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Rennes, la culture du bordel
La nouvelle est tombée lundi matin : Sabri Lamouchi a été mis à pied par Rennes, un peu plus d’un an après son arrivée sur le banc breton. L’entraîneur franco-tunisien fait ainsi les frais de la gifle reçue dimanche contre Strasbourg et d’une première partie de saison décevante. En attendant un éventuel successeur, Julien Stéphan, le coach de la réserve, va assurer l’intérim. Joyeux bordel !
C’est l’histoire d’un éternel recommencement. L’histoire d’un club qui refuse la stabilité et la sérénité depuis maintenant plusieurs années. Ouf, les traditions ne se perdent pas, le football français est rassuré : le Stade rennais aura eu le droit à son psychodrame en 2019. Le troisième en moins de trois ans, tout simplement. La force de l’habitude. Depuis l’ère Frédéric Antonetti (2009-2013), les entraîneurs sont des fusibles prêts à sauter. Les précédents ? Un sketch en janvier 2016, quand Rolland Courbis débarquait comme conseiller, une semaine avant de remplacer Philippe Montanier sur le banc. Tout cela pour préparer le retour de Christian Gourcuff – le rêve du président René Ruello – et une fin de saison gâchée, cinq mois plus tard. Enfin, personne n’a zappé la tempête automnale d’octobre-novembre 2017, se concluant par la fin brutale du duo Ruello-Gourcuff (après quatre victoires consécutives), afin de laisser la place au couple Létang-Lamouchi. Pour une histoire d’amour qui aura débuté comme elle s’est terminée : par une défaite contre Strasbourg.
Discours de façade
Cette gifle assénée par les Alsaciens au Roazhon Park (1-4) aura eu le mérite de mettre les choses au clair. Non, le Stade rennais n’a pas changé, le club breton ayant décidé de continuer à entretenir cette culture du bordel qui lui est chère. « J’ai bien conscience que mon métier n’est pas si simple et qu’on juge les prestations et les résultats sur le travail de l’entraîneur. Et celui du Stade rennais, c’est Sabri Lamouchi, assumait le Franco-Tunisien dimanche soir. Donc je n’ai pas besoin d’une pression supplémentaire, on se doit de s’accrocher et de continuer à travailler. » Désolé, mais ça sera sans toi, Sabri. Le couperet est tombé moins de 24 heures après la débâcle avec sa mise à pied. Sauvage.
Une décision surprenante, mais finalement très prévisible. L’euphorie générale après la 5e place décrochée la saison dernière, synonyme de retrouvailles avec la Coupe d’Europe, n’aura pas duré en interne. Depuis maintenant plusieurs mois, la lune de miel entre Olivier Létang et Sabri Lamouchi est terminée, les deux hommes n’étant pas toujours sur la même longueur d’onde. Ainsi, le technicien aura eu le droit à une prolongation (officialisée le 3 juillet) jusqu’en 2020 seulement, avant de travailler sur un mercato lors duquel il n’aura pas toujours eu le dernier mot. « Avec les joueurs que nous avons, les prestations qui ont été les nôtres, la déconvenue de Lille, le match difficile contre Angers, tout ça nous laisse penser, et à moi en particulier, que les choses seront difficiles » , avait prévenu Lamouchi le 25 août. Bien vu.
Et les arrivées tardives d’Hatem Ben Arfa et M’Baye Niang n’auront rien changé. Les premières turbulences ont commencé début octobre, et Lamouchi s’était même dit « surpris par la violence des choses » après un succès salvateur en Principauté (2-1). Depuis, le natif de Lyon n’a jamais vraiment semblé à l’abri. Mais chacun de leur côté, Lamouchi et Létang – tous les deux à l’aise dans l’exercice de la communication – ont fait en sorte de ne pas nourrir le feu, même si le président délégué rennais ne s’est pas toujours empressé de venir l’éteindre devant les caméras. Et pourtant, ses propos tenus il y a exactement un mois paraissent désormais bien dérisoires : « Pour moi, ce qui était important, c’était de travailler dans le temps, l’unité et la stabilité, avait lâché Létang après le succès à Caen (1-2). Mais il y a des gens qui ne veulent pas nous laisser travailler tranquillement, qui insinuent des choses. Avec l’actionnaire, nous souhaitons travailler dans la confiance et la stabilité. Nous sommes très contents du travail réalisé par le staff et j’espère que nous allons pouvoir travailler plus tranquillement. » Bingo !
La question du timing
Rennes avait-il vraiment besoin de tout chambouler à trois semaines de la trêve hivernale ? Il faut dire que les Rouge et Noir réalisent quand même leur pire départ en Ligue 1 depuis la saison 2006-2007 (une 12e place avec 17 points après 15 journées). Puis, il y a aussi cette incapacité à enchaîner deux victoires d’affilée, une petite forme au Roazhon Park depuis le séduisant succès contre Bordeaux et les tâtonnements d’un Lamouchi perdu et incapable de trouver la bonne formule sur le rectangle vert. Malgré ces nombreux doutes, le SRFC n’est pas à la rue dans un championnat toujours aussi homogène et très incertain, pointant à 4 unités seulement de Strasbourg (8e) et comptant 7 longueurs d’avance sur Monaco (19e).
Et surtout, la bande à Sabri s’était donné le droit de rêver à deux nouveaux rendez-vous européens en février, en s’imposant à Jablonec (1-0) jeudi dernier pour s’offrir une « finale » – ou un 32ee pour les plus superstitieux – à la maison contre Astana. Une parenthèse enchantée et très attendue par les supporters rennais, dont le kop avait récemment affiché son soutien à Lamouchi en tribunes. Voilà dans quel contexte débarque Julien Stéphan (en intérim ?), entraîneur de la réserve rennaise depuis 2015 et récemment courtisé par Thierry Henry pour venir l’épauler à Monaco. Au programme : un mois de décembre surchargé avec un premier déplacement à Lyon mercredi, un match ultra décisif contre Astana la semaine prochaine et deux derbys contre Guingamp en L1 et Nantes en Coupe de la Ligue à venir. Une sacrée mission pour le fils de Guy et une opportunité pour le Stade rennais d’écrire son histoire avec un grand « H » sur la scène européenne. En attendant un nouveau psychodrame en 2020.
Par Clément Gavard