Quel club supportez-vous ?
River Plate. Je sais pas exactement pourquoi(en français, ndlr). Toute ma famille supporte San Lorenzo. Comme le Pape ! Mais moi, je ne suis jamais allé au stade voir les matchs de San Lorenzo quand j’étais gamin. En revanche, quand j’ai eu 18, 19 ans, j’ai accompagné un de mes amis, un très grand supporter de River, pour un match. Il connaissait quelques joueurs donc on a commencé à les côtoyer, à manger avec eux. Beto Alonso, JJ Lopez, Merlo, Fillol, qui était le gardien de la sélection à l’époque, Pedro González, Comizzo. J’étais surtout proche de JJ Lopez, un excellent milieu de terrain avec une très bonne frappe. On est devenus amis avec le temps. C’est comme ça que je suis devenu fan de River, je crois. Je n’ai jamais été un supporter acharné, plus un supporter averti. Mais depuis que le club est descendu en Segunda Division il y a deux ans de ça, je crois que je suis devenu un vrai supporter de River.
Oui parce que c’est un peu la lose en ce moment à River.
Ben… Disons que ça peut arriver à toutes les équipes dans le monde, même les plus grandes. Des bonnes périodes et des moins bonnes. Mais c’est très difficile de savoir d’où vient le problème : la direction, le staff technique, les joueurs ? Quand l’équipe joue bien, tout a l’air d’aller comme sur des roulettes, tout est plus agréable. Quand ça ne va pas, on cherche la responsabilité et généralement, c’est l’entraîneur ou les joueurs qui trinquent. Je crois surtout que ça dépend d’une bonne cohésion entre tous les éléments d’un club, pas uniquement le sportif. D’autre part, avec les grandes équipes, on attend toujours d’elles qu’elles maintiennent un niveau d’excellence et là, ça n’a pas été le cas. Mais il ne faut pas oublier que les joueurs de River quittent toujours le terrain en ayant tout donné.
Que pensez-vous du travail de Ramón Díaz à la tête de l’équipe ?
Il était déjà coach l’an dernier et je crois que D’Onofrio (le président de River Plate) a décidé de lui offrir une seconde chance. Et il est en train de mettre de bonnes choses en place. La première : rapatrier Cavenaghi au club. Cavenaghi, c’est…
Un taureau ?
Oui, c’est ça ! Il avance, il avance, il avance ! Toujours ! Bon, à mon avis, River aurait quand même dû garder Trezeguet. Ce sont deux joueurs qui peuvent apporter beaucoup à leurs coéquipiers grâce à leur expérience. Ils savent gérer les moments difficiles lorsque l’équipe n’est pas bien. Cavenaghi, Trezeguet, El Chori Dominguez, ils sont venus au pire moment de l’Histoire de River pour filer un coup de main. Je ne comprends pas pourquoi ils ont été dégagés après la montée. C’est la première erreur qu’a commise la direction. L’autre a été de laisser partir Matías Almeyda, l’entraîneur. Il venait de faire monter l’équipe, il avait le droit de poursuivre en Primera Division et d’être respecté.
Vous avez connu l’époque de la Maquinita à River ?
D’abord, je me rappelle la Maquina, la grande équipe de River en 1975. Mais c’est vrai que les années 90, c’est une autre époque glorieuse du club. On avait Francescoli, Gallardo, Sorín, Almeyda, « El Burrito » Ortega, Crespo. Francescoli est conseiller sportif du club, d’ailleurs. Ortega aussi, il vient d’être engagé. Mais pas comme joueur, hein ! (rires) Juste dans l’organigramme. Ça me semble être une bonne chose pour lui. Il a donné beaucoup au club. C’est une idole.
Une idole avec des problèmes, quand même.
(il sourit) C’est une idole.
On parle de David Beckham à River Plate : vous y croyez ?
Oui, j’ai lu ça dans le journal. Est-ce que c’est vrai ? Je n’en sais rien. Je sais surtout que River n’a pas d’argent pour payer David Beckham. C’est un joueur intéressant, qui a du ballon, c’est indéniable. Mais je ne pense pas que ce soit un joueur pour River. Il nous faut des joueurs offensifs puissants, incisifs. Quoique, ça pourrait être marrant. Et il pourrait être intéressant en lanceur de jeu, en box-to-box, en tireur de coups de pied arrêtés.
On parle de Diego Lugano, aussi.
