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Renard : « L’Arabie saoudite est un vrai pays de foot »

Propos recueillis par Alexis Billebault
8 minutes
Renard : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>L’Arabie saoudite est un vrai pays de foot<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Onze mois après avoir dirigé sa sélection pour la dernière fois, en finale de la Coupe du Golfe face à Bahreïn (0-1), Hervé Renard l’a retrouvée samedi, en amical face à la Jamaïque (3-0). Avant les retrouvailles face aux Reggae Boyz mardi soir, le double champion d’Afrique explique les raisons qui l’ont poussé à changer de continent.

Onze mois sans match, cela a dû vous paraître une éternité…Ça a été long, en effet. La dernière fois que j’avais vu mes joueurs, c’était à Doha (Qatar), en finale de la Coupe du Golfe contre Bahreïn (0-1), le 8 décembre 2019. Puis il y a eu le confinement, l’arrêt des compétitions… Je me suis confiné au Sénégal, je suis passé par la France et je suis revenu en Arabie saoudite début août. Depuis, avec mon staff, nous avons sillonné le pays, assisté à 62 matchs. Je ne suis pas resté les bras croisés, mais j’étais heureux de retrouver le terrain, les joueurs, pour ces deux matchs amicaux. Évidemment, le contexte est particulier, avec ces rencontres sans public, mais c’était important de nous revoir, de travailler, pour préparer la suite, et notamment les qualifications pour la Coupe du monde 2022.

C’est pour atteindre cet objectif que vous avez accepté l’offre saoudienne ?Oui ! J’avais deux objectifs : d’abord, je voulais rester sélectionneur. Ensuite, je souhaitais changer de continent. Voir autre chose.

Je ne peux pas exprimer ce que je ressens quand je parle de l’Afrique, tellement c’est fort. J’ai gagné deux CAN, avec la Zambie et la Côte d’Ivoire en 2012 et 2015. Ce continent m’a donné ma chance.

Car vous estimiez avoir fait le tour de la question en Afrique ?Pas du tout ! On n’a jamais fait le tour de ce continent. J’y ai vécu des choses merveilleuses avec les joueurs, les dirigeants, les supporters. Je ne peux pas exprimer ce que je ressens quand je parle de l’Afrique, tellement c’est fort. J’ai gagné deux CAN, avec la Zambie et la Côte d’Ivoire en 2012 et 2015. Ce continent m’a donné ma chance. J’y retournerai sans doute un jour. Mais voilà, après avoir été l’adjoint de Claude Le Roy au Ghana, entraîné quatre sélections (Zambie, Angola, Côte d’Ivoire, Maroc), et un club (USM Alger), il fallait que j’aille voir ailleurs. Quand j’étais sous contrat avec le Maroc, la Corée du Sud m’avait sollicité. Après la CAN 2019, j’ai eu cette opportunité en Arabie saoudite, et j’ai accepté.

Sportivement, c’est un choix qui se tient…Absolument. Je ne suis pas arrivé n’importe où ! L’Arabie saoudite fait partie depuis longtemps des meilleures sélections asiatiques, elle a gagné plusieurs fois la Coupe d’Asie des nations (trois titres) et participe régulièrement à la Coupe du monde (cinq fois). Le niveau du championnat est bon, comme le prouvent les résultats des clubs saoudiens dans les compétitions continentales. Les clubs sont pour la plupart très bien structurés. Moi, ce qui m’a motivé, c’est l’objectif d’aller au Qatar en 2022. J’ai déjà vécu une Coupe du monde avec le Maroc, il y a deux ans. J’ai envie d’y retourner.

C’était le seul pays à vous le proposer ?J’ai eu deux autres propositions, une en Afrique et une en Chine, mais pour entraîner un club. J’aurais pu gagner deux fois ce que je touche en Arabie saoudite. Je ne dis pas que l’argent n’est pas important, car il permet de mener une vie confortable. Mais il ne rend pas forcément heureux. J’ai un très beau contrat ici, et un très beau projet. Je préfère gagner moins, mais avoir un magnifique objectif à atteindre que de prendre un énorme chèque tous les mois, mais ne pas vraiment m’épanouir dans mon travail. Je n’oublie pas que j’ai eu une carrière de joueur assez modeste. J’ai fait un seul match en Ligue 1 avec Cannes (en 1989-1990), j’ai surtout joué en D3… Je sais d’où je viens, et pour moi, la Coupe du monde, c’est quelque chose d’exceptionnel. Je n’ai jamais choisi la facilité, et ne croyez pas que ce soit le cas ici.

En Arabie saoudite, tout le monde veut se qualifier, car n’oubliez pas que la phase finale aura lieu au Qatar, un pays rival. Cela ajoute une pression supplémentaire.

L’Arabie saoudite est en effet réputée pour consommer un grand nombre de sélectionneurs depuis toujours…Je sais. J’ai un contrat qui court jusqu’en 2022, avec une option pour une année supplémentaire pour la Coupe d’Asie 2023. Je sais aussi que tout peut aller très vite. Seules quatre sélections asiatiques se qualifieront pour la Coupe du monde 2022, éventuellement une cinquième par le biais d’un barrage. Pour l’instant, nous occupons la deuxième place de notre groupe, derrière l’Ouzbékistan, avec encore quatre matchs à jouer. Rien n’est encore fait. En Arabie saoudite, tout le monde veut se qualifier, car n’oubliez pas que la phase finale aura lieu au Qatar, un pays rival. Cela ajoute une pression supplémentaire. Lors de la Coupe du Golfe, au Qatar, il y a onze mois, j’avais d’ailleurs bien senti un contexte particulier lors du match entre les deux sélections (victoire des Saoudiens 1-0), car il y a des tensions diplomatiques très fortes entre les deux pays. Il y a une grande rivalité. En plus, le Qatar est champion d’Asie. Cela dit, pour en revenir à votre question, j’ai l’impression qu’il y a une volonté de travailler dans la durée, de la part du président de la fédération, qui est arrivé peu de temps avant mois, et du ministère des Sports. Mais je n’ignore pas que je suis dans un pays où le sélectionneur national est très exposé… Vous savez, il suffit parfois de perdre un match, et tout s’arrête…

Vous découvrez le football asiatique…(Il coupe.) Et cela me rappelle par certains aspects l’Afrique ! Pour l’instant, à cause de la crise sanitaire, nous n’avons joué que quatre matchs en qualification pour la Coupe du monde. Ce sont des matchs âpres, très disputés. Pour aller en Palestine, par exemple, nous avions dû atterrir en Jordanie, faire près de six heures de route, pour jouer à Al-Ram, juste en face du mur construit par Israël, sur un terrain synthétique, face à une équipe hyper motivée (0-0). On a joué sur terrain neutre contre le Yémen (2-2), un pays qui est en conflit avec l’Arabie saoudite, là aussi face à des adversaires surmotivés. On gagne en Ouzbékistan (3-2), contre une belle sélection, dans une ambiance