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Rim’K : « Boudebouz à l’OM ? Pas si sûr »
Treize ans après Tonton du bled, Rim'K a pris du grade et devient Chef de famille, le titre de son cinquième EP en solo. L'occasion de lui offrir une trêve dans sa promo. En abordant la tribune Auteuil, Mestalla, l'EdF, Vahid Halilhodžić, Luis Felipe Scolari ou le Créteil-Lusitanos, le leader du 113 prouve qu'il est loin d'être un footix, le temps d'un interlude ballon rond.
Rim’K, te revoilà avec un album solo. T’es un mec qui joue à la fois en équipe et qui aime se faire ses petites percées en solo…Exactement. Des fois, je la joue un peu perso : roulette, flip-flap, etc. Des fois, je garde un peu trop la balle. J’ai besoin de faire mon petit récital à côté. Et comme j’essaye d’être l’homme du match, il faut parfois être un peu solitaire et amener des choses plus personnelles pour y arriver.
D’ailleurs, quand tu écris ou vas sur scène avec ces groupes, t’es plutôt le défenseur qui donne les consignes ou le joueur offensif sans cesse en mouvement ?On va dire que je suis un offensif à la base, mais quand je suis en équipe, je me met beaucoup au service du collectif. Donc j’ai un peu le rôle qu’avait Beckham au Real, un mec à vocation offensive qui, en même temps, était au milieu ou assurait les tâches défensives. Je distribue le jeu et je tempère.
Plusieurs de tes titres comme L’espoir des favelas ou Terrain vague font référence au football. C’est quoi ton rapport à ce sport ?
C’est quelque chose qu’on a connu et appris en bas des quartiers, comme tout jeune issu des quartiers populaires. On jouait pendant des heures, souvent jusqu’à ce que les lampadaires s’éteignent. On est proche du foot. Mais je vais pas te mentir, si j’avais été bon, ça se saurait. J’aurai fait plus que du futsal (rires). On joue de temps en temps. Avec tous les centres qui ont poussé un peu partout en banlieue, on y va. C’est moins rigoureux comme pratique, mais quand t’es à fond, c’est quand même très physique. Les gens connaissent notre passion pour la verdure, donc on peut dire que ce sont des séances de décrassage approfondi.
Tu vas au stade, de temps à autre ?Ouais, souvent au Parc, de temps en temps au Stade de France. J’aime vivre le match en direct, sentir les émotions, ça vaut tout… Le dernier match, c’était PSG-Rennes. J’essaye de faire tous les matches là-bas, mais c’est un peu relou depuis qu’il y a les Qataris et le nouveau système. Il y a de vrais supporters qui ne peuvent plus s’y rendre. Je pense notamment aux gens d’Auteuil où il y a des associations de supporters qui militent et qui ne se sont jamais abaissées face aux factions de fachos de Boulogne. Quand je vois que même ces gens-là payent les pots cassés, ça fait chier.
Excepté les rappeurs, le monde de la musique fait globalement peu ami-ami avec le monde du foot. Toi aussi, tu as des potes du ballon rond ?On connaît beaucoup de gens. Je pense à des joueurs du PSG comme Jérémy Ménez qui vient de Vitry-sur-Seine, avec qui on est proche. On fait d’ailleurs des événements associatifs chaque année avec lui. Après, on voit aussi souvent Mathieu Bodmer. Momo Sissoko est aussi un très bon ami. Aussi bien sportivement qu’humainement, c’est vraiment le genre de joueur dont on a besoin au PSG. C’est un taulier qui t’amène une vraie âme à l’équipe, sachant qu’avec les Qataris, on peut avoir le droit à tout. Donc il faut faire en sorte que l’équipe garde une âme. Et puis il y a aussi Ryad Boudebouz, le petit frère.
Tu sais donc où il va signer. Plutôt l’OM ?(Rires) Ah, je serai vous, j’en serai pas si sûr. Je sais où il devrait aller, mais je peux pas en dire plus.
Ton album s’appelle Chef de famille. Dans l’histoire, quel joueur de football t’a fait kiffer au point de mériter ce qualificatif ?
Il n’y en a qu’un seul, c’est Zizou, le seul, l’unique. Après, il y a d’autres meneurs d’hommes. Mais moi, c’est dans ce sens-là que j’appréhende l’album. On est des leaders naturels, que ce soit dans le rap ou par rapport à notre public, dans les quartiers populaires. On est l’un des rares groupes à avoir joué partout en France, même dans les pires quartiers de France. Du coup, les gens nous le rendent. Treize ans après, on est encore là. C’est quelque chose de rare. On garde une part d’humilité, mais en même temps, on est fiers. Donc, c’est pour ça que j’ai nommé cet album ainsi.
En ce qui concerne le style, c’est un peu comme Manchester City, tu as recruté des mecs de tous horizons…Exactement, on retrouve des mecs comme Kavinsky sur l’album, qu’on attend pas forcément. Il y a aussi Grand Corps Malade, qui est sur le banc (rires). Mais c’est un joueur très important, qui met l’ambiance. Il y a des genres éclectiques, mais en même temps ça se tient. La musique est un partage pour moi. On en fait pour qu’elle soit écoutée par un maximum de gens, mais aussi pour la partager avec des personnes qui ne sont pas forcément issues de notre univers. Ça donne des fusions, des morceaux inattendus. Au final, ce sont des trucs comme ça qui restent dans le temps.
Et pourtant, dans le clip du titre Classico, on voit à plusieurs reprises un mec avec un maillot du Barça floqué Fàbregas. C’est ton truc, le toque ?
Je suis un grand supporter du Barça. J’ai été à Valence, à Mestalla, il y a une dizaine d’années et je suis tombé amoureux du football espagnol. Et comme j’ai un cousin qui habite à la frontière et qui est socio au Camp Nou, il m’a transmis sa passion. J’ai pas pu encore y aller, j’ai seulement fait Bernabeu pour le moment. Mais je compte m’y rendre. J’attends le bon moment. Le classico, par exemple.
Tu as suivi l’Euro, malgré la promo de ton album ?Un petit peu, mais pas énormément. J’ai vu Italie-Angleterre et tous les matches de l’équipe de France. Je pense que l’Allemagne est assez solide, mais il ne faut pas sous-estimer l’Espagne. On a l’impression qu’ils sont à 30%.
Le torrent de réactions à propos de mecs comme Nasri, Ben Arfa ou Ménez, ça t’inspire quoi ?Ça m’inspire qu’après l’épisode de l’Afrique de Sud, on a tellement vendu de papier, les médias se sont dit : « Allez, il y a un coup à refaire. On a déjà notre bouc émissaire, on peut taper sur l’entraîneur… » On prend les mêmes et on recommence, en fait. On change juste les noms et on ressert la même salade. Il y a une tension autour de l’équipe de France, mais elle ne devrait pas avoir lieu d’être. Il faudrait que ce soit l’union sacrée. Après, l’un des principaux fautifs dans cette histoire, c’est le coach. Parce que lorsque Nasri balance ses propos, Laurent Blanc devrait lui dire de fermer sa gueule. Tu le convoques après ça et tu montes au créneau pour lui dire que tu ne veux plus voir ou entendre ce genre de choses. Comme Mourinho ou un mec comme Scolari l’auraient fait. Il nous faut un mec qui travaille sur l’humain, puisqu’en plus, il n’y a plus de tauliers comme Thuram, Zizou, etc. On n’a plus ces gars-là.
Après ça, on parle de racailles, de karchériser l’EdF, les politiques s’en mêlent… Le problème de l’équipe de France, n’est-ce pas finalement par rapport à son identité ?Voilà, on en revient à Laurent Blanc et au scandale des bi-nationaux. Je suis désolé, mais quand il y a eu cette histoire-là, on aurait dû faire le ménage. Ça n’a pas été fait, on a essayé d’étouffer l’affaire et, au final, on met ça sur les dealers de l’équipe de France, les vilains petits canards. C’est une continuité, celle de Knysna. Il y a un vrai problème d’identité. Mais le débat n’est pas là, plus dans la gestion humaine. Un mec qui n’adhère pas à un programme, il faut l’écarter quel que soit son talent, point barre. On l’a reproché à Domenech, mais au final, il n’avait pas si tort que ça, puisque ça se reproduit. J’ai l’impression que les mecs de l’équipe de France, ils arrivent et font ce qui veulent. Alors c’est pas des méchants, j’en connais beaucoup. Mais c’est pas en mettant trois règles pourries que ça va changer. Il faut taper du poing sur la table. Il faut un Vahid, limite.
En mai dernier, tu as participé à un tournoi en salle disputé par des jeunes de quartier à Coubertin. C’était pour coacher comme Guy Roux, bonnet sur la tête ?Ouais, j’ai fait mon Guy Roux. On a fait un petit concours de frappe, j’ai touché le plafond (rires). En fait, c’était un tournoi inter-quartiers où les stars de milieux différents viennent, d’où le nom Impulstar. Ça a été créé par des jeunes d’Argenteuil qui viennent du milieu associatif, et l’événement annuel prime des jeunes de quartiers. Ça crée une émulsion, il y a plein de médias. C’est une fierté. Le mec qui a inventé ça, il s’appelle Bernard Messi, ça ne s’invente pas.
Justement, il y avait des recruteurs de clubs pro lors de ce tournoi. Le rap et le foot, ça reste encore le meilleur moyen pour que les gosses de cité deviennent les princes de la ville ?Malheureusement oui. On aimerait avoir de grandes écoles dans nos quartiers. Mais si on regarde le pourcentage de personnes issues de banlieue qui sont sorties de grandes écoles françaises, c’est vraiment pathétique. Après, c’est un tout. Ce n’est pas que la vie dans le quartier, c’est tout ce qu’il y a autour : l’Éducation nationale, les complexes sportifs laissés à l’abandon, les clubs qui ont peu de budget. Dans le Val-de-Marne, le seul club correct, c’est Créteil-Lusitanos, alors qu’avant, Choisy et le bataillon de Joinville étaient aussi importants. Derrière, c’est un peu politique. Si tout ne suit pas, forcément il te reste peu de solutions. Soit tu es très bon, auquel cas tu as la chance d’être recruté, de finir à l’INF Clairefontaine ou de passer des tests dans un grand club. Tu peux alors t’en sortir. Soit tu prends la plume, tu écris dans ta chambre, tu charbonnes comme un dingue jusqu’à ce qu’on te repère sur Internet ou dans une salle.
C’est quoi le discours d’un « chef de famille » comme toi auprès de ces jeunes quand tu en vois un qui a la dalle ?L’un des conseils que je donne le plus souvent : « Sans travail on n’arrive à rien. » Le talent, ça se travaille, ça se crée. C’est la masse de travail et la rigueur qui peuvent t’emmener à des résultats. Tant qu’il n’y a pas ça, tu n’y arriveras jamais.
À écouter : Chef de famille, dans les bacs depuis le 11 juin
À voir : Rim’K sera en concert le 30 octobre à la Cigale à Paris, le 17 octobre à Lyon, le 20 octobre aux Mureaux, le 8 novembre à Tours, etc.
Propos recueillis par Arnaud Clement