Ah, ça, ça m’intéresse ! Un excellent défenseur qui organise bien. Il sait mettre de l’ordre. Et une bonne équipe part toujours d’une bonne défense. Il ne s’est pas bien adapté au PSG, c’est compliqué d’adopter un autre mode de vie. Là, il sera près de chez lui, à 45 minutes de Montevideo. Il se sentira mieux. Je suis persuadé qu’un leader naturel comme lui a besoin de se sentir chez lui. Lugano est très respecté en Argentine et historiquement, les Uruguayens – Francescoli, Alzamendi – ont toujours réussi à River. Il pourra prendre son maté tranquille ! (rires)
Vous pouvez nous raconter les derbys River-Boca ?
Qu’est-ce que je pourrais dire… Je ne vais plus trop au stade, désormais. J’y vais surtout quand je suis en Espagne pour le travail. Je vais au Camp Nou, à Santiago Bernabéu. En Argentine, ça m’attriste, ce qui est en train de se passer autour du football. Il y a beaucoup de violence et d’intolérance. Mais pas seulement les Barras bravas. Je trouve qu’en général, les supporters sont trop virulents et ça n’est pas comme ça que j’apprécie le football. Je suis encore mieux à regarder mon match argentin devant ma télé, ça me va très bien comme ça. Pour l’Espagne, comme j’ai dit, c’est différent : j’y vais quand Messi m’invite !
Trezeguet ferait un bon acteur
Messi vous invite souvent ?
Oui, plein de fois ! Je le connais très bien (en français, ndlr). J’ai travaillé pendant deux saisons à Barcelone sur une pièce de théâtre et lui et sa famille venaient fréquemment me voir. On a dîné plusieurs fois ensemble après la pièce, d’ailleurs. Ça me rappelle une anecdote : j’étais venu faire la promotion d’un film à Barcelone pour une journée et l’attachée de presse me demande si je connais Messi. Je lui dis « oui, bien sûr ! » Mais je sens bien qu’elle se dit « ouais, lui, c’est un Argentin, il parle beaucoup » . Après l’interview, je veux rentrer chez moi et comme il était très tard, je ne trouve pas de taxi, les rues étaient désertes. Et là, dans mon dos, j’entends « Ricardo ! Ricardo ! » C’était Messi dans sa voiture. Il nous a ramenés à l’hôtel. L’attachée de presse, elle était… (il fait de grands yeux). Elle y croyait pas ! (rires) T’imagines ? Messi m’a reconnu de dos !
Vous connaissez d’autres joueurs ?
Ouiii… Maradona ! Depuis de nombreuses années. La première fois que je l’ai rencontré, il avait 15 ans. On parlait d’un enfant qui jouait très bien au football (en français) dans les équipes de jeunes de Argentinos Juniors mais bien sûr, il n’était pas encore « Maradona » . On s’est retrouvés autour d’une table, rien que tous les deux, sur un plateau de télévision. C’était il y a trente-cinq ans. On se voit plus trop en ce moment mais pendant de longues années, on s’est beaucoup côtoyés. On jouait beaucoup au football ensemble. On avait une équipe d’acteurs argentins pour des matchs caritatifs et il a joué plusieurs fois le jeu. Sa seule présence nous a d’ailleurs beaucoup aidés à lever des fonds. Forcément.
Maradona, ça signifie quoi, pour vous ?
Lui-même a toujours dit qu’il n’a jamais été un exemple. Pour personne. Notamment en raison de ses problèmes de drogue. Il a toujours été franc sur le sujet. Mais je crois que je ne suis pas la personne la plus à même de parler de lui : comme c’est un ami, que j’ai de l’affection pour lui, je manquerais d’objectivité. Je l’accepte comme il est, avec ses bons ou mauvais côtés. Et puis, comme joueur de foot, il est assez indescriptible, non ?
Tant qu’à faire dans le cliché : Maradona ou Pelé ?
Ce sont deux joueurs complètement différents (en français, ndlr) ! Pélé est un immense joueur. Je l’ai vu jouer quand j’étais gamin et c’était incroyable. Un joueur intelligent, créatif, et qui plus est un très grand athlète. Maradona, c’est un jongleur de football ! Un artiste des objets en l’air, dans l’espace. Tu vois, pendant qu’il est en train de te parler, il joue toujours avec un fruit, par exemple (il prend une mandarine sur la table). Il jongle avec, ou alors il va essayer de mettre un panier avec l’abat-jour de la lampe qui est là-bas. Vraiment. Je l’ai vu s’acharner à passer un truc de trois millimètres entre une monture de lunettes, entre les verres, et tant qu’il n’avait pas réussi, il n’arrêtait pas. Je l’ai vu faire des trucs incroyables. Pendant la préparation du Mondial 1994, je l’avais accompagné à une présentation de joueurs. Pour les gamins, Maradona, c’était la révolution. Des mecs l’ont invité à jouer au basket et sur le terrain, je l’ai vu passer cinq paniers sur dix depuis le milieu de terrain. Mais pas avec les mains, non, avec les pieds ! Et un ballon de basket, hein ! Tac, tac, tac ! (il mime le geste du tir, debout).
Vous vous dites « Menottiste à la vie, à la mort » : ça veut dire quoi ?
Menotti, c’est un philosophe du football. C’est pas moi qui le dis mais les joueurs qui ont été ses coéquipiers ou sous ses ordres. Tous ceux qui l’ont côtoyé un jour parlent d’un respect incroyable, humainement parlant. C’est un ardent défenseur de l’aspect humain en matière de football a contrario de certains entraîneurs qui ne jugent que par la technique et la tactique. Je l’ai rencontré plusieurs fois. Je le respecte énormément.
Que pensez-vous de Bielsa ?
Je l’aime beaucoup. On l’appelle « el loco » mais c’est un homme qui sait tenir ses joueurs, qui sait faire avec leur comportement. Je me rappellerai toujours de lui parce qu’il a fait quelque chose d’inédit à l’époque : il finit premier des éliminatoires pour la Coupe du monde et quitte son poste. En temps normal, tout le monde aurait gueulé. Mais là, tout le monde a trouvé ça normal. Il a dû se passer un truc pas clair avec l’AFA. Pourtant, c’est un grand travailleur et un homme intelligent.
On a la meilleure attaque du monde : Messi, Higuaín, Lavezzi, Agüero…
Que pensez-vous du niveau de l’Argentine actuellement ?
Je pense que si l’on parvient à solidifier notre défense, on peut gagner le Mondial ! (rires)
Ouais mais tous les Argentins disent ça !
Je sais pas s’il disent ça mais en tout cas, on a la meilleure attaque du monde : Messi, Higuaín, Lavezzi, Agüero… Tévez, s’il daigne se pointer, Di María. Si tu commences à compter tous les attaquants qu’on a, ça fait peur. Sans oublier des mecs comme Pastore, Mascherano. Mais une bonne défense, ça ne s’organise pas qu’avec de bons joueurs. Il faut quelqu’un qui soit « planté » dans la défense et qui organise le tout. En fait, il nous faudrait un Lugano ! Un leader charismatique. C’est fondamental.
Un Roberto Ayala ?
Ah ! Si on l’avait, je signerais de suite ! Parce que le Mondial va être très difficile. Les poules, ça devrait aller mais à partir des huitièmes, ça va se compliquer, avec toutes les grandes équipes : le Brésil, la France, l’Angleterre, l’Allemagne, l’Espagne, le Chili, même, et surtout la Belgique. Ils ont une jeune génération de joueurs qui arrive et qui peut faire de très grandes choses. L’Italie, également, parce qu’avec leur catenaccio, les Italiens ont cette faculté à s’en sortir dans les matchs cruciaux et serrés. Toute la garde est prête à donner sa vie pour compliquer celle de l’équipe adverse.
Chaque Argentin a son moment historique avec l’Albiceleste : lequel est le vôtre ?
J’en ai plusieurs mais je crois que le plus beau reste le match Argentine-Angleterre de 1986 au Mexique. Sans hésitation. C’était quatre ans après la Guerre des Malouines. Meilleur moment parce que l’atmosphère était pesante, parce que Diego était au top et parce qu’il a mis deux buts miraculeux. Le pays entier pleurait, dans un état étrange de peine et de joie, pour un événement extraordinaire. Sur le deuxième but, le commentateur pleurait au fur et à mesure que Diego s’approchait du but. Même avant le but, le mec hurlait « Incroyable ! Incroyable ! » avec des tremolos dans la voix.
Quel footballeur ferait un bon acteur, selon vous ?
Trezeguet parce qu’il intelligent, sensible. Il sait communiquer et surtout, il a l’air sympa ! Mais dans le football, on a aussi beaucoup de joueurs qui s’imaginent être de bons acteurs ! (rires) Je crois que Piqué, par exemple, ne ferait pas un bon acteur. Il est trop grand, il rentrerait pas dans le champ de la caméra ! (rires)
Hipótesis de Hernán Goldfrid, avec Ricardo Darín, Natalia Santiago et Alberto Ammann / Sortie le 12 février prochain
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