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Ribéry : Golden Boy
Ribéry is back. L’enfant terrible du foot tricolore a encore des choses à nous montrer. Et surtout à nous apprendre sur l’état de la France.
Nous pensions avoir tourné la page depuis le 15 juillet. Nos footballeurs étaient redevenus des modèles pour le pays, issus de la diversité sans trop le dire, du peuple au sens conformiste du terme… Bref, une valeur sûre et refuge. Terminé de s’en servir comme boucs émissaires d’une société tourmentée par une lutte des classes qui ne dit plus son nom et un racisme qui ne se cache plus. On dansait en bleu-blanc-rouge et nos héros souriaient sur Instagram. Le pays, à genoux devant Mbappé, paraissait guéri.
Cependant, le foot ne pouvait se débarrasser aussi facilement de sa mauvaise réputation. Cette dernière était bien trop utile. Ce brave Yann Moix, qui défraie aussi la chronique et déchire les réseaux sociaux – on se vend comme on peut et tout le monde n’a pas le talent de Michel Houellebecq – avait déjà sonné la charge. Notamment en pointant du doigt ces vilains internationaux qui avaient l’indécence de passer leurs vacances où bon leur semble et il est vrai, là où leurs revenus – conséquents – le leur permettent. « L’équipe gagne le Mondial et pour faire la fête, d’abord ils détruisent les Champs-Élysées, c’est les bases, et ensuite, ils vont à Miami au milieu de prostituées avec un truc très symbolique de la France. » Heureusement, personne n’avait perdu son temps à l’écouter, peut-être aussi parce que les klaxons étourdissaient encore les oreilles.
Absurdités économiques et autres préjugés
Il a fallu que Franck Ribéry, surgi tel un zombie de Knysna, dévore un steak doré à Dubaï pour que, de nouveau, les scories du footballeur parvenu et bling-bling reviennent hanter la toile et les clashs des insomniaques qui gazouillent. Avec, en indignée en chef, une Audrey Pulvar qui, en s’emparant du montant – non vérifié – de la bavette en or, a cru bon d’en appeler au devoir social de l’attaquant du Bayern. En retour, Chti Franck n’a pu s’empêcher de la tacler, plutôt justement. Son club, soucieux de l’impact négatif de l’affaire et avec une bonne dose d’hypocrisie, lui impose du coup une amende pour qu’il découvre les vertus de la gestion à bon escient de la communication et se rappelle qui le paie. Tout le monde est dans son rôle.
Il serait facile et rapide de lister toutes les incongruités discursives, les absurdités économiques et les préjugés qui ont parsemé l’épisode que nous venons de subir. Comme toujours, le footballeur incarne le vilain riche montré du doigt parce qu’issu des milieux populaires. Cible facile car sans réel pouvoir (politique ou autre). Pendant ce temps, les vrais scandales et dépenses fastueuses se commettent dans le silence feutré des alcôves de la bourgeoisie version 2019. En outre, les joueurs s’avèrent souvent des bienfaiteurs généreux en faveur d’œuvres diverses – la charité pour son salut ou son image est bien plus facile que la solidarité fiscale –, ils n’ont pas franchement de leçon à recevoir sur ce chapitre. S’entonne toujours la même mélodie du type de basse extraction sociale qui ne sait pas être riche, surtout de la façon dont on l’attend chez nous, empreint de ce vieux fond de culture catholique envers l’argent. Une dénonciation du parvenu qui expose sa fortune vulgairement, là où l’encarté du MEDEF range discrètement ses voitures de sport au garage et loin des flashs, au soleil des paradis fiscaux. Le coté obscur d’un football qui doit, quelque part, représenter aussi la grande peur des possédants et des bien-pensants. Pour être un Golden Boy, il est préférable de ne pas être né à Boulogne-sur-Mer.
Par Nicolas Kssis-Martov