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Le jour de Bourigeaud
Son penalty transformé face à Pau Lopez était une cerise sur le gâteau d'un dimanche spécial pour Benjamin Bourigeaud. Une semaine après avoir fêté sa 300e apparition sous le maillot du Stade rennais, le chouchou des Rouge et Noir a été célébré par le public breton, qui lui confère déjà le statut de légende rennaise.
Il ne pouvait pas en être autrement, ce dimanche après-midi, au Roazhon Park. Le héros du jour Benjamin Bourigeaud, célébré en grande pompe une semaine après avoir fêté sa 300e cape sous le maillot rennais, a pris de la hauteur. Il venait de transformer son penalty face à Pau Lopez, quand il a grimpé sur un panneau publicitaire, les bras en croix devant la tribune Mordelles, offrant une photo comme un tableau qui devrait devenir le fond d’écran préféré de nombreux supporters rennais. « Il a été déterminant, comme souvent, et il confirme ses statistiques incroyables depuis le 1er janvier (9 buts, 5 passes décisives). C’est le milieu de terrain le plus efficace d’Europe en 2024, ça veut dire beaucoup de choses, rappelait son entraîneur Julien Stéphan après la victoire de Rennes contre l’OM. En plus des stats, il a une vraie influence sur le jeu de l’équipe, avec et sans ballon. Vous avez pu voir tous ses efforts défensifs pour déclencher la pression. Il est tellement bien en ce moment. »
14e minute, le bon moment pour l’hommage à Bourigeaud : « Arrivé un été pour le renouveau du SRFC, 300 matchs après Bourige légende du SRFC ». #SRFC pic.twitter.com/32StXUJPGr
— Clément Gavard (@Clem_Gavv) March 17, 2024
C’est pour toutes ces raisons, bien au-delà des chiffres, que les Rennais aiment Benjamin Bourigeaud. Le Rouge et Noir d’adoption a eu le droit à son hommage à la 14e minute – comme son numéro – de la rencontre, le moment choisi par le Roazhon Celtic Kop pour déployer une grande banderole « Arrivé un été pour le renouveau du SRFC, 300 matchs après Bourig’ légende du SRFC », accompagnée du chant en son honneur repris par tout le stade. Le principal intéressé confiait après la partie ne pas avoir trop eu le temps d’y jeter un œil, « il y avait beaucoup d’intensité, il fallait rester focus ».
Amour et chasse aux records
Il a pu savourer après le coup de sifflet final, menant le clapping de la victoire aux côtés de son fils Timao et recevant des mains des ultras rennais une bâche à son effigie, en guise de cadeau et qu’il a sorti de sa valise pour poser avec en zone mixte. « Franchement, je ne m’y attendais pas forcément. J’avais été prévenu hier que j’allais recevoir le maillot encadré des 300 matchs par le club, mais je ne m’attendais pas à un tel accueil, a-t-il commencé. Ce sont des émotions en plus, je les remercie. Ça montre aussi qu’il y a de l’amour à travers tout ça. Sept ans que je suis ici, sept ans qu’on partage la même passion avec les couleurs du club. On est tous ensemble, il n’y a pas que les joueurs, il y a les supporters, tout un club, tout un peuple derrière. » Même devant les micros, Bourigeaud la joue collectif.
Il a pourtant de quoi se mettre en avant à force de marquer l’histoire du Stade rennais, et ce n’est pas galvaudé de l’écrire ainsi. L’ancien Lensois incarne ce qui manque parfois dans le foot actuel, entre sa générosité sur le terrain et sa longévité au sein du club breton. Il est le 7e joueur à compter le plus d’apparitions avec Rennes (301, derrière Pierrick Hiard), le septième meilleur buteur (63 réalisations) et le comeilleur passeur (61 offrandes, à égalité avec Olivier Monterrubio), selon les chiffres du site d’archives Rouge Mémoire. En un peu moins de sept saisons, il a pris part à près de 95% des rencontres disputées par le SRFC, n’en manquant que 19 sur les 321 sur la période (15 véritables absences). C’est colossal, à l’image de ce début d’année où il s’impose comme le deuxième meilleur buteur français dans les cinq grands championnats derrière Kylian Mbappé (avec cinq penaltys, dont deux marqués contre l’AC Milan). Avec 13 buts, il a d’ailleurs déjà battu son record sur une saison depuis qu’il est professionnel.
Un septennat rennais
Bourigeaud sera « rennais à vie quoi qu’il arrive » et c’est aussi pour tout ça, pour ce lien qui dépasse parfois le foot, qu’il y avait eu de l’indulgence et de la patience lors de sa première partie de saison très moyenne, au cours de laquelle il avait alterné entre le milieu de terrain (où il a joué ce dimanche) et le poste de piston droit à l’arrivée de Stéphan. Il est bien connu aussi que le Ch’ti breton est un diesel et qu’il est souvent plus déterminant à partir du mois de janvier, ce qu’on peut regretter, même si ses entraîneurs n’ont jamais cessé de louer son importance dans l’équilibre du collectif. L’histoire entre le club breton et lui aurait pu ne pas durer sept ans : en 2019, Olivier Létang l’avait retenu face aux approches de Monaco ; en 2022, il n’avait pas eu les offres attendues, avant de décider de prolonger jusqu’en 2026 à Rennes.
Il y a eu la crainte chez Bourigeaud de l’année de trop et la peur que l’amour des gens ne finisse par s’estomper, car le foot peut ne pas avoir de mémoire. On imagine mal aujourd’hui comment cette histoire entre Rennes et son symbole pourrait mal se terminer. Prendra-t-elle seulement fin l’été prochain ? « Évidemment qu’on souhaite le voir rester, assurait Stéphan, qui lui avait retiré le brassard pour le donner à Steve Mandanda cet automne. Pour le Stade rennais, ce serait bien. C’est un joueur majeur, un moteur dans le quotidien et le week-end. »
Dans la ville, aussi, où il s’est parfaitement intégré avec sa famille. Bourigeaud joue pour eux, c’est ce qu’il dit, et pour tous les autres. « Si on remonte sept ans en arrière, je ne m’attendais pas à vivre autant de choses ici. Je profite parce qu’une carrière, ça ne dure pas très longtemps, déroulait-il. Je veux que les gens apprécient mon travail sur le terrain, donner du bonheur à ceux présents en tribunes et devant leur télé. Faire mon travail le mieux possible pour aider les petits à aimer le football, c’est l’image que je veux donner, c’est en tout ce que j’essaie de donner à mon fils et à mon futur enfant. J’espère continuer jusqu’à la fin de ma carrière pour entraîner un maximum de personnes à aimer le foot. » Voilà qui résume peut-être bien le joueur qu’il est devenu à Rennes, où il avait posé ses valises à 23 ans avec son visage juvénile et ses mèches blondes, pour grandir au même rythme qu’un club qui lui a déjà conféré le statut de légende.
Par Clément Gavard, au Roazhon Park
Propos recueillis par CG