- Pays-Bas
- Feyenoord
Rick Karsdorp, en rouge et noir (et oranje)
Même s'il s'apprête à souffler ses vingt-deux bougies en février prochain, Rick Karsdorp a déjà tout l'air d'un taulier, au sein d'un incroyable Feyenoord comme d'une sélection néerlandaise en pleine reconstruction. Animé par un mélange d'ambition et d'humilité, la couette blonde doit beaucoup à son père et à Fred Rutten notamment.
8 décembre 2016, dernier match de poule de Ligue Europa entre Feyenoord et Fenerbahçe. À la clé, une qualification pour l’équipe victorieuse, bien que la tâche semble ardue pour les Néerlandais en raison d’un goal average peu favorable. Mais une équipe qui a tapé par surprise Manchester United pouvait tout espérer… Jusqu’à la 22e minute du match et ce retourné claqué à bout portant par Moussa Sow dans la cage de Brad Jones. Si le geste est impressionnant, la passe décisive l’est tout autant : une remise de la tête de Rick Karsdorp. Sauf que Rick Karsdorp est l’arrière droit du Feyenoord. Une erreur grossière qui aurait pu faire passer le natif de Schoonhoven pour un joueur fébrile devant toute l’Europe du football, au détail près que ce dernier est l’une des rares satisfactions néerlandaises de la première moitié de saison 2016/2017.
Karsdorp arrière droit des Pays-Bas : une évidence
Au vrai, Karsdorp était déjà l’une des satisfactions de la saison 2015/2016 en Eredivisie. Auteur de dix assists en vingt-huit matchs, la flèche blonde de vingt et un ans termine second meilleur passeur du championnat à égalité avec Hakim Ziyech et Jürgen Locadia, seulement battu par les onze unités d’Édouard Duplan. Ce qui lui vaut alors d’être appelé en sélection néerlandaise lors de la fin de campagne catastrophique pour l’Euro 2016, puis lors des deux matchs amicaux contre l’Angleterre et la France en mars dernier. À l’époque, Danny Blind lui préfère encore Kenny Tete, Daryl Janmaat ou Joël Veltman pour occuper le flanc droit de la défense oranje. Depuis, le premier a montré qu’il n’était qu’une fausse hype, au point d’avoir son coin de banquette réservé au sein de l’Ajax de Peter Bosz (deux matchs joués en Eredivisie cette saison) ; le second est tombé dans les limbes de la Premier League avec Newcastle, puis Watford ; tandis que le troisième, en dépit d’un toucher de velours, n’a pas offert l’assurance défensive dont a cruellement besoin la sélection batave.
De fait, l’option Karsdorp est devenue une obligation pour Blind avant d’affronter la Biélorussie et la France en octobre. Et l’arrière droit de vingt et un ans n’a pas déçu, offrant solidité défensive et apport offensif certain. Mieux, il est l’une des rares satisfactions oranje de l’automne aux côtés de Virgil van Dijk, quand d’autres dont on attendait plus (Pröpper, Vilhena) ruaient dans les brancards. Mais à en croire Karsdorp lui-même, sa progression fulgurante – il n’en est qu’à deux saisons et demie en Eredivisie – n’est qu’une question de volonté. « Notre ambition avec Feyenoord est claire, mais j’ai aussi mes propres objectifs pour la saison à venir. Je veux devenir un habituel desOranje. J’ai déjà touché ça du doigt et je compte bien y parvenir » , confiait le natif de Schoonhoven en août dernier au magazine Voetbal International. À la même période, l’arrière droit avait d’ailleurs refusé poliment les avances de Sassuolo pour tenter de remporter le titre en Eredivisie avec Feyenoord.
La nouvelle coqueluche des supporters du Feyenoord
Pour autant, ne pas voir dans cette soif un énième exemple de la fameuse arrogance néerlandaise : Karsdorp sait dire merci. À son père Fred, d’abord, dont il a le portrait tatoué sur la cuisse. En échec scolaire à l’âge de treize ans, turbulent en raison du divorce de ses parents, Karsdorp a été privé de football pendant une saison par son père, histoire de lui refroidir la tête. Depuis, l’arrière du Feyenoord considère son géniteur comme le « sauveur » de sa carrière. À Fred Rutten, ensuite, qui a fait redescendre sur le terrain un Karsdorp habitué à jouer meneur en équipes de jeunes. « J’étais totalement fou quand Rutten m’a dit : « Je vais faire de toi un arrière droit. »Sérieux. Rutten qui me met arrière droit, j’ai vécu ça comme une relégation.[…]Je ne peux pas dire qu’il a eu tort. Depuis ce jour où je suis passé arrière, tout s’est accéléré. D’un seul coup, j’étais titulaire au Feyenoord et mon nom apparaissait dans les pré-sélectionsoranje. Sans vouloir manquer de respect à Giovanni van Bronckhorst, Rutten est l’homme le plus important de ma carrière après mon père » , expliquait-il, une nouvelle fois dans Voetbal International.
Au Feyenoord, enfin, où il a passé toutes ses saisons depuis l’âge de neuf ans et qu’il ne se voit quitter que pour une équipe étrangère. Les supporters le lui rendent bien, considérant le joueur de vingt et un ans comme le gardien des valeurs du club rotterdamois depuis le départ de Jordy Clasie, alors que la légende Dirk Kuyt est revenue au bercail. Aussi parce que les supporters des Trots van Zuid savent que derrière l’efficacité offensive de Jørgensen, Toornstra, Elia, El Ahmadi ou Berghuis se cache une défense du Feyenoord hermétique cette saison en Eredivisie, capable de n’encaisser que deux petits buts sur les deux premiers mois de championnat tout en en plantant dix fois plus à l’adversaire. Débordant de talent, s’auto-proclamant « plus rapide qu’un kenyan blanc » et défenseur hargneux comme seul le club rotterdamois sait en produire, Karsdorp est clairement le symbole d’un Feyenoord redevenu séduisant, au point d’attirer les convoitises de Manchester United. Avant peut-être de s’attaquer au renouveau oranje.
Par Matthieu Rostac, à Amsterdam