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Ribéry : « Je marque moins, mais donne plus de passes que Messi et Cristiano »
Ce jeudi, l'UEFA décernera le titre de meilleur joueur de la saison européenne. Plus que trois joueurs sont en lice pour remporter le trophée : Cristiano Ronaldo, Lionel Messi... et Franck Ribéry. À trois jours du scrutin, le Français jauge ses chances. Et en dit un peu plus sur l'héritage Heynckes et sa relation avec Guardiola.
Avez-vous déjà prévu un endroit où mettre le trophée de footballeur de l’année dans le cas où vous le remporteriez cette année ?J’ai une pièce dans laquelle il y a toutes les médailles et les trophées que j’ai gagnés. Ça me remplit de joie de me rendre de temps à autre dans cette pièce et de voir tout ce que j’ai vécu. Pour un trophée de la sorte, je trouverai certainement de la place. Une place de choix, bien sûr.
« Ribéry, meilleur joueur d’Europe » , devant Lionel Messi, devant Cristiano Ronaldo : ça sonne comment, selon vous ?
Ce serait bien. C’est un titre dont je rêve depuis un moment, auquel j’ai souvent pensé. Depuis deux ans, je suis au top niveau. Rien que l’année dernière, j’ai très très bien joué et j’ai gagné de grands titres. Pourquoi est-ce que ça ne fonctionnerait pas ? Je mériterais le titre, tout comme les deux autres.
Que signifierait ce titre pour vous ?Ce serait assez incroyable de faire partie des trois joueurs en course pour le titre de meilleur footballeur en Europe, surtout quand tu viens de nulle part, comme moi, d’un quartier difficile à Boulogne-sur-Mer, une petite ville que personne ne connaît. Quand enfant, tu as commencé à jouer sur des terrains difficiles contre des gens plus grands que toi. Quand tu fais une carrière comme la mienne, assez atypique et parsemée de revers. Mais voilà, je n’ai jamais lâché prise. Je suis fier de tout ce que j’ai réalisé jusqu’à présent.
Avez-vous le sentiment que tout fut plus difficile pour vous que pour les autres ?Il y a toujours eu des revers. Ça m’a forgé, et ce depuis mon enfance. C’était souvent très difficile. Mais grâce à ma volonté et mon engagement, j’ai toujours réussi à passer à autre chose. Je n’ai jamais abandonné. Et quand on pense ainsi, on finit par réussir à la fin. Aujourd’hui encore, à 30 ans, j’ai toujours envie de gagner chaque match. Je n’ai pas changé. Au fond, je suis toujours le Ribéry d’antan, celui de Boulogne-sur-Mer, qui rêvait de faire carrière dans le football.
Se relever après avoir pris des coups, c’est un état d’esprit que vous vous êtes approprié très tôt…Oui, mais l’expérience joue aussi un rôle par rapport à tout ce que j’ai connu. Entre-temps, les gens ont compris que plus rien ne pouvait m’abattre. Ce qui m’importe le plus, c’est ma situation ici, à Munich. Le club est heureux de m’avoir, les fans m’aiment. Je m’entends super bien avec mes coéquipiers, ma famille est heureuse. Voilà ce qui compte.
Qui vous a insufflé cet état d’esprit ?Mon père m’a beaucoup aidé. Il a toujours été derrière moi. Mais en soi, j’ai toujours décidé tout seul de ce que je faisais. J’ai grandi dans la rue, en quelque sorte. Là, j’ai acquis le respect des autres, tout seul. Ça ne marche pas autrement. Mais c’était important de sentir la présence de mon père pas loin de moi. Il a un fort caractère et il ne s’est jamais laissé abattre par quoi que ce soit. Mon père a dû travailler dur toute sa vie. Même si c’était dur parfois, nous n’avons jamais manqué de rien. Nous avons toujours mangé à notre faim. Il m’a montré que les enfants étaient ce qu’il y avait de plus important, et ça m’a fait du bien. Maintenant, je suis très heureux que tout cela ait été récompensé.
Kopa, Platini, Papin, Zidane : vous êtes potentiellement le cinquième joueur français qui peut remporter ce titre.Une très jolie liste. Ce serait un truc formidable si c’était le cas. D’un point de vue individuel, j’ai tout fait pour gagner. La cerise sur le gâteau est que nous avons tout gagné. Maintenant, ce n’est pas moi qui décide, mais je suis déjà content d’être en finale. Et puis, quand on a fait une telle saison, on aimerait bien aussi être récompensé par ce genre de titre.
