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Rennes-PSG : pas de places pour les non-Bretons !
Pour le match Rennes-PSG, le Stade rennais a décidé de restreindre la vente de billets en ligne aux internautes résidant en Bretagne. Une mesure que le club justifie par des motifs à la fois sécuritaires et commerciaux. Saisie en urgence par l'avocat des supporters parisiens qui dénonce une mesure « discriminatoire », la CNIL doit se prononcer sur cette question dans les prochains jours.
Il y a tout juste un mois, So Foot revenait en détail sur une délibération de la CNIL datée du 31 janvier 2014 et passée inaperçue, dans laquelle la Commission nationale informatique et liberté restreignait très fortement les possibilités pour le PSG de constituer des listes de supporters indésirables, comme il le fait depuis au moins deux ans. Sophie Nerbonne, directrice de la conformité à la CNIL, avertissait même le club de la capitale : « S’il était établi que le PSG se mettait en contradiction avec le cadre des délibérations que nous avons adoptées, il pourrait alors être administrativement et pénalement sanctionné. » Dans un communiqué, la Ligue des droits de l’homme avait salué une « décision salutaire » venant « réfréner les tentatives du club de football de s’arroger le droit de trier les supporters sur des critères indéfinis et sans possibilité de recours » .
Manifestement, le Stade rennais n’a pas pris connaissance de cette délibération, puisqu’à l’occasion de la réception du PSG au stade de la route de Lorient, ce samedi, le club breton a décidé de limiter la vente en ligne, en s’appuyant sur un traçage des adresses IP (clairement annoncé sur leur site internet avant d’être retiré), aux internautes résidant en Bretagne administrative. Autrement dit, un tri des supporters en bonne et due forme. Une mesure qui rappelle d’ailleurs étrangement celle prise par la préfecture d’Ille-et-Vilaine, lors d’un match identique il y a trois ans. Grâce au même procédé, le préfet avait en effet annulé près de 250 billets de supporters parisiens pour un motif flou de sécurité publique.
« Discriminatoire et illégal »
Karim Houari, stadium manager du Stade rennais, tient néanmoins d’emblée à dissiper tout malentendu : « La préoccupation du club n’est pas d’ostraciser les supporters du PSG, mais d’optimiser la sécurisation de la rencontre tout en donnant une priorité d’achat à notre zone de chalandise, donc à nos supporters. » L’argument est imparable, d’autant qu’il est justifié par un impératif de sécurité publique et par les recommandations des pouvoirs publics : « Lors de réunions préparatoires de sécurité, la Division nationale de lutte contre le hooliganisme (DNLH) et la préfecture nous ont demandé de prendre des dispositions pour éviter que les supporters parisiens ne puissent se regrouper dans un contre-parcage.* »
Les mesures ont bien été prises, mais celles-ci sont-elles légales ? Non, selon Cyril Dubois, avocat de plusieurs supporters parisiens, pour qui il est « discriminatoire et illégal de réserver une certaine forme de vente à une population donnée en raison de sa situation géographique » . Et d’ajouter : « Au fond, cette mesure ne vise qu’à écarter des supporters qui ne sont pas interdits de stade, mais qui sont susceptibles de contester la politique actuelle du PSG à l’égard de ses fans. » L’avocat a d’ailleurs saisi la CNIL en urgence : « Le traçage d’adresses IP est une mesure très encadrée par la commission et les circonstances actuelles ne sauraient le justifier. » L’institution a déclaré en fin de semaine dernière que le dossier était « en cours d’instruction » **. « On laissera la CNIL se prononcer sur cette question » , indique-t-on du côté du Stade rennais.
Impossibilité de prendre des places
Dans un communiqué publié début septembre, l’Association de défense et d’assistance juridique des interdits de stade (ADAJIS) s’est félicitée, dans un premier temps, d’avoir obtenu une « première victoire » avec la décision initiale de la CNIL, restreignant très fortement les motifs pour constituer des « listes noires » de supporters : « C’est précisément ce que nous dénonçons depuis quatre années maintenant, sans jamais être entendus. (…) Nous sommes interdits d’entrer au stade sans aucun motif, simplement parce que nous figurons sur une liste que le PSG n’a jamais reconnu avoir constitué. » Comme nous l’avions indiqué dans une enquête sur le sujet en novembre dernier, ces annulations de places – voire carrément l’impossibilité de prendre des places – valaient aussi bien pour des matchs au Parc des Princes que pour les rencontres à l’extérieur du PSG (nous avions relaté les annulations abusives de places auxquelles avait procédé Évian Thonon Gaillard en avril 2013, là encore sur des instructions de la DNLH). L’association de supporters parisiens a donc logiquement attiré l’attention sur la décision prise par le Stade rennais.
Depuis deux ans, certains clubs de Ligue 1, suivant les requêtes de la DNLH, n’hésitent pas à prendre des mesures, parfois à la limite de la légalité. Évian Thonon Gaillard avait été condamné pour l’annulation abusive d’un billet d’un supporter parisien lors du match ETG-PSG. Selon Cyril Dubois, « aucun service de police n’a le droit de demander à une société privée d’enfreindre la loi. Et là, en l’occurrence, s’il s’avère que mes clients ont été empêchés d’assister au match, on saisira les tribunaux et on demandera des dommages et intérêts. »
Par Anthony Cerveaux
* Le parcage est la zone du stade réservée aux supporters adverses.
** À l'heure où nous publions, la CNIL n'a pas encore communiqué sa décision.