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René Girard : « Des gens se sont occupés de mon CV »

Propos recueillis par Eric Carpentier
9 minutes
René Girard : « Des gens se sont occupés de mon CV »

Depuis son Gard natal, René Girard garde un œil affûté et le verbe percutant quand il s'agit de parler de football. Regards sur Montpellier, Lille, les médias et ses oliviers.

Comment s’est passé l’hiver à Vauvert ? Les oliviers vont bien ?(rires) Ça va bien, ça va bien. Un hiver doux, surtout dans le Sud ! (rires) Les oliviers vont bien, ils ont eu les derniers traitements ce matin à la bouillie bordelaise, donc on prépare la prochaine récolte. Sinon, sur le plan boulot, c’est un peu ce que j’avais prévu, une année sabbatique, prendre un peu de recul sur les événements. C’est toujours bien, quand on a un temps mort dans ce métier, de rentrer chez soi plutôt que de trimbaler ses valises à droite à gauche. J’ai besoin de cet équilibre, c’est important pour moi. Maintenant que le mercato d’hiver est passé, on replonge de l’autre côté. Préparer les jours qui viennent, les saisons qui viennent, c’est maintenant. Avec les gens qui s’occupent de moi, on se penche sur l’avenir.

Ce n’est pas exactement le discours de quelqu’un qui aurait coupé du foot ?Ah mais je ne suis pas sorti du foot du tout, hein ! Je m’y attendais un peu, ce n’est pas facile de sauter d’un club à l’autre si on n’a pas une opportunité ailleurs avant de partir. Je savais qu’il me faudrait attendre une saison. C’est une saison qui a pas mal bougé pour des clubs plus ou moins bien classés, il y avait des challenges que je n’avais pas forcément envie de relever, dont celui de Montpellier, le plus ouvert. On m’a demandé de revenir au club, j’ai estimé qu’on avait vécu quelque chose ensemble, c’était bien, mais c’était mieux de ne pas replonger dans quelque chose de compliqué. On parle de retraite, mais on est des blagueurs dans le Sud ! Au contraire, j’ai une pêche intacte, j’ai encore envie de relever un challenge ou deux avant de raccrocher complètement. J’ai vraiment envie d’avoir une belle expérience. Donc voilà, j’attends un peu, j’attends qu’elle se présente.

Comment ça se passe, une recherche de boulot pour un entraîneur ?On travaille, on bosse, j’ai une société qui s’occupe de moi, on regarde ce qui sera le mieux, ce qui me conviendra le mieux. C’est important. À tout âge, on a des envies d’expériences, et elles ne sont pas les mêmes à 40 ans qu’à 60. On sait que le football n’est pas quelque chose de simple, mais ça ne me dérange pas. L’envie, la détermination est toujours la même.

À Lille, on perd Salomon et je souhaitais qu’il soit remplacé. Et au contraire, on perd Souaré, il y a la vente sans vente d’Origi qui était là sans être là, tout en étant parti. À un moment donné, faut savoir ce qu’on veut.

Après Montpellier et Lille, vous aimeriez trouver un club qui a les moyens de ses ambitions ?Ce n’était pas une question d’ambitions à Montpellier. On a vécu quelque chose de merveilleux. La première année, on finit 5es. Il y a la finale de la Coupe de la Ligue, un titre, la Ligue des champions… Ces 4 années vraiment ont été bien remplies. Sportivement, j’ai eu ce qu’un entraîneur doit attendre. J’ai été un peu plus déçu à Lille, avec des objectifs plus ou moins fixés qui, au fil du temps, se sont égrainés comme une peau de chagrin. C’est ce qui m’a fait prendre une décision la 2e année, je ne me sentais pas suivi et soutenu dans ce qui était prévu au départ. Mais c’est le football, hein. Dans la vie, on suit ou on ne suit pas, et si on n’est pas d’accord, on fait autre chose. Tout le monde en tire profit parce que, de pas être complètement dans la page qu’on doit remplir, ce n’est pas bon. C’est un métier qui demande beaucoup d’énergie, d’investissement, de gestion, de management, on ne peut pas s’éparpiller.

À Montpellier, Giroud part après le titre. À Lille, vous perdez Kalou alors que vous êtes qualifiés pour les préliminaires de la Ligue des champions. Vous avez l’impression que l’histoire se répète ?C’est toujours le souci des clubs qui sont, sans être péjoratif, moyens. Qui n’ont pas les moyens de leur succès et de la réussite de certains joueurs, ce qui amène leur départ. C’est automatiquement la punition. Oliver est parti de Montpellier, c’était prévu. Au lieu de jouer la Ligue des champions avec nous, il l’a joué contre, puisqu’on est tombés sur Arsenal en poules. Il aurait mieux valu l’avoir avec nous, mais c’était prévu. À Lille, la perte de Salomon… Oui, je souhaitais qu’il soit remplacé. Et au contraire, on a perdu Souaré, il y a eu la vente sans vente d’Origi qui était là sans être là tout en étant parti. À un moment donné, faut savoir ce qu’on veut. Les recrutements n’avaient pas toujours la qualité pour franchir un cap, ou au moins rester dans le standing dans lequel Lille s’était installé. Faut constater que je n’ai pas eu ce que j’attendais. Il y a eu plusieurs avants-centres contactés, Sigthorsson qui joue à Nantes aujourd’hui, un que j’oublie, enfin des joueurs qu’on aurait pu faire venir et qui, au dernier moment, ne sont pas venus parce que soi-disant un peu chers. C’est très simple, y a pas eu d’effort. Quand on veut gagner quelque chose, on ne se démunit pas, on se renforce. Ce n’était pas le cas.

C’est important, pour votre système, un avant-centre dont la mission est avant tout de marquer des buts ? À Lille, Kalou n’était pas toujours précieux dans le jeu…Mais c’est quoi, être précieux ? Le rôle d’un entraîneur est d’utiliser au mieux ses joueurs avec leurs qualités. Que ce soit Olivier à Montpellier ou Salomon à Lille, l’équipe tournait presque autour d’eux. On essaie de les rendre performants, de leur faire marquer un maximum de buts. Salomon était un attaquant de dimension internationale, un garçon qui valait entre 15 et 20 buts par saison. Il est encore en train de le prouver avec le Hertha Berlin, je crois qu’il est à 13 ou 14 buts (14 en 24 matchs toutes compétitions confondues, ndlr). Des joueurs qui vous font ça, il n’y en a pas des masses, on ne les remplace pas comme ça ! La première année avec Lille, on est 3es, et Salomon est une pièce essentielle dans le schéma. Après, il y a des joueurs de second niveau, bons collectivement, mais qui ne vous apportent pas le plus. Quand on veut franchir des caps, si on veut vraiment jouer l’Europe, il faut garder au moins certains joueurs.

Moi, j’ai ce gros défaut de dire ce que je pense comme je le pense, sans faire le faux-cul.

Vous avez été étonné de l’échec d’Hervé Renard, qui vous a succédé à Lille ?J’ai surtout été étonné par la rapidité, au bout de 13 journées. Souvent, ça dure un peu, on attend la trêve, on attend que l’équipe soit vraiment en difficulté. Hervé a découvert aussi que le football européen, les championnats, c’était pas l’Afrique, c’était pas facile. Il lui aurait peut-être fallu plus de temps pour s’adapter, on ne le lui a pas laissé. Michel Seydoux n’est pas quelqu’un à agir sur des coups de tête, il est très réfléchi. Il faut vivre dans le groupe pour savoir exactement ce qu’il se passe et je ne me permettrais pas de porter un jugement là-dessus.

Sur le banc du LOSC, un club réputé calme, il y a maintenant un Antonetti qui apparaît assagi. Quand vous êtes arrivé, vous a-t-on demandé de faire attention à votre comportement ?Quand on est venu me chercher, on savait qui j’étais, le caractère que j’avais, comment je gérais. Que je sache, je n’ai jamais tué personne ! Je vis un match, voilà, je suis un entraîneur comme ça. C’est ce qui m’a permis de faire ce que j’ai fait, de réaliser ce qu’on a fait. On a été champions, j’avais le même comportement, donc rien d’exceptionnel. On ne peut pas dire « fais comme ça. » Faut faire attention c’est sûr, faut pas déborder, faut faire attention à l’image. Mais l’image… Ça suffit pas de dire « faut avoir cette image-là » , faut être aussi capable de l’avoir en interne. C’est ce que je reprocherais à certaines personnes, de ne pas l’avoir eue. J’ai fait ce que j’avais à faire comme je sais le faire.

Vous ne changerez donc pas ?On est des garçons de tempérament ! Quand on prend tous les terrains d’Europe, on a Mourinho, Benítez, Laurent Blanc, Guardiola, Fred Antonetti, René Girard, Michel, Galtier, chacun a sa façon de voir les choses. Moi, j’ai ce gros défaut de dire ce que je pense comme je le pense, sans faire le faux-cul. C’est pas toujours quelque chose de valorisant, on a tendance à vous mettre une étiquette, c’est comme ça. À Lille, la 2e année, il y a des gens qui se sont occupés de mon CV, pas toujours à juste titre. Mais je pense pas que je vais changer mon comportement par rapport à ça.



À choisir, j’irais plutôt chez beIN Sports.

Vous faites allusion aux médias ?J’ai peut-être été un peu le bouc émissaire pendant quelque temps. Il y en a qui se sont occupés de ma promotion. À Paris, à la télévision, des journalistes bien connus, réputés, qui ont une grosse influence dans le football français, peut-être même mondial, s’occupent de vous décalquer. La 2e année, on a dit que j’étais très défensif, que je ne faisais pas jouer mes équipes… Certaines personnes du grand gotha du football français ont commencé à s’occuper de moi et on a décidé de dire qu’on ne pratiquait pas un beau jeu, que ça n’avançait pas. Et moi, je regarde, je regarde, et je dis qu’on aura l’occasion d’en parler à la fin de l’année, tout simplement.

Et vous avez eu l’occasion d’en parler ? Antonetti et Dupraz sont passés par la case consultant, ça ne vous intéresse pas ?Ça ne m’a pas été proposé. Les soucis que j’ai eus, c’est avec Canal Plus, donc je ne pense pas qu’ils viennent me demander. Bon, là aussi, il y a deux poids, deux mesures, mais c’est pas grave, les gens qui y sont font très bien ce qu’ils ont à faire. On ne peut pas s’imposer dans ce genre de choses. Je ne suis pas là pour forcer les choses, demander. Si on estime que je peux prendre le poste, oui, c’est quelque chose qui aurait pu me plaire, que j’aurais pu faire et qui ne m’aurait pas gêné. Ça n’a pas été le cas et, pour cette chaîne, je crois savoir pourquoi. À choisir, j’irais plutôt chez beIN Sports ! (rires)

Puisque vous n’êtes pas sur les plateaux parisiens, vous serez au stade de Montpellier ce samedi ? Un pronostic ?Je serai dans mon coin, mais j’y serai. Je ne vais jamais serrer des mains dans les loges, jamais. J’appelle mon ami Laurent (Nicollin, ndlr) qui m’a toujours très bien reçu et puis voilà, je vais voir les matchs. Là, c’est un match important pour les deux équipes, presque un match à six points. Ça va être un match âpre, entre deux équipes qui tournent pas mal en ce moment, qui ont retrouvé un peu de sérénité. Je pense que les Lillois sont capables de les gêner… J’ai du mal à déterminer un vainqueur, je vous dirais bien que ça va se terminer par un match nul, mais on va croire que je veux faire plaisir aux deux équipes. Allez, je dirais que Montpellier va gagner sur son terrain. Mais je n’en suis pas convaincu ! (rires)

Dans cet article :
Coupe de France : Montpellier sans ses supporters au Puy
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Propos recueillis par Eric Carpentier

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