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Reynald Pedros : « Les Bleus peuvent être une bonne surprise »
Son pied gauche, ses cheveux longs, ses bras velus, son Euro 1996, son jeu à la nantaise, son autobiographie, son jubilé joué la semaine dernière, son rôle de consultant sur Infosport+ durant l'Euro 2012, finalement, Reynald Pedros n'a pas changé. Il a ce côté élégant et insaisissable qui a fait de lui l'un des joueurs les plus bandants de sa génération.
Reynald, l’Euro arrive, forcément, on va encore parler de ton penalty manqué contre la République Tchèque en 1996…Eh oui ! (rires) On a d’ailleurs souvent pensé que ma carrière était devenue difficile à cause de cette séance de tirs au but contre les Tchèques. Ça fait simplement partie du jeu. Sur le penalty, j’ai la sensation que Kouba, le gardien, va plonger du côté où je veux la mettre. Je change et je tire en force, au milieu, mais le ballon ne prend pas de hauteur et Kouba la sort du pied. C’est un fait de match, cela ne m’a pas atteint. Je reste persuadé que l’on a fait un bon Euro. Le groupe était très complémentaire entre les anciens et les jeunes. Il y avait des joueurs avec un certain charisme. On se respectait et chacun était là pour gagner sa place.
On l’oublie, mais les Bleus avaient de sacrés tripoteurs avec Zidane, Martins et toi.Aujourd’hui, les joueurs offensifs français ont tous le même profil. Que ce soient Ménez, Ben Arfa, Nasri ou Ribéry, ce sont des mecs talentueux, mais qui aiment garder la balle et provoquer. Nous, on pouvait plus facilement varier le jeu, car nos profils étaient complètement différents.
Zidane a pourtant fait un Euro dégueulasse, en 1996.Zizou a eu un accident de voiture à Bordeaux juste avant l’Euro. Il n’était pas très bien moralement et sortait d’une longue saison avec son club. On avait essayé de le cacher, car on se connaissait tous. Zidane, j’ai joué avec lui en Espoirs, on savait comment gérer sa méforme. D’autant qu’il allait signer à la Juventus, il allait changer de vie.
Justement les transferts, ça en parle durant la compétition ?Entre nous ? Jamais. Pourtant, en 1996, on était très nombreux à changer de club durant l’été. Mais pendant la compétition, tu n’en parles pas. C’est ta tranquillité avant tout. Pour ma part, j’avais réglé mon départ pour Marseille avant le voyage pour l’Angleterre.
Alors que le Barça de Bobby Robson te voulait absolument…Oui, c’était quasiment fait, mais je venais d’avoir mon premier enfant et je ne me voyais pas partir loin de ma femme et mon fils. J’ai longuement hésité. Je me suis alors retourné vers mon agent, Alain Migliaccio, pour qu’il me conseille. On a très vite conclu qu’un départ à l’étranger, sans ma famille, serait compliqué. Surtout si je me plante sportivement. Dès lors, j’essaye de voir quel club en France peut me satisfaire pour faire une ou deux saisons avant de partir à l’étranger. Et j’accepte le challenge de l’OM. Ça s’est réglé avant l’Euro ; pourtant, durant la compétition, je n’en parle pas aux joueurs marseillais ou anciens Marseillais. Ce n’est pas le lieu.
Tu viens de sortir ton autobiographie – Le complexe du Canari (éditions Idoines) – qui n’a rien à voir avec les livres que l’on a l’habitude de lire sur les footballeurs. Tu y abordes tes échecs familiaux, comme ton divorce, mais également tes choix de carrière.
Il m’a fallu du temps pour accepter de me livrer. Je pensais que ma vie professionnelle n’intéressait pas les gens. Moi déjà, je ne trouve pas ça très intéressant, les biographies de footeux. De ma carrière, on ne retient souvent que la finalité : mon tir au but raté, mon absence à la Coupe du monde 1998, mon échec à Parme. Je voulais sortir des clichés. Raconter autre chose. Je suis assez lucide sur ma carrière. Je sais là où je me suis planté et là où j’ai réussi. Mon livre, c’est une attaque contre le système. Il faut arrêter de croire que tout est rose quand on tape dans un ballon. Derrière chaque échec, il y a une explication. Et pas seulement sportive. Il y a aussi des regrets. À Parme, par exemple, je reste frustré car l’équipe me plaisait énormément. Ancelotti sur le banc et un groupe de malades : Thuram, Buffon, Crespo, Cannavaro, Sensini, Baggio. On avait une équipe talentueuse. Ça allait du coach au jardinier. Mais je me suis très vite blessé et j’ai eu du mal à revenir, alors que j’avais les qualités pour m’imposer là-bas et jouer un football plaisant.
Comme à Nantes, par exemple.Ça m’étonne toujours, cette nostalgie des gens envers notre époque. Depuis 1995, le FCNA a gagné deux Coupes de France, un titre de champion, mais on se rappelle beaucoup plus de la génération 1994/1995. C’est assez émouvant, au final.
Pour en revenir à l’Euro, tu t’attends à quel type de compétition ?Les Bleus peuvent faire partie des bonnes surprises. L’équipe est joueuse et solide, malgré ce que l’on en pense. Elle a quelque chose en plus. Après, la compétition sera relevée. L’Espagne est sans doute l’équipe la plus agréable à regarder, mais ils vont être attendus. Les Pays-Bas et l’Allemagne seront au rendez-vous. Les Bleus peuvent accrocher une demi-finale. Une place dans le dernier carré serait un bon résultat, honnêtement.
Quelle est l’importance du premier match ?Il faut mettre en place une dynamique très rapidement. Dès le premier match, tu dois aller chercher cette bouffée d’oxygène. Aussi bien d’un point de vue comptable que moral. En général, si tu gagnes le premier match, tu n’as plus qu’une victoire à aller chercher ensuite pour être tranquille. Tu fais retomber la pression très rapidement en t’imposant. Tu es rarement convaincant au niveau du jeu lors de l’entame d’un tournoi, ce qui compte, c’est le résultat.
Contre l’Angleterre, les Bleus n’ont pas le droit de perdre, donc ?En dépit des nombreuses absences chez les Anglais, ça reste un match compliqué. Encore plus avec les absents, je suis tenté de dire. On est dans l’obligation de gagner. Les gens ne comprendraient pas autre chose qu’une victoire contre une équipe amoindrie. Psychologiquement, c’est très nerveux, un début de compétition. Tu dois être à 100% tout de suite.
Propos recueillis par Mathieu Faure