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  • France – Ligue 1 – Le joueur de la 24e journée

Ricardo Faty, la tête la première

Par Swann Borsellino
Ricardo Faty, la tête la première

Un but du crâne pour l’AC Ajaccio ce week-end, pas de casque en scooter lors de sa folle jeunesse, un coup sur la tête en Allemagne puis à Nantes et un cerveau qui ne s’arrête pas de réfléchir. Plongée la tête la première dans la vie folle de Ricardo Faty.

Les enfants de l’INF Clairefontaine sont des hybrides. Des gamins aux envies légitimes de divertissement mais aux responsabilités trop importantes pour un jeune adolescent. Entre insupportables privations, pression folle et avenir familial sur les épaules, certains mômes craquent, restent sur le carreau. Ricardo Faty aurait pu être de ceux-là. Lui, l’enfant du 91, la longue tige de la génération immortalisée par les caméras de Bruno Sevaistre, a bien failli passer à côté d’une carrière chez les professionnels. La faute à un accident de scooter sans casque durant les vacances de sa première année de pensionnat sous les ordres de l’incroyable monsieur Dusseau. Touché plus sérieusement que son « frangin » de l’Essonne, Helmi Loussaief, Ricardo séjourne longuement à l’hôpital. Le temps que Helmi lui rende visite et lui parle de gonzesses pour tenter de lui redonner le sourire et de masquer son inquiétude. Le temps que la victime d’un traumatisme crânien soit opérée. « On m’a mis un truc dans la tête, je sais pas moi, faut que tu demandes à ma mère » , balançait à l’époque l’intéressé, assailli par les questions après un retour en grande pompe à l’INF, où il avait été accueilli par toute sa petite clique. « Mais genre si tu fais une tête tu meurs ? » , lui avait-on balancé dans la folie ambiante. À 27 ans, Ricardo ne sait peut-être pas ce qu’on lui a mis dans le crâne, mais a profité de toutes ces expériences pour se mettre du plomb dans la cervelle.

La prière du voyageur

« Le cursus classique, INF – centre de formation – éternel espoir parti trop tôt (rires) » . En rayant le mot regret de son vocabulaire, Ricardo Faty porte un regard objectif sur sa carrière. Lui, l’international français chez les U17, U18, U19, U20, chez les Espoirs et élu meilleur joueur du prestigieux tournoi de Toulon en 2006 n’a peut-être pas eu l’avenir auquel il était prédestiné mais est déjà heureux d’en avoir eu un, après ses deux jours passés dans le coma. « Frère-de » à l’INF où son grand frère Jacques brillait, Ricardo reconnaît volontiers qu’il lui « a fallu plus de temps pour émerger » . « Contrairement à Jacques, j’étais disponible au terme de ma troisième année » , rappelle-t-il notamment. Courtisé par Saint-Étienne puis Rennes, où son grand frère évolue, le milieu de terrain longiligne opte finalement pour Strasbourg, où il passe professionnel en 2005. Ne se sentant pas désiré en Alsace, il fait le grand saut en Italie, à l’AS Rome, où il dispute 11 rencontres de Serie A et 3 de Ligue des champions en 2006-2007. Le début d’une vie de vagabond qui verra le bougre, apprécié par Rudi Völler, poser ses valises en Bundesliga, au Bayer Leverkusen, à Nantes ou encore à l’Aris Salonique où il se rendra compte de ce que veut dire « crise économique » . Disparu des radars de ceux qui l’avaient connu dans À la Clairefontaine, Ricardo revient en France à l’été 2012 lorsqu’il s’engage à Ajaccio. « Je suis venu en laissant la moitié de ma carrière derrière moi. Je repars de zéro » , avoue-t-il. Les amateurs de Ligue 1 découvrent un milieu de terrain aux jambes longues mais habiles, un battant de tous les instants à la technique propre, mais ne pensaient pas tomber nez à nez avec un amoureux du retourné acrobatique. Ce soir de février 2013, personne ne l’a oublié. Un ballon en l’air face à l’Olympique lyonnais, les compas de l’international sénégalais dans les airs et un but de taré pour celui qui admettra « en tenter pas mal à l’entraînement » . Pas de doute, cet homme est fou dans sa tête.

United colors of Benetton

Du moins, il l’a été. Épousant une carrière totalement à l’opposé de celle de son frère, Ricardo, qui est désormais un homme marié, a profité de sa jeunesse pour faire des conneries avant de se calmer. « On était turbulents. Il y avait des énergumènes. Garra, Hatem et même moi » , avoue-t-il au moment de se rappeler l’époque dorée de l’INF. Jamais le dernier sur la bêtise, Ricardo a également profité de ses années à Clairefontaine pour se renseigner de plus près sur l’Islam. Lui, qui porte le nom de son grand-père capverdien catholique, est devenu musulman pratiquant au fil des années. « On commençait à en parler. On vivait ensemble, donc quand on voit quelqu’un se retirer pour prier, on se pose des questions, on cherche à comprendre pourquoi untel fait ceci ou cela » , explique-t-il dans une excellente interview accordée à L’Équipe. Comme au cours de sa carrière, Ricardo s’est servi de toutes les expériences que lui a réservées la vie pour se faire un avis. « À Strasbourg, j’avais l’habitude d’aller à la cathédrale avec un autre joueur, très croyant. Ça m’intéressait de voir l’atmosphère, de brûler un cierge. Pendant ces deux ans, mon compagnon de chambrée était un juif, un Israélien, Omar Peretz. J’étais en contact avec toutes les religions. » Une quête de sagesse folle pour un homme United Colors of Benetton, quelque part entre la France, le Sénégal, le Cap-Vert et le Vietnam. Ou quand les enfants hybrides deviennent des adultes ouverts.

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