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Richard Gourcuff et Yoann Gasquet
Yoann Gourcuff et Richard Gasquet sont probablement, en compagnie de Tony Parker, les deux plus gros talents du sport français. Mais ils n’y arrivent pas, la faute en grande partie à un mental qui ne répond pas aux attentes placées en eux.
Deux jours après la cruelle défaite de Richard Gasquet face à Stanislas Wawrinka en huitièmes de finale à Roland Garros (6-7, 4-6, 6-4 7-5, 8-6), le stade Centenario de Montevideo devrait être le théâtre de la 31ème sélection internationale de Yoann Gourcuff. Sa première depuis son entrée en jeu face à l’Italie en novembre dernier. Une belle façon pour le Lyonnais de clôturer une énième saison en demi-teinte. A condition que le gazon uruguayen lui apporte plus de bonheur que la terre-battue du Suzanne Lenglen n’en a apporté à Gasquet. Car malheureusement, entre les deux hommes, les parallèles se multiplient en refusant depuis trop longtemps de croiser les chemins de la réussite.
Une couv’ à 9 ans
Apparus au plus haut niveau à une période où leur sport traversait une période de doute (échec de l’Euro 2008 pour les Bleus et toujours aucun espoir de victoire en grand chelem pour le tennis français), ce qui rapproche les deux hommes nés en 1986, ce sont d’abord les attentes folles placées en eux. Leur talent et leur technique font s’enflammer les Français qui les imaginent très vite au sommet de leur sport. Si les espoirs misés sur Gourcuff furent beaucoup moins précoces que ceux placés sur Gasquet et sa couverture de Tennis Magazine à neuf ans, les bilans sont pour l’instant identiques : les deux surdoués ne confirment pas. Donc ils déçoivent. Leur technique, que tous les observateurs s’accordent à placer parmi les plus sûres dans la hiérarchie mondiale, ne suffit pas. Qu’il s’agisse de la victoire face à Roger Federer à Monte-Carlo en 2005 de Gasquet ou de l’incroyable but de Gourcuff face à la Roumanie en 2008, leurs débuts éblouissants sur la scène mondiale ne sont aujourd’hui, à 26 ans seulement, que de lointains souvenirs.
L’amour du beau geste
Cet amour partagé du beau geste, de la technique de précision, c’est à leur père que les deux athlètes la doivent. Prof de tennis pour l’un, entraîneur de football pour l’autre, les paternels ont en commun le désir de voir leur progéniture traiter la balle en artiste plutôt qu’en besogneux. Francis Gasquet, père de, qui est venu au tennis sur le tard, possède ce que les jeunes impertinents appellent « un jeu de vieux. » Un modèle qu’il ne veut surtout pas que son fils, qu’il entraînera jusqu’en 2001, reproduise. A l’inverse, il insistera sur la beauté du geste, celui qui fait qu’aujourd’hui, Richard possède ce qui est peut-être le plus beau revers du circuit. Du côté des Gourcuff, la science du mouvement, de la passe dans l’intervalle et du geste juste fait partie de l’ADN familial. Tout comme cette facilité à théoriser le jeu devant les micros autant qu’à se méfier des journalistes en dehors des obligatoires conférences de presse et passages en zones mixtes. Une peur des médias qui se retrouve chez Richard Gasquet. En tête à tête avec un intervieweur, il arrive même à l’actuel numéro 9 au classement ATP de littéralement se pétrifier.
Prendre du plaisir au travail
Une attitude qui trahit chez les deux sportifs une mentalité atypique. Cet amour de la performance techniquement aboutie, cette recherche permanente du geste parfait, qui scotche son adversaire en fond de court ou met ses coéquipiers sur orbite, c’est sans doute là que se situent les véritables buts de Yo et Richie. Gasquet, qui déclarait il y a peu à l’un de ses détracteurs qu’avoir atteint le 7ème rang mondial n’était pas exactement synonyme de carrière ratée, n’a, après tout, peut-être pas les mêmes objectifs que ceux que la pression populaire lui a imposés. Même chose pour l’ancien Bordelais, qui plus que de devenir « le nouveau Zidane » , aspire peut-être tout simplement à s’amuser sur un terrain, comme cela ne lui arrive que trop rarement. Quitte à n’être qu’un très bon joueur évoluant dans la sérénité. C’est peut-être cela, le plus difficile.
Par Mathias Edwards