Qu’est-ce qui joue en votre faveur ?Ce titre serait très important pour moi, parce que j’ai tout fait pour : j’ai bien joué, j’ai gagné des titres, fait des passes décisives, marqué des buts. J’ai bossé comme un fou la saison dernière, je me suis même rendu à la Säbener Straße (là où se trouve le siège et le centre d’entraînement du Bayern, ndlr) les jours fériés. J’ai été vraiment très très pro, mais j’y ai aussi trouvé mon compte, je me suis amusé.
Et si vous ne gagnez pas ?Je serais un peu triste, mais ce ne serait pas la fin du monde non plus. Je me dirais que j’ai tout fait pour, mais que voilà, ce n’était pas à moi de gagner.
Savez-vous qui est le dernier joueur du Bayern Munich à avoir remporté ce trophée ?Je crois que c’est notre boss, Karl-Heinz Rummenigge. C’est ça ?
Exact, Karl-Heinz Rummenigge. Il a gagné le trophée en 1981.Oh, il y a 32 ans… C’est pourquoi je serais également content pour ce club, si je venais à gagner ce titre. Ce serait une récompense pour le club, pour l’équipe.
Que pensez-vous de vos deux concurrents, Lionel Messi et Cristiano Ronaldo ?Ce sont deux grands joueurs, ils font partie des meilleurs joueurs du monde. Être nommé avec ces deux-là, rien que ça, ça me flatte. Après, chacun a ses qualités. Ce que les deux maîtrisent le mieux, c’est le fait de marquer des buts. Ils marquent plus souvent. Je suis un joueur qui cherche plus à dribbler, qui va sans cesse gêner les défenseurs adverses. Je fais plus de passes décisives aussi.
Avez-vous l’impression que ceux qui vous ont toujours critiqué vous flattent en ce moment ?Ah, vous savez, je suis père de famille, j’ai 30 ans aujourd’hui. Ces choses ne sont plus importantes pour moi. Mais évidemment, je suis fier d’avoir réussi cela. Je suis content, mais ça n’a rien à voir avec un quelconque sentiment de revanche, pas du tout. Ceux qui me critiquent peuvent continuer tranquillement à le faire, ça ne me fait ni chaud ni froid.
La saison dernière, vous avez encore évolué de manière significative dans votre façon de jouer.Oui, il y a beaucoup de petites choses dans lesquelles je suis devenu meilleur. J’ai aussi une certaine expérience maintenant, ça m’aide beaucoup. Jupp Heynckes voulait qu’on s’organise mieux, qu’on participe tous au travail défensif. Ça m’a notamment permis d’avoir beaucoup d’espace devant moi quand on reprenait le ballon et non pas d’être déjà devant dans les zones dangereuses.
« J’ai fait comprendre à Guardiola qu’il ne fallait pas tout le temps entrer dans de grandes discussions avec moi »
Quelle part a Jupp Heynckes dans vos succès de la saison dernière ?Une très grande part. Il a énormément contribué à nos succès, ainsi qu’au fait que je me sente bien et que je m’amuse à l’entraînement et en match.
Pourquoi est-ce si important ?La relation avec l’entraîneur, c’est quelque chose de très important pour moi. La joie de vivre, la relation avec lui et les autres joueurs, la cordialité, j’ai besoin de tout ça pour être bon. Ce ne sont que des détails, mais pour moi, c’est très important.
Vous êtes déjà dans une forme sensationnelle. Est-ce que ces titres vous ont encore plus motivé ?J’ai commencé la saison avec une envie énorme. Nous avons un nouvel entraîneur, et je suis très heureux d’avoir une bonne relation avec Pep Guardiola. C’est très important pour moi. Nous avons discuté à plusieurs reprises. J’ai appris à le connaître et lui aussi. Je lui ai fait comprendre qu’il ne fallait pas tout le temps entrer dans de grandes discussions avec moi, que parfois les détails sont plus importants : un petit applaudissement, un commentaire, des louanges. Ça me donne de la confiance. Et c’est seulement quand j’ai cette confiance que je peux donner le meilleur de moi-même.
Vous avez besoin d’être important aux yeux du coach ?Je ne dois pas me sentir important, mais j’ai besoin d’une relation. J’aimerais être en mesure de communiquer, je veux prendre du plaisir, rire. Il faut qu’il y ait une relation de confiance absolue. Je dois avoir le sentiment que je peux compter sur lui, tout comme je veux lui montrer qu’il peut me faire confiance. Si ça marche comme ça, je suis capable de tout faire.
Mario Gómez et Luiz Gustavo ont été transférés parce qu’ils voulaient avoir du temps de jeu. Ce n’est pas stressant quand des internationaux doivent aller sur le banc l’année d’une Coupe du monde ?Non, je pense que nous, les joueurs, nous sommes suffisamment intelligents. Pourquoi devrions-nous nous comporter autrement, si ça a bien fonctionné ainsi ? Bien sûr, ce n’est pas facile pour le coach. D’une semaine à l’autre, il doit décider des titulaires. Nous devons essayer de mettre tout le monde sur le même bateau et de faire en sorte que tout le monde fasse partie de l’équipe et s’y sente bien.
Mais jusqu’à présent, le spectacle est absent.Il y a de nouvelles voies, de nouvelles exigences, une nouvelle façon de jouer. Ça prend du temps. Il y a toujours des choses à améliorer. Le plus important est que nous prenions du plaisir et que nous gagnions nos matchs. Le reste viendra.
Le spectacle, c’est votre objectif principal ou bien est-ce les titres, tout simplement ?C’est important de bien jouer. Quand tu gagnes et que tu ne ressens aucune joie, aucun plaisir, ce n’est pas bien. En règle générale, même les spectateurs doivent rentrer chez eux en étant contents après un de nos matchs. C’est ainsi que pense le coach, je crois. C’est pour ça qu’on ne doit pas avoir de doutes dans cette relation.
Les spectateurs apprécient avant tout le spectacle que vous leur offrez.C’est ma grande satisfaction : apporter de la joie aux autres. Ça me motive encore plus. Je voudrais que les gens profitent du spectacle et soient contents de moi. On ne peut pas jouer éternellement au football. C’est pourquoi j’aimerais que les gens se souviennent de moi plus tard. Je veux laisser ma trace.
Avez-vous l’impression qu’avec le temps, vos adversaires ont plus de respect pour vous ?Bien sûr que je le ressens, je respecte aussi mes adversaires. Des fois, je remarque qu’ils sont un peu nerveux, et j’essaye naturellement de me servir de ça.
Et les coups ?Il y en a de moins en moins, mais je comprends aussi les adversaires. Quelque part, tous les moyens sont bons pour gagner. Beaucoup sont très motivés quand ils m’affrontent, ils veulent me le montrer, ça fait partie du jeu.
Vous aussi, vous dépassez parfois les limites. Comment ça se fait ?Je ne suis pas un sale gars. Je ne me sens pas toujours bien quand ça arrive, parce que je ne veux faire de mal à personne. Mais parfois, il se passe tellement de choses au préalable que je ne peux plus me contrôler. J’essaye de me défendre, mais ce n’est pas méchant, juste un moyen de me protéger.
Vous pensez pouvoir maîtriser ça ?Sûrement, oui. En vrai, je suis inoffensif. Je veux juste m’amuser, mais des fois, j’en ai ras-le-bol des coups et des provocations adverses. Et comme je suis quelqu’un d’impulsif, je réagis comme cela. J’ai grandi comme ça. Je ne peux pas tout laisser passer, mais il faut que j’apprenne à faire en sorte que ça reste dans les règles.
Vendredi se jouera la Supercoupe de l’UEFA face à Chelsea. Votre pronostic ?Ce ne sera pas un match facile. Ça va être un gros match entre deux équipes formidables.
Et quel est votre rapport à José Mourinho ?Nous avons souvent eu l’occasion de discuter. Il parle bien français et m’aime bien. Il me voulait absolument à Chelsea. À l’époque, il était question de beaucoup d’argent, en plus de la cession de José Bosingwa. Nous avons de bons rapports, nous nous respectons beaucoup, mais bien sûr, j’ai envie de le battre.
Propos recueillis par Mounir Zitouni (Kicker Magazine, ESM) / Traduction : Ali Farhat
Le 29 août, à Monaco, So Foot participera à l’élection du joueur UEFA de l’année, organisée par ESM, qui départagera Franck Ribéry, Cristiano Ronaldo et Lionel Messi.
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