- Euro 2012- Quarts de finale
- Espagne/France
Revoir le sourire de Jérémy
Le bon souvenir bleu du premier tour est peut-être le sourire de Jérémy Ménez après son but contre l'Ukraine, qui a assuré la première qualification française pour les quarts d'une grande compétition depuis le Mondial 2006. De quoi chiper une place de titulaire et voir venir ?
Il est amusant d’observer Denis Balbir, le sourire aux lèvres, promettre avant la rencontre un match au scénario facile et évident, puis, en fin de partie, rejoindre, agacé, son compère et ressortir les lieux communs journalistiques populistes sur l’envie et le « je-m’en-foutisme » des Bleus. Alors que la France semblait basculer dans une spirale positive après sa jolie victoire contre l’Ukraine, elle est retombée dans ses vieux travers contre la Suède, il est vrai. Mais, dans ce nuage d’excès en tous genres, il convient simplement de reconnaître les progrès entrevus lors des deux premiers matchs (circulation de balle, quelques séquences de très bonne facture) et de signaler un relâchement coupable – le plus dur étant derrière – contre les coéquipiers libérés et sans pression de Zlatan. Pas plus, pas moins.
Dans cet ascenseur émotionnel patriotique, les hommes clés du succès ukrainien, et absents remarqués hier, Yohan Cabaye et Jérémy Ménez, paraissent du coup indispensables à l’heure d’affronter l’Espagne. Car la qualification bleue doit beaucoup à ces deux joueurs. Et au Parisien qui, en ouvrant le score, a retiré un poids énorme des épaules d’une équipe pleine de traumas. Pour preuve, son action limpide a été suivie par un autre but dans la foulée, sous forme de confirmation. Le but de Ménez est finalement celui que les Bleus attendaient pour mener au cours d’un match de phase finale depuis perpète. La finale France-Italie de 2006, pour être précis. Il n’est pas arrivé en 2008, pas arrivé en 2010. Il est arrivé en 2012 et a permis de valider les progrès entrevus. Tout à coup, tout l’édifice de Laurent Blanc est apparu un peu plus clair, plus cohérent et a pu basculer dans une nouvelle phase, celle d’un quart dans une grande compétition. Pas arrivé en 2008. Pas arrivé en 2010.
À droite toute
À droite dans le 4-2-3-1 qui a le mieux marché, Jérem’ n’a pas forcément rééquilibré le jeu français. Mais il a utilisé les lois de l’attraction et l’attirance du trio Benzema-Ribéry-Nasri pour l’aile gauche pour offrir un vrai contrepoids à la balance offensive française et profiter des espaces libérés. Dans cette configuration, l’équipe est parue un poil plus cohérente. Elle devrait d’ailleurs être reconduite samedi. Ribéry colle davantage à sa ligne, Benzema dézone, et Ménez a de la place. Si sa première mi-temps a été frustrante (but refusé, frappe qui flirte avec la barre) et si Jérémy a failli sortir expulsé avant la pause, il est resté costaud et a marqué peu après le retour des vestiaires sur un service de Benzema partant de la… gauche. Que cela arrive à Ménez, sans vouloir voir des symboles partout, est un joli clin d’œil du destin. Dans l’euphorie, il s’est même octroyé le droit de sourire. C’est dire.
La très bonne passe de Jérémy Ménez est à trouver dans son excellente saison parisienne. Longtemps passé pour un has-been de la promo 87, mieux que Yahaoui quand même, hein, mais loin derrière le précoce Benzema, Jérémy Ménez a pris le temps. Et sauté dans l’avion qatari pour faire décoller sa carrière. Bien lui en a pris puisqu’il a porté offensivement le PSG toute la saison avec Nenê et a fini l’année en boulet de canon. Buteur ou passeur, attaquant ou ailier, plus polyvalent, il a, cette saison, enrichi sa palette et appris à faire un peu le tri dans son jeu. Ses stats frôlent d’ailleurs le double-double : 7 buts et 12 passes. À 25 ans. Un bon âge pour se révéler, finalement. Contrairement à d’autres très bons joueurs de Ligue 1 mis en difficulté dans ce PSG nouveau (Sakho, Gameiro) et alors que les négociations semblent bloquées avec Nenê, lui devrait être à nouveau un titulaire indiscutable du PSG l’année prochaine, quelles que soient les recrues qui devraient débouler au Camp des Loges cet été. Enterré un peu trop vite, Ménez ne fait pas encore l’unanimité à l’échelon international. Normal, il le découvre tout juste et son jeu fait de recherche permanente d’élimination directe contient encore ses déchets et ses excès. Parfait pour continuer son ascension…
Antoine Mestres