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Ricky Centurion, le fou furieux adoubé par Baggio
Le Genoa a retenté cet été le pari Ricky Centurion. La cote est bonne, à première vue. L'ailier argentin, 24 ans, a du talent à revendre et reste sur la meilleure saison de sa carrière avec Boca. Sauf qu'il ne s'est jamais imposé hors du pays, et doit encore mettre de côté les conneries. Ce qui est loin d'être gagné.
« Mon héritier ? Je ne saurais pas le dire. Je regarde beaucoup le football sud-américain, et, en tant que supporter de Boca Juniors, j’aime beaucoup Centurion, mais il doit progresser en dehors du terrain. » Il aura suffi d’une citation reprise hors contexte d’une interview de Roberto Baggio au Corriere della Sera pour que les médias s’emballent. Ricardo Centurion est l’héritier de Roberto Baggio. Voilà, c’est sûr. C’est même le Divino Codino en personne qui l’a dit. Bon, en réalité, Baggio n’a pas vraiment dit ça. Mais le fait même qu’il cite le nom de Centurion dans une interview a suffi à mettre un coup de projecteur sur le joueur de 24 ans, qui a fait cet été son retour au Genoa, club dans lequel il avait déjà évolué en 2013-2014.
De l’acool, des bastons et des guns
Si les médias ont vite assuré que Centurion était l’hériter désigné de Roby, ils ont oublié de s’attarder sur la deuxième partie de la phrase : celle où Baggio assure que l’Argentin « doit progresser en dehors du terrain » . Et pourtant, c’est bien sur ce point-là que le joueur défraye régulièrement la chronique. Premier exemple : le soir même de l’adoubement de maître Baggio, Ricky Centurion s’embrouille en boîte avec des jeunes qui lui demandent des photos. Boca, qui faisait alors le forcing pour conserver l’un des principaux protagonistes de son titre, se rétracte.
C’était le bad buzz de trop dans une relation fructueuse sur les prés, mais trop mouvementée en dehors : en septembre dernier, Centurion provoque un accident de la route et, bourré, se tire sans attendre la police. Tout aussi entamé quelques semaines plus tard, on le voit en furie sur les caméras de vidéosurveillance d’un hôtel, retenu difficilement par ses partenaires. Puis une baston, l’accusation d’agressions de son ex, les poses avec des guns sur Instagram… Bref. Un vrai champion.
« Je suis un crack et je vais devenir millionnaire »
Il faut dire que le joueur a des circonstances atténuantes. Un bagage délicat, dont il a du mal à se dépêtrer. Ricky a perdu son père à cinq ans, et vu sa mère brûler ses journées dans des petits boulots pour tenter, parfois sans succès, de nourrir toute la petite famille. Ricky zone, fréquente les mauvaises personnes. Même après son intégration au Racing Club de Avellaneda, il galère et préfère les distractions du barrio aux entraînements. Après un transfert manqué vers l’Anzhi au mercato d’hiver 2013 en raison d’une blessure à la cheville, il force son départ d’un Racing en pleine opération maintien quelques mois plus tard, en insultant des supporters qui lui reprochaient son manque d’humilité sur la toile. « Je suis un crack et je vais devenir millionnaire. Dommage que vous deviez continuer à bosser H24 » , lançait-il. Son premier passage à Gênes, en prêt, est un échec, et il doit rentrer au bercail.
Seules ses performances dantesques et le titre du Racing qui en a découlé l’ont protégé des railleries. Parce que Ricky a aussi du talent. Il l’a montré par intermittence, lors des deux championnats argentins qu’il a remportés. Pouvant évoluer des deux côtés sur le front de l’attaque (avec une préférence marquée à gauche pour repiquer et frapper), c’est un ailier rapide, dribbleur, imprévisible. Insolent même. Formé aux potreros, il a ce désir incessant de provoquer balle au pied, de caler le petit pont qui va bien. Et il y en a eu beaucoup à la Bombonera, qui doit maintenant se faire une raison : son crack aux huit buts en 22 rencontres a filé à l’étranger, dans un autre grand fracas. Et décidé de retourner au sein d’un Genoa qui croit encore à son explosion européenne.
Enfin l’âge de la raison à Gênes ?
Centurion, qui a encore du temps devant lui à 24 ans, a désormais les cartes en main pour réussir en Italie. Le 3-4-3 du coach Juric est taillé pour ses qualités, et l’effectif rossoblù compte un certain nombre d’Argentins qui l’aideront à se ré-acclimater. « Le mieux pour lui, c’est d’aller à l’étranger où il sera moins exposé médiatiquement » , confiait le président xeneize, Daniel Angelici, à son départ. Il a sûrement raison. Jusqu’ici peu exposé, Centurion devra quand même gagner sa place dans l’effectif du Grifone, et faire oublier au public du stadio Luigi Ferraris ce joueur emprunté et timide qu’il était en 2013, à des années-lumière du danger permanent qui a fait fureur en Argentine depuis. Et puis, cette année, il sera doublement scruté. Ce n’est pas tous les jours que le meilleur joueur italien de tous les temps vous donne sa bénédiction.
Par Alexandre Pauwels