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Ribéry peut-il vraiment jouer avec une lombalgie chronique ?
Que ce soit pour se tenir droit sur sa chaise, jouer à Twister ou ramasser les lettres du Scrabble, le dos reste l'élément essentiel pour la mobilité de chaque homme, et tout dysfonctionnement devient très vite embarrassant. Depuis 6 semaines, la lombalgie chronique de Franck Ribéry est devenue le centre d'attention de toute la France du football. Alors, une bonne fois pour toutes, les Bleus vont-ils partir à 22,5 au Brésil ?
« Je me sens bien, mais 90 minutes, ça pourrait être compliqué. Je n’ai pas pu faire grand-chose. Dans ces conditions, c’est difficile de se mettre dans le rythme. » Cette déclaration de Franck Ribéry remonte au 14 mai dernier, à trois jours de la finale de la Coupe d’Allemagne contre le Borussia Dortmund. Déjà dispensé de la dernière journée de Bundesliga, le milieu de terrain commençait à voir le mal pourrir sa préparation de la Coupe du monde. La faute à cette fichue lombalgie, comme l’explique Nicolas Rodet, ostéopathe du sport et habitué à remettre à l’endroit des sportifs de haut niveau. « C’est sûrement dû à un surentraînement. Les lombalgies, c’est multifactoriel. Il y a une petite blessure au départ qui ne s’est pas soigné, il a joué sous infiltrations et la blessure n’a pas pu se résorber, ce qui provoque une lombalgie chronique, et non plus aigüe. » Au final, le joueur passera presque 80 minutes sur la pelouse de Berlin, avec une prolongation en guise de coup de grâce.
Pas de date butoir
Un séjour un peu plus long que prévu qui reste pour le moment le dernier passage du Français sur un terrain de football. Jusqu’à quand ? D’après Badr El Hariri, kinésithérapeute du sport à Paris passé par le MUC 72 et travaillant pour le Racing-Métro, difficile d’avoir un pronostic avec ce type de blessure : « Avec une lésion musculaire ou une fracture, on sait le temps qu’il faut pour guérir de la blessure, on connaît tout de suite le délai. Quand on a un problème de tendon ou de dos, on est dans le flou. On sait qu’avec le repos, les choses iront mieux, mais il n’y a pas de date butoir. » À défaut de verser un seau d’eau sur la tête d’Hugo Lloris, massages et transats sont donc à prescrire pour Kaiser Franck.
« On peut serrer les dents »
Seulement, si une bonne partie de la France espère un retour de son meilleur joueur contre la Jamaïque, il faut savoir qu’une lombalgie chronique constitue une belle tare pour un sportif de haut niveau. À l’origine d’un tiers des invalidités provoquées par le travail, les douleurs lombaires sont localisées dans le bas du dos, au niveau des 5 vertèbres de la base de la colonne vertébrale. Aussi, la lombalgie n’apparaît pas forcément sur les radiographies ni sur les examens biologiques, ce qui rend son pronostic délicat. « En début d’année, j’ai eu affaire à un joueur qui évolue en Pologne et qui traînait ce genre de blessure, se remémore Badr El Hariri. On l’a observé avec des orthopédistes, des chirurgiens, des médecins… On a d’abord convenu de trois semaines de repos et de rééducation. Au bout de ces trois semaines, les blessures n’avaient pas diminué et étaient toujours aussi importantes, donc le joueur a dû subir une opération. » Cependant, jouer avec une lombalgie reste une hypothèse envisageable. « On peut jouer avec une lombalgie chronique, on peut serrer les dents, explique El Hariri. Mais si Ribéry en est là aujourd’hui, c’est que c’est une blessure qui le handicape certainement. Il ne peut pas être à 100%. »
« Ce n’est pas la même blessure que pour un type qui bosse en manutention »
En clair, si la liste de 23 reste inchangée pour traverser l’Atlantique, il va falloir parier sur une montée en puissance du Bavarois au cours de la compétition. Un choix qui ne serait pas anodin, puisque Deschamps se priverait temporairement d’un élément dans son groupe de joueurs. « On connaît plein de footballeurs qui jouent avec des douleurs, mais avec des infiltrations, analyse Nicolas Rodet. La blessure de Ribéry, elle date de janvier. Les dirigeants du Bayern avaient besoin de lui, ils l’ont beaucoup utilisé. » Si la blessure touche le sportif à l’organisme sollicité, elle peut également concerner la personne qui ne bouge pas de son siège, sauf pour ramasser une lettre du Scrabble. En 2002, Lionel Letizi fera partie de la seconde catégorie alors qu’il aligne les mots compte double avec Mickaël Landreau et Jérome Alonzo. Une mésaventure qui avait coûté deux matchs au portier du PSG. « Pour un sportif, ce n’est pas la même blessure que pour un type qui bosse en manutention, conclut El Hariri. L’activité fréquente d’un sportif de haut niveau, le fait qu’il ne s’arrête jamais, cela retarde la cicatrisation. » Tic-tac, tic-tac…
Par Antoine Donnarieix et Victor van den Woldenberg