- C1
- 8es
- Chelsea-Lille (2-0)
Retour aux affaires courantes pour le LOSC
S’il a remporté le match des tribunes, le LOSC n’a pu que courber l’échine sur la pelouse de Stamford Bridge contre un mastodonte qui répond au nom de Chelsea. Face à la froideur du champion d’Europe en titre, les Dogues n’ont pu faire mieux qu’aboyer de loin.
Au moment où retentit le coup de sifflet final, Jocelyn Gourvennec laisse s’exprimer la rage qui le traverse. Pendant une seconde, son corps s’est raidi et ses poings se sont serrés. Son LOSC vient de s’incliner à Chelsea en huitièmes de finale aller de C1. 2-0. Jusque-là, rien d’étonnant, ni de navrant. À Stamford Bridge, la Juventus en a par exemple pris quatre dans la musette fin novembre. Avant la rencontre, la seule crainte de certains supporters était que le LOSC ait des regrets ou ne joue pas totalement le match à fond. Par peur, certainement, de l’équipe récemment montée sur le toit du monde après avoir vaincu Palmeiras en finale de la Coupe du monde des clubs. À l’arrivée, le constat fait mal sans que l’on ne comprenne trop pourquoi : Lille n’a eu aucun regret et n’a jamais montré sa peur de l’autre. Mais au bout du compte, le club nordiste n’a jamais semblé en mesure non plus de rentrer dans la tête d’Edouard Mendy et de lui faire passer une soirée en enfer. Drôle de paradoxe.
Les maux Blues
On peut tout faire dire aux statistiques, et c’est pour cela qu’il faut s’en méfier comme de la peste : face à Chelsea, Lille a plus tiré que les Blues (15 fois contre 8), a attaqué plus de fois que son homologue londonien (50 fois contre 39) et a même terminé devant en matière de possession de balle (51% contre 49%). Pourtant, depuis les gradins du sublime écrin british, les fans anglais ont passé une soirée plutôt tranquille. Hormis quand Antonio Rudiger a renvoyé comme un pied le centre de Renato Sanches juste au-dessus de son gardien, les 38 832 spectateurs ont tous vu la même chose : Chelsea est une bête défensive qui n’attend que l’erreur pour se remplir la panse. L’homme qui incarne cette solidité presque irrationnelle ? Thiago Silva. À 37 ans, le Brésilien est toujours O Monstro et surtout l’un des chouchous de Stamford Bridge. Du début à la fin, par intermittence, des « Oh Thia-go Silva » sur l’air du rappeur anglais Dave sont descendus des travées pour ponctuer un contre, une tête, un dégagement ou une interception de l’ancien ténor parisien. Non, ce n’est pas pour rien que Chelsea est devenu le premier club anglais à avoir aligné cinq clean sheets consécutifs à la maison en C1.
Mais si les Blues ont pu dresser une muraille infranchissable, c’est aussi parce qu’ils étaient devant au tableau d’affichage au bout de huit petites minutes de jeu. Qu’ils ont eu trois occasions nettes de but, en plus de l’ouverture du score de Kai Havertz, dans le premier quart d’heure. Un énorme temps fort que regrettait ouvertement Benjamin André quelques instants après la rencontre : « On a encaissé ce premier but un peu trop vite. Il nous a fait mal en première mi-temps. Après, il y avait des possibilités de jouer, de faire des décalages. Mais prendre ce but sur une phase arrêtée, ça fait mal. Forcément. Quand ils mènent 1-0, avec leurs joueurs de qualité… » Tout devient plus compliqué. Derrière, il n’y avait plus qu’à laisser venir le LOSC, le laisser prendre confiance, pour le broyer lui et ses petites certitudes fragiles d’un contre assassin. Christian Pulisic, 2-0. « On a joué, attaqué, mais l’efficacité était de leur côté », soufflait Gourvennec encore à chaud. Dommage, car c’est bien ce qui compte à la fin.
La fin du rêve ?
Ce retour brusque à la réalité fait d’autant plus mal que le LOSC avait habitué les siens cette saison à se sublimer en Europe. Il avait su déjouer les pronostics à Séville et se qualifier brillamment à Wolfsburg. Au cœur de cette saison pour l’instant décevante sur le plan national, l’Europe était une bulle d’air pour le groupe lillois. Ce qui s’apparente au dernier déplacement de la saison aura permis à certains de se montrer sous leur meilleur jour, comme Renato Sanches. À une majorité d’autres, c’est l’écart qui existe entre eux et ce qu’il se fait de mieux ou pas loin collectivement sur le Vieux Continent qui a sauté aux yeux.
Pour les fans – même s’il reste encore la manche retour à jouer crânement du côté de Pierre Mauroy -, c’était l’occasion de revivre par séquence ces folles soirées de la saison du titre acquis l’an dernier. Celles auxquelles on s’habitue trop vite. Quoi qu’il se passe le 16 mars prochain, il restera les souvenirs de cet après-midi passé à chanter et à boire des pintes de Pale Ale à la Earl’s Court Tavern, un pub à quelques rues du stade. D’avoir mis à l’amende à 1500 tout Stamford Bridge en chantant plus fort que les Anglais pendant 90 minutes. Personne ne sait pour l’heure quand le LOSC retrouvera ce niveau, peut-être jamais, mais toutes et tous pourront raconter en détail où ils se trouvaient à ce moment-là. Probablement que dans vingt ans, le match en lui-même sera évacué en fin d’histoire, comme une anecdote, du genre : « Bon, on avait perdu 2-0, mais on s’était bien marrés. » Peut-être que dans ces souvenirs, il y aura aussi cette voix du speaker local qui, en français, pressait les Lillois à regagner leurs bus à peine le coup de sifflet final arrivé. Une image naturelle de la conclusion de ce qu’a été le plus grand match européen disputé par Lille dans son histoire : un nécessaire et dur retour à la réalité. En attendant le 16 mars ?
Par Andrea Chazy, à Londres