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Rennes : Sulemana, Kamaldeen est presque parfait
Trois mois seulement après son arrivée à Rennes, Kamaldeen Sulemana, 19 ans, s'est fait un nom dans l'Hexagone en signant des buts et des prestations de classe. Une preuve supplémentaire des capacités d'adaptation bluffantes de l'attaquant virevoltant formé entre le Ghana et le Danemark, qui a préféré poser ses valises en Bretagne plutôt qu'à l'Ajax Amsterdam l'été dernier.
Dans l’espace visiteurs du stade Saint-Symphorien, deux supporters rennais ont la bouche ouverte et les mains sur la tête. Un peu plus loin, sur le terrain, même les coéquipiers de Kamaldeen Sulemana n’en reviennent pas. Ils viennent alors tout juste d’assister à un petit chef-d’œuvre de l’attaquant ghanéen permettant à Rennes de faire le break contre Metz à la 37e minute de jeu. La scène est aussi brutale pour ses adversaires qu’elle est formidable pour ses partenaires, installés aux premières loges pour assister au récital. Après deux duels gagnés par les Bretons, l’acteur principal hérite du ballon sur le côté droit de la surface, où il commence à faire danser sa victime Matthieu Udol, avant de lui glisser un petit pont dévastateur. La suite n’est pas destinée à être coupée au montage d’une future compilation Youtube, Sulemana trompant Alexandre Oukidja d’un violent pointard du droit faisant trembler la barre et les filets du portier grenat. Bim, bam, boum, la révélation rennaise de 19 ans a encore frappé.
Plus d’une heure après le but, Jonas Martin n’a pas sorti la langue de bois au moment de vanter les mérites de son copain en zone mixte : « Kamaldeen Sulemana, c’est un crack. C’est un joueur comme il n’y en a pas beaucoup dans les équipes. Il est capable de créer des situations tout seul, il n’a pas besoin de beaucoup de monde autour de lui. » Trois mois seulement après son arrivée en France et en Bretagne, le numéro 10 des Rouge et Noir a déjà conquis son monde, à commencer par son entraîneur Bruno Genesio. « C’est typiquement ses caractéristiques, ce but, se réjouissait le technicien du SRFC ce dimanche en conférence de presse. Il est enthousiaste, insouciant. Il va vite, il fait mal. Il est agréable à diriger, car il vient toujours à l’entraînement avec le sourire. Il nous donne beaucoup de plaisir. » Les plus gourmands répondront que c’est seulement le début.
Du Ghana au Danemark
Le Ghanéen ne sort pas de nulle part, il est même promis à un destin européen depuis son adolescence. Le petit Kamaldeen a fait ses gammes à l’académie Right to Dream, implantée au Ghana à près de 400 kilomètres de Techiman, la ville natale de Sulemana, où sont passés Abdul Majeed Waris, Mohamed Kudus, Yao Yeboah ou Kingsley Fobi. « Selon moi, c’est la meilleure académie en Afrique, expliquait récemment la nouvelle attraction du championnat de France face à la presse. On ne nous apprend pas seulement le foot, mais comment être un bon humain, un bon étudiant et un bon footballeur, c’est tout le package. Ils ont produit beaucoup de très bons joueurs et il y en aura d’autres dans le futur. » Mais le présent s’appelle Sulemana, fier étendard de l’académie rachetée début janvier par le grand groupe égyptien Mansour pour 130 millions de dollars et fondée en 1999 par Tom Vernon, ancien scout de Manchester United et propriétaire depuis 2015 du FC Nordsjælland, usine à pépites au Danemark. Le club basé à Farum, à une vingtaine de kilomètres de la capitale Copenhague, s’est naturellement transformé en point de chute idéal pour les meilleurs éléments de l’académie Right to Dream.
Ce n’est donc pas une surprise de voir le jeune Sulemana poser définitivement ses valises au pays de La Petite Sirène en février 2020, quelques semaines avant l’interruption du championnat causée par la pandémie de Covid-19. Ce qui ne l’empêchera pas de signer un premier contrat professionnel le jour de ses 18 ans (le 15 février) et de grappiller ses premières minutes sur les pelouses d’un pays qui ne lui est pas totalement inconnu, les bureaux de l’académie se trouvant au Danemark. « Je m’y suis rendu à 14 ans pour la première fois, racontait Sulemana. Puis, j’ai enchaîné les allers-retours entre le Danemark et l’académie. Je me suis rapidement adapté au système danois, ils parlent couramment anglais. » C’est donc sur les terres de Mikkel Damsgaard, formé à Nordsjælland, que celui qui aime se faire appeler Kamaldeen a commencé à se faire un nom en Europe, où il a réalisé une saison pleine en 2020-2021 (10 buts, 8 passes décisives en 30 matchs). « Souvent, je l’utilisais à gauche, mais quand il s’est développé, on a pu le replacer en numéro 9, avec plus de liberté, commentait Flemming Pedersen, son coach à Nordsjælland qui l’avait découvert au Ghana en 2017, à Stade rennais Online. Il pouvait avoir plus de situations, notamment entre les lignes, prendre la profondeur et devenir créateur de jeu. »
« J’ai senti que j’étais une priorité ici »
L’international ghanéen (5 sélections) n’a pas de temps à perdre, dans son évolution comme dans son adaptation. Après un peu plus d’une saison passée à écumer les pelouses danoises, son histoire européenne était amenée à prendre un nouveau tournant cet été. Dans le viseur de l’Ajax Amsterdam, Sulemana a finalement pris la route de l’Ouest et de la Bretagne pour des questions financières (le club néerlandais devait vendre pour acheter) et de temps de jeu. Ce que pouvait lui offrir le Stade rennais, qui a déboursé plus de quinze millions d’euros (bonus compris) pour s’offrir l’attaquant de 19 ans dont le nom se trouvait déjà dans les petits papiers du directeur technique Florian Maurice quand il était à l’OL. « Je savais que j’allais pouvoir jouer à Rennes. J’ai senti que j’étais une priorité ici et aussi que j’allais pouvoir jouer contre des grosses équipes comme le PSG, déroulait Kamaldeen. Je suis venu pour ce genre de match.(…)Lorsque j’ai déménagé ici, je savais que ce serait difficile pour moi. Mais pour le moment, je me débrouille bien. »
C’est le cas de le dire : au-delà d’avoir brillé contre Paris au début du mois (une passe décisive et un match infernal pour Achraf Hakimi), Sulemana réalise des débuts très convaincants dans l’Hexagone, où il avait seulement fallu 14 minutes pour le voir signer un but génial contre Lens lors de la première journée de la saison en cours. Depuis ce premier coup d’éclat, le Black Star a enfilé trois pions supplémentaires et livré quelques prestations remarquables sous le maillot rennais, malgré un petit coup de mou. Sans que cela ne puisse faire douter le troisième meilleur dribbleur de Ligue 1 après dix journées (à égalité avec Savanier avec 3,1 dribbles par match, derrière Neymar et Kylian Mbappé). Une arme offensive de luxe pour Rennes en l’absence de Jérémy Doku, encore blessé pour plusieurs semaines, et une recrue déjà saluée pour son sens du spectacle et sa capacité à faire frissonner le public du Roazhon Park. « Il est en train d’assumer et d’assimiler les charges de travail à l’entraînement et il arrive à exprimer toutes ses qualités pendant les matchs. Évidemment que maintenant il va être plus attendu, a tempéré Bruno Genesio à la veille du déplacement à Mura (Slovénie) en Ligue Europa Conférence. J’échange avec lui tous les jours, il a besoin du contact et de conseils, il est à l’écoute. Je suis confiant, c’est un garçon qui aime travailler, progresser, et qui a envie d’apprendre. » À table, le Kamaldeen est servi !
Par Clément Gavard
Tous propos recueillis par CG, sauf mentions.