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René Girard : « Vardy ressemble au Giroud de Montpellier »

Propos recueillis par Eric Carpentier
9 minutes
René Girard : « Vardy ressemble au Giroud de Montpellier »

Depuis Vauvert, René Girard embrasse le football français et européen de son expertise. Où il est question des médias, de Bielsa, de Jardim, de Ranieri et même de Toulouse.

Votre image, votre relation avec les médias peut-elle affecter votre travail au quotidien ?Au niveau du travail, il n’y a pas de souci. Le plus important, c’est mon groupe, c’est très simple, il faut le faire avancer. Après, autour, c’est autre chose, c’est une autre équipe à gérer. Au sein du club, il y a d’autres personnes qui ont d’autres fonctions, c’est compliqué de gérer une équipe et de devoir se méfier de ce qui se passe autour. Mais avec les joueurs, il y a toujours eu une osmose, je n’ai jamais eu de problème de groupe qui lâche, qui se révolte. Au contraire, j’ai toujours été dans la sincérité. L’honnêteté et la rigueur ont toujours été des choses vivantes entre le groupe et moi-même. Alors, pourquoi changer ? Changer par rapport à quoi et par rapport à qui ? On vient vous chercher pour gérer une équipe, pour avoir des résultats. Vous les avez, je vois pas pourquoi je changerais. C’est quoi la communication aujourd’hui, dites-moi ? Je me pose beaucoup de questions sur la communication. Est-ce que c’est dire amen, être un béni oui-oui, raconter n’importe quoi, sortir avec les gens pour être bien avec eux ? On ne peut pas avoir son caractère, sa vie, sa façon de gérer, sans toujours être jugé ?

Avez-vous l’impression d’être sous-estimé ?Pfff… Qu’est-ce que je pourrais dire ? Je ne veux pas me mettre en avant, mais, voilà, en 6 ans, ce qu’on fait à Montpellier, à Lille, je pense que c’est pas mal quand même. Au niveau des résultats, on ne peut pas dire que les équipes que j’ai dirigées n’étaient pas performantes et compétitives, bien au contraire. Après, la frustration que je peux avoir, c’est le manque d’objectivité par des gens qui disent connaître le football. On n’est pas là pour faire copain-copain. On est là pour avoir des résultats, pour avancer, pour être le plus performant possible. Là-dessus, personne ne peut m’en vouloir ou me dire le contraire : mes équipes ont été performantes au-delà de ce qu’on pouvait espérer. L’objectivité, c’est quelque chose d’important, difficile à acquérir pour certaines personnes. Peut-être parce que quand on a envie d’aimer, on aime, et quand on a envie de valoriser ou de soutenir quelque chose, on le fait, même si ce n’est pas justifié. Bon, on fait avec, je continue à avancer, il me reste quelques années à le faire et je vais le faire.

La reconnaissance pour un garçon comme Jardim, il l’a dans notre profession. C’est quelqu’un que j’apprécie beaucoup, qui amène son équipe à jouer comme il l’entend, qui est performant, et qu’on n’aime pas toujours !

Ressentez-vous une différence de traitement par rapport à Bielsa, par exemple ?On ne se compare à personne, ce n’est pas le but, mais on dit : « Bielsa, c’est extraordinaire. » Je dis OK. OK, j’ai pris du plaisir en voyant jouer son équipe, tout ça. Mais à l’arrivée, y a rien quoi, je veux dire, y a rien. Si c’est vous qui faites ça, on vous le met dans la gueule. Voilà, c’était extraordinaire, c’était un mec qui a apporté de la fraîcheur, autre chose… Mais bon, il faut aller au bout des choses, et quand on regarde la carrière, à un moment donné, faut être gentil. C’est quelqu’un d’attachant, on sent que c’est quelqu’un qui vit le truc, mais prenons l’exemple d’un entraîneur français qui arrive avec 8 ou 10 points d’avance à la trêve et qui finit avec autant de retard… Je vous laisse imaginer un peu ce qu’on peut en dire…

L’OM ne vous a pas appelé pour avoir des résultats ?Ils ne m’ont pas appelé, non, pas du tout. Mais à Marseille, ils ne veulent que des grands entraîneurs. En tout cas, des entraîneurs étrangers. C’est Labrune qui l’avait dit, il veut un entraîneur étranger, donc voilà, la question ne se pose plus et je n’ai pas été contacté, du tout.

Sentez-vous une méfiance de la part des entraîneurs français vis-à-vis de leurs homologues étrangers en Ligue 1 ?Il y a des entraîneurs étrangers qui viennent en France, mais je ne sens pas un rejet de la part des entraîneurs français envers les entraîneurs étrangers. La reconnaissance pour un garçon comme Jardim, il l’a dans notre profession. C’est quelqu’un que j’apprécie beaucoup, qui entre dans une catégorie d’entraîneurs sobres, discrets, qui font bien leur boulot, qui amènent leur équipe à jouer comme ils l’entendent, qui sont performants, et qu’on n’aime pas toujours ! Il a été critiqué, mais je ne pense pas que ce soit de la part d’entraîneurs. Il est efficace, son équipe a beaucoup bougé, il doit reconstruire en permanence, ce n’est jamais simple.

Je crois que cette équipe de Leicester est en train de prendre le chemin de Montpellier. Quand on les voit jouer, il y a cette même fraîcheur.

Il y en a un passé par chez nous qui réussit pas mal, c’est Claudio Ranieri. En début de saison, vous disiez : « Il n’a rien révolutionné non plus. Seulement, ça reste un nom et il a une réputation. » Toujours de cet avis ? Parce qu’il était passé là-bas, il avait un nom, mais il n’avait rien révolutionné ! Il venait de faire une saison avec Monaco où il avait été pas mal secoué. On disait qu’il n’avait pas un football extraordinaire, que c’était pas ci, que c’était pas ça. Le destin veut qu’il retourne en Angleterre. Mais avec Chelsea, je ne me rappelle pas bien, mais je ne pense pas qu’il ait cassé la baraque. Mais ça se passe super bien, ça veut dire que tout est possible dans le football. Il fait son bonhomme de chemin. C’est un mec respectable qui a la grande classe, Claudio Ranieri, et il est en train de faire quelque chose avec cette équipe… Je dirais une aventure plus humaine que footballistique.

On peut comparer le Leicester 2016 au Montpellier 2012 ? Vous pensez qu’ils vont aller au bout ?J’espère qu’ils vont aller au bout ! Aujourd’hui, l’argent est un vecteur très important, les grosses cylindrées ont des budgets monstres, c’est ce qui fait la différence. Je crois qu’on avait fait un peu la « ninique » au grand Paris qui commençait à arriver. Personne ne croyait en nous, et on est allés au bout sans bruit, sans s’occuper des autres, en se disant « Pourquoi pas nous ? » Et je crois que cette équipe de Leicester est en train d’en prendre le chemin. Quand on les voit jouer, il y a cette fraîcheur. C’est une équipe qui ne faiblit pas, qui est présente. Devant, ils ont un joueur, comment il s’appelle… Vardy, qui ressemble un peu à Olivier Giroud dans la saison qu’il avait faite à Montpellier, extraordinaire. Il va finir certainement meilleur buteur du championnat (19 buts, 3 de mieux que Lukaku et Kane, ndlr)… Donc oui, je pense que c’est une équipe qui peut aller au bout. Mais ils ont des costauds derrière hein. Ils vont pousser dur à la porte et ça ne va pas être simple. Mais j’aimerais qu’ils aillent au bout.

S’il remporte le titre, on pourra dire qu’il a révolutionné quelque chose ?Ah oui, bien sûr, on dira qu’il a fait quelque chose d’exceptionnel. On peut analyser sur le moment les choses qui se passent, quand je dis ça, il ne s’est rien passé d’extraordinaire. Ce n’est pas pour ça que je critique ou que je n’apprécie pas le travail qui est fait par ces gens-là. Quand on parle de Ranieri, de Jardim, par rapport à Mourinho, par rapport à celui qui est à l’Atlético ? Bref, ce sont des gens qui sont plus effacés, qui font leur boulot et qui, à un moment ou un autre ont la récompense qu’il faut. Il n’y a pas de sous-entendu de ma part sur la qualité de ces gens-là.

Pour la 3e place, d’après ce qu’on voit ces derniers temps, je dirais Saint-Étienne, mais je vois bien les Nantais ou les Niçois venir troubler un peu ça.

En parlant de Simeone, vous suivez les championnats étrangers ? Vous vous déplacez ?Je n’exagère pas non plus, l’important c’est d’en retirer quelque chose. Je suis allé à Barcelone, je suis allé à Toulouse plusieurs fois, Nîmes, Montpellier, c’est déjà pas mal. C’est pas parce que je vais aller voir 300 matchs dans la saison que ce sera mieux que si je vais en voir que 20. L’essentiel, c’est d’en garder quelque chose et de pas se mélanger les pinceaux (rires). Pour revenir sur Simeone, je me dis : « Qu’est-ce qu’on dirait si j’étais comme ça ? » Ils sont là, ils sont dans le tiercé en Espagne, ce n’est pas rien, après le Barça et le Real il y a d’autres équipes qui sont pas mal aussi. Le football anglais, aujourd’hui, avec beIN, on a tout ce qu’il faut (sic). Le championnat allemand est très intéressant aussi, mais il y a beaucoup trop de différences, il y a des résultats incroyables, des 4, 5, 6–0… Bon, une fois de temps en temps, ça va, mais faut pas non plus exagérer ! (rires) Il y a notre championnat, dans lequel on a été élevés. Je suis la D2, surtout mon équipe de cœur (Nîmes, ndlr), où j’ai été formé et qui fait une saison exceptionnelle. Je ne manque pas un match ! Je suis à côté et j’apprécie le travail qu’ils font.

Quand on voit le classement en Ligue 1, viser plus haut, même pour Lille et Montpellier, c’est un argument que vous utiliseriez ?Sept points (entre Lille, 12e, et Nice, 3e, ndlr), ça commence à faire à 12 journées de la fin. Mais je ne sais pas les calendriers des uns et des autres. Lille, ils ont fait deux derniers bons résultats, donc oui, ça peut être quelque chose d’intéressant pour la fin de saison. Il faut regarder devant, si on regarde derrière, on est cuit. Faut regarder devant surtout quand… Une équipe comme Angers, sur la dynamique sportive, est plus en difficulté. Là, ils ont 37 points, donc c’est pas le cas, mais si on se retrouve avec 3 ou 4 points d’avance sur les relégables, ça peut mettre la chtouille. Mais quand même, l’Europe, ça va être compliqué. Sainté va finir fort, Monaco va finir fort, qui est-ce qu’il y a encore ? Nice qui est là qui va aller au bout. Ça va être une fin de championnat très disputée. Faut pas oublier les Nantais qui sont là. Pour la 3e place, d’après ce qu’on voit ces derniers temps, je dirais Saint-Étienne, mais je vois bien les Nantais ou les Niçois venir troubler un peu ça. Les Lyonnais, d’après ce qu’ils nous ont montré à Lille, ça va être très compliqué.

Viser plus haut, c’est votre objectif personnel ?Je suis là pour faire le métier. J’ai vécu de super moments à Montpellier, à Lille, et je n’ai pas perdu mon ambition, rien du tout, ne le croyez pas ! (rires) Gentiment, humblement, mais je n’ai pas perdu mon ambition de vivre quelque chose de fort. Pour avoir une belle équipe, faut avoir les moyens, c’est certain, mais c’est une aventure humaine aussi, de groupe, de joueurs qui ont envie de vivre quelque chose ensemble. Je continue à y croire, même si le reste prend le pas aujourd’hui. Mais j’espère que j’aurai l’opportunité de m’exprimer encore là-dedans.

Dans cet article :
Coupe de France : Montpellier sans ses supporters au Puy
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Propos recueillis par Eric Carpentier

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