Rio Ferdinand, l’appel de Londres

Nemanja Vidić a senti le vent tourner. Dans le dur en Premier League depuis un an, le Serbe a préféré quitter les îles Britanniques pour s’encanailler en Serie A avec l’Inter Milan. Loin de l’Angleterre, de ses tabloïds et de ses attaquants. Rio Ferdinand, 35 piges, a fait un choix de fin de carrière tout autre. Plutôt que d’aller exporter son talent, son placement et ses ouvertures de 40 mètres à New York, Chicago ou Los Angeles, l’ex-international a pris le chemin de sa ville natale, Londres, pour s’engager avec les QPR. Londres, c’est sa ville. Son enfance. Son adolescence. 1978, le futur défenseur de United débarque dans le monde du côté de Friary Estate, dans le district de Peckham au sud de Londres. C’est un coin crasseux, mal fréquenté dans lequel le chômage est souvent titulaire. Pendant que certains de ses potes d’enfance choisissent la case prison, Rio part pour West Ham et son academy. C’est donc à Londres que son histoire avec la Premier League va logiquement commencer. Le jeune défenseur fait ses débuts en championnat le même jour et à la même minute que son meilleur ami Frank Lampard. On est le 5 mai 1996, Ferdinand et Lampard entrent à la pause sous le maillot des Hammers. Entre Franckie et Rio, le courant a toujours passé. Même âge, même talent et même arbre généalogique dédié au football (l’oncle de Rio, Les, a été international anglais pendant que le cousin de Frank, Jamie Redknapp a fait les beaux jours de Liverpool).

Partouze filmée avec Lampard

Pourtant, les deux garçons auraient pu transformer leur rêve de footballeur en destin brisé. Avec Kieron Dyer (ancien international anglais), le trio s’était filmé au cœur d’une partouze lors d’une orgie chypriote à l’été 2000. Naturellement, le film porno amateur s’était retrouvé sur Internet et aurait beaucoup plu à Jacquie et Michel. Pendant très longtemps, Ferdinand a flirté avec sa part d’ombre. Jusqu’à 2003, le garçon est ingérable. Au choix, il esquive un contrôle antidopage et écope de 8 mois de suspension, ou alors se blesse au genou en regardant sa télévision. Mais ce n’est rien comparé à sa jeunesse londonienne. Jeune apprenti à West Ham, Ferdinand traîne son mètre quatre-vingt-neuf dans toutes les boîtes de la capitale anglaise. Dans un entretien accordé au Sunday Times en 2006, il reparlait assez facilement de ses virées nocturnes. « D’habitude, je faisais la queue pendant des heures devant la discothèque l’Emporium. Avec Jamie(Redknapp, NDLR), on est entrés en dix secondes dans les salons VIP, et j’ai tout de suite compris ce qu’était la vie d’un grand joueur. Les gens n’arrêtaient pas de nous payer des verres et les plus jolies filles se collaient même aux moches… »

C’est là que le jeune homme choisit de devenir footballeur. Pour les filles et l’alcool. Dans le Sunday Times toujours : « À West Ham, on fumait, on buvait, on pariait, on sortait sans arrêt. Dans le bus de l’équipe professionnelle, Julian Dicks et John Moncur s’asseyaient toujours à l’arrière avec leur stock de bières et ils nous ont initiés, Frank et moi, aux coutumes du « vrai footballeur ». Je passais au moins quatre nuits par semaine dehors, et je m’enfilais des bouteilles de Jack Daniel’s. J’étais complètement accroc. » Il n’avait que 18 piges. Dès lors, comment un tel déchet a-t-il fait pour coûter 71 millions d’euros à Leeds et Manchester United tout en émargeant à 620 000 euros net mensuels au sommet de sa gloire à MUFC ? Parce que Rio Ferdinand, en dépit d’une hygiène de vie de loubard, est un formidable joueur de football.

La Rolls-Royce des défenseurs

À West Ham, le club de Bobby Moore, on a très vite vu le potentiel du gamin. Harry Redknapp parlait d’ailleurs de son jeune joueur comme « la Rolls-Royce des défenseurs » . Il y a énormément de vrai dans les paroles de Dirty Harry. Sur le papier, Ferdinand, c’est ça : technique, vitesse de course, relance des deux pieds, jeu de tête, anticipation, mentalité et élégance. Au meilleur de sa forme (2008-2011), l’Anglais est au-dessus de tout le monde. Il tient une défense à lui seul et bouffe n’importe quel attaquant arrivant dans sa zone. Au vrai, on avait rarement vu un stoppeur aussi beau que lui. Pourtant, Rio s’est beaucoup donné en dehors du terrain. Plus que sur le pré, puisqu’on l’a vu s’investir dans la musique, le cinéma, la télévision, les magazines de luxe et le travail caritatif. Oui, l’homme s’éparpille. Un peu.

Avec les ans, son dos peine à lui assurer une place parmi les plus grands. L’an passé, il traverse sa dernière année à MUFC comme un fantôme. Blessé et à la rue physiquement, il fait de la peine sur un terrain. Et il le sait. Sous contrat avec la chaîne BTSport, il se livre en mars dernier sur sa forme et la terrible saison que traverse MUFC. « Après une défaite, je ne veux pas sortir et j’ai même arrêté de regarder la télé. Je ne veux pas emmener mes enfants à l’école. Je ne veux pas penser que les gens me regardent parce qu’on a perdu un match. Ça devient personnel, quand tout le monde vous regarde et parle des résultats et de votre état de forme. Je ne veux pas vivre comme ça. » Visiblement adepte du SM, Rio Ferdinand a donc choisi de terminer sa carrière à QPR. Il y a dix jours, il en a pris 4 face aux Spurs. Cet après-midi, il va retrouver une pelouse qu’il connaît parfaitement avec, face à lui, Robin van Persie, Falcao, Ángel Di María, Wayne Rooney ou encore Juan Mata. L’appel de Londres est à ce prix.