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Rennes-Nantes ou la notion relative d’une rivalité
Pour la grande majorité des amateurs de foot, le vrai derby de l’Ouest se nomme actuellement Rennes-Nantes. Parce que la notion de rivalité est essentiellement rattachée au contexte sportif du moment, ainsi qu'à la taille de la ville.
Les moqueries ont débuté il y a déjà plus de quinze jours. Le 12 janvier exactement, quand la date et l’heure officielles de la rencontre ont été diffusées. Sur Twitter, le Stade rennais a dégainé en premier, postant une photographie de la tribune nantaise vide au Roazhon Park. Le cliché date de la saison dernière, lorsque les locaux menaient 4-0 à la pause et que les supporters adverses avaient préféré quitter le stade bien avant le coup de sifflet final. À peine une heure plus tard, le compte des Canaris publiait sa réponse : des images montrant leur salle de trophée bien décorée, avec une petite mention les accompagnant : « Tribune vide 45 minutes, vitrines remplies depuis toujours. Et vous ? » Pan, voilà le derby le plus célèbre de l’Ouest lancé.
.@staderennais Tribune vide 45 minutes, vitrines remplies depuis toujours. Et vous ? 😘 pic.twitter.com/113PC6DmfN
— FC Nantes (@FCNantes) 12 janvier 2017
« Cette rivalité entre les deux clubs, je la sens constamment, affirme Giovanni Sio, meilleur buteur de Rennes formé à Nantes et qui sera absent pour cette rencontre en raison de la Coupe d’Afrique des nations. Elle ne s’explique pas vraiment. En tant que Nantais d’origine, j’ai connu les derbys en jeunes. Et ce derby-là, en tant que joueur, on sait qu’on doit le gagner. C’est comme ça. Coup de chance pour moi : j’ai fait trois derbys avec Rennes, et je les ai tous gagnés. » Le décor est planté. Aujourd’hui, Rennes-Nantes représente une affiche assez exposée entre deux villes éloignées de 97 kilomètres à vol d’oiseau et qui met un coup de projecteur sur la partie ouest du pays. Les fans des deux camps se détestent et les médias s’emparent régulièrement du sujet pour attiser les rancœurs.
Pourtant, considérer cette rencontre comme LE derby de l’Ouest pourrait faire hurler certains. En effet, pourquoi Guingamp-Lorient (deux communes séparées de 90 kilomètres), Brest-Lorient ou Nantes–Angers ne pourraient pas lui disputer cette qualification ? Géographiquement, cela prendrait tout son sens. D’autant que sur le papier, Nantes ne fait même pas partie de la même région que son ennemi. « Je dis souvent que les Nantais ne prennent que les bons côtés de la Bretagne » , ose au passage Serge Le Dizet, qui ne va pas se faire que des copains. L’entraîneur adjoint d’Angers, qui est né à Douarnenez (dans le Finistère) et qui a joué à Quimper et Rennes avant de coacher Nantes, continue : « Ils sont bretons quand ça les arrange, quoi. Pour moi, Rennes c’est la Bretagne, et Nantes, ça dépend de quelle population on parle ! » Alors, comment expliquer cet entrain pour faire de Nantes-Rennes le principal derby du coin ?
Deux grandes villes au même niveau
Ce débat concernant l’identité géographique joue justement son rôle. « Déjà, à mon époque, on disait que Rennes était la capitale de la Bretagne et que Nantes n’appartenait pas à cette région. Rien que ça, ça nourrit une certaine rivalité » , note Ulrich Le Pen, qui a joué à Rennes dans les années 90, puis à Lorient. De plus, il s’agit de deux grandes métropoles par rapport à ses voisines (ce sont même les deux plus grandes villes de l’Ouest). Forcément, avec respectivement 300 000 et 213 000 habitants rien que pour la population municipale, les foules sont plus à même de faire du bruit et de faire grandir l’événement comparés aux 150 000 Angevins, aux 139 000 Brestois, aux 57 000 Lorientais ou aux 7 000 Guingampais. Deuxième explication, et c’est la plus importante : un derby se construit en fonction des forces du moment. De sorte à ce que la forme de l’instant fasse irrémédiablement fluctuer l’intensité du duel.
Or, ces dernières années, malgré les descentes ou l’apogée de Guingamp, Angers et Lorient, ce sont bien Rennes et Nantes qui ont fait, en premier lieu, la pluie et le beau temps médiatique du football dans le Nord-Ouest. Ainsi, les tensions augmentent quand les deux teamjouent dans la même cour : « Aujourd’hui, la rivalité existe parce qu’on sent la place des deux clubs assez proches dans la hiérarchie du foot français, expose Le Dizet. C’est pour ça qu’actuellement, il y a bien plus de rivalité entre Nantes et Rennes qu’entre Angers et Nantes, ou qu’entre Angers et Rennes. Angers reste le petit club, alors que Rennes, de par son budget, et Nantes, de par son déclin sportif, se sont rapprochés. La notion de rivalité prend tout son sens maintenant. »
Rival par période ?
De là à dire que la rivalité « nanto-rennaise » est quelque chose de récent ? Pratiquement, répond Le Dizet : « Lorsque j’étais à Rennes, entre 1982 et 1985, puis entre 1987 et 1992, Nantes était largement au-dessus. Il s’agissait de l’un des plus gros clubs français qui terminait quasiment toujours européen. Alors que nous, on était en Ligue 2, et il nous arrivait, parfois, de monter dans l’élite. On était dans la difficulté. Et de mon point de vue, à cette époque-là, il n’y avait pas vraiment de rivalité. Idem quand je suis arrivé à Nantes en 1992. Par rapport à la valeur des deux équipes sur le moment, je n’ai pas ressenti une détestation des supporters d’une équipe pour ceux d’une autre. Il y avait trop de différence sur le plan sportif. » Conclusion : Si Angers ou Guingamp veulent s’immiscer dans le gros derby de l’Ouest, ils vont devoir attendre un peu. En enchaînant les bons résultats.
Par Florian Cadu