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- Finale
- Rennes-PSG (2-2, 6-5 tab)
Rennes, des nerfs pour la guerre
En s’imposant au bout du suspense face au PSG en finale de la Coupe de France (2-2, 6-5, tab), le Stade rennais est venu parachever une saison déjà réussie de bout en bout. Et l’ingrédient mystère de ce succès, c’est la force mentale dont les Bretons ont su faire part dans les moments les plus difficiles.
Cette semaine, Sabri Lamouchi était interviewé par le journal L’Équipe. Parmi les thèmes abordés, on lui a demandé son ressenti lorsque son aventure avec le Stade rennais a pris fin abruptement à la fin de l’année dernière. Réponse : « Ça a été violent. Violent, frustrant et injuste. C’était mon sentiment en décembre. Aujourd’hui, j’ai tourné la page et je souhaite le meilleur au Stade rennais. J’ai été accueilli là-bas comme nulle part. » Les mots sont durs, mais bienveillants.
Car au moment où Rennes dispute sa première finale de la saison à domicile face au FK Astana lors de la dernière journée de la phase de poules de Ligue Europa, l’ancien Auxerrois a servi de rampe de lancement à des Rouge et Noir qui ont surfé sur une vague d’allégresse tout au long de la saison. Depuis, l’épopée européenne a été courte, mais belle. L’élimination face à Arsenal était le fruit du manque d’expérience. Mais pour le public, le goût de la scène continentale fleurait aussi bon qu’une galette-saucisse toute chaude un soir d’hiver. L’Europe, ils voulaient la retrouver. Vite, très vite. Et quoi de mieux qu’une finale de coupe nationale pour décrocher la timbale ?
Un prophète nommé Stéphan
Malheureusement pour Sabri Lamouchi, son remplaçant Julien Stéphan a très vite attiré tous les yeux sur lui. Des yeux gourmands, curieux, passionnés. À l’image du public rennais qui n’a cessé de s’émerveiller devant sa jeune pépite des bancs de touche, capable pour sa première saison à la tête d’une équipe professionnelle de l’emmener en balade à Séville, à Londres et finalement à Saint-Denis. Les plus extrémistes des supporters bretons seraient capables de le déifier. Lui, sous ses cheveux impeccablement coiffés et sa chemise parfaitement repassée, refuse de verser dans l’enchantement irrationnel : « Je me méfie des louanges. Notre société et le monde du football peuvent détruire ce qu’ils ont encensé quelques instants plus tôt » , confie-t-il ainsi au Monde juste avant la finale que s’apprêtent à disputer ses garçons. Dans la peau de l’outsider, comme d’habitude. « Nous aurons affaire à une équipe archifavorite. Une victoire serait un tremblement de terre. Une incroyable performance » , reprend-il sans fausse modestie.
Les jeux sont faits, rien ne va plus. Englué dans le ventre mou de Ligue 1, Rennes doit prouver qu’il a les ressources pour ne pas être un pétard mouillé pour qui la France entière se prend d’affection quelques semaines durant. Sauf qu’en vingt minutes, Dani Alves et Neymar viennent crucifier tous les espoirs de ceux qui aiment voir David battre Goliath. À ce moment-là, Paris affiche 81% de possession. Le Stade rennais s’embrouille et passe pour une équipe de petits garçons qui affrontent les grands dans la cour de récré. Mais une équipe qui a su renverser le Betis Séville, cinquième formation européenne en matière de possession, ne peut pas se laisser abattre aussi facilement. « Mon travail avant la finale ? Rassurer les joueurs. Rappeler nos belles victoires. Appuyer sur nos forces pour moins nous focaliser sur l’adversaire » , résume Julien Stéphan, toujours dans Le Monde. Ses joueurs ne sont pas des billes arrivées en finale par hasard. Voilà ce qu’a dû se dire M’Baye Niang au moment de toucher le poteau d’Areola. Avant de silencieusement remercier Kimpembe lorsque le champion du monde dévie quelques minutes plus tard ce centre d’Hamari Traoré dans ses propres filets, entretenant ainsi l’espoir de son peuple.
Mental d’acier
Malgré l’égalisation de Mexer, Rennes n’a terminé la partie en ne remontant « qu’à » 34% de possession de balle. Il fallait donc trouver autre chose que cela et les coups de pouce du destin (illustrés en toute fin de prolongation par l’expulsion de Kylian Mbappé). Et ce quelque chose, c’est le mental. Un mental d’acier, couplé à une assurance quant à sa valeur-propre à laquelle tout le monde croit, à commencer par Stéphan lui-même. Pendant que Tuchel bafouille en indiquant au quatrième arbitre les numéros de ses remplaçants, le tacticien rennais reste de marbre et encourage son onze de départ à continuer sa mission. Pas une fois on ne devine la possible entrée en jeu de l’un des sept remplaçants annoncés sur la feuille de match. La recette fonctionne, continuons de la déguster comme telle. Seul James Léa-Siliki vient remplacer l’excellent Bourigeaud à cinq minutes de la fin de la prolongation. Dans le même temps, Paris perd les pédales en faisant entrer Diaby à la place de Dagba pour cinq petites minutes, avant que le Titi ne soit remplacé par un autre gamin de la capitale : Christopher Nkunku. Avec la réussite qu’on lui connaît lors de la séance des tirs au but.
Était-ce parce qu’il jugeait son banc trop limité que Julien Stéphan n’a pas procédé à davantage de changements ? Ou bien était-ce parce que l’alchimie avec ses « onze chiens » , pour reprendre une expression signée M’Baye Niang, fonctionnait à merveille ? On serait tenté de pencher pour la deuxième option, surtout lorsque Rami Bensebaïni indique à son entraîneur qu’il peut continuer à faire front aux assauts parisiens alors qu’il semble souffrir de crampes en fin de match. Au bout, cette finale des Rennais n’aura été qu’une montée en puissance continue, défiant tous les pronostics, statistiques et hiérarchies. Profiter de ses temps fort sans craquer dans ses temps faibles, voilà la synthèse de la saison du Stade rennais. « Je préfère le pragmatisme au rêve. Le présent au futur. Je veux profiter des moments à vivre plutôt que d’en espérer d’autres. C’est ma manière de me protéger » , rappelait Julien Stéphan avant la finale. Il est désormais temps pour lui, ses joueurs et son public de manger leur pain blanc. Même si au fond, chacun sait là-bas que la farine de blé noir reste plus savoureuse.
Par Julien Duez, au Stade de France