux et sourit) Je vis toujours là bas, avec mes amis d’enfance. Et j’ai neuf frères et sœurs. Moi, je suis l’aîné. Alors quand on se retrouve tous, avec les potes… Ça fait un sacré tas. On passe beaucoup de temps ensemble, on joue et on regarde énormément de football. La vérité, c’est qu’on est restés les mêmes : asados et football. C’est comme ça qu’on vit.

C’est là-bas que tu as appris à jouer ton football ? J’ai commencé à 14 ans. Mon papa avait son équipe de quartier, et on jouait des tournois pour de l’argent. Quand j’ai signé à Boca, j’ai continué à aller avec eux. Encore aujourd’hui, dès que je suis en vacances, je continue à aller jouer dans le quartier.

Ces matchs du dimanche, ça se terminait parfois en baston ? Toujours. Systématiquement. Moi, j’étais un des plus jeunes, donc je ne me battais pas : on me défendait. Ou alors je devenais un motif de conflit : quand je commençais à prendre trop de coups sur le terrain, ceux qui jouaient dans notre équipe s’énervaient (rires). Je crois que ça m’a beaucoup servi par la suite. Quand tu vas là-bas le dimanche et qu’ensuite le mercredi tu entres sur un terrain avec un arbitre qui ne laisse pas les joueurs se battre et qui s’assure que rien de grave ne va se passer, c’est le luxe. Quand j’ai commencé en pro, pour moi, c’était presque trop tranquille.

Il y a quelque chose que tu regrettes dans ta carrière? Peut-être le jour où j’ai dit non à Manchester United. C’était avant la demi-finale de Champions contre Arsenal (en 2006, ndlr). Ferguson est venu me voir à l’hôtel avant le match. J’ai demandé au président de Villarreal s’il pensait me vendre. Il m’a répondu : « On vend tout le club, mais on ne vend pas Riquelme. » Alors j’ai dit « Non merci » à Manchester. C’est la seule chose que peut-être je peux regretter. Sinon, rien. Ici, je suis à ma place. Jouer avec le maillot de Boca est quelque chose d’incroyable, au moins aussi important que de jouer avec le maillot de la sélection argentine. Quand j’était petit, mon rêve, c’était simplement de jouer ne serait-ce qu’un match à la Bombonera, avec le maillot de Boca sur le dos. Et finalement, qu’est-il arrivé ? Après toutes ces années, les gens ont décidé de me faire une statue… Ils ont mis cinq mois à la construire. Le jour où ils me l’ont montrée a sans doute été le plus beau jour de ma vie en tant que joueur de Boca Juniors. Savoir que je vais rester dans l’histoire du club, c’est quelque chose de fou.

Retrouvez l’intégralité de l’interview de Juan Roman Riquelme dans le SO FOOT #106

Pour se procurer le numéro 106, c’est ici que ça se passe…

En kiosque : SO FOOT #108 – 10e anniversaire – SPECIAL NUMÉROS 10

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– Propos recueillis par Pierre Boisson, à Buenos Aires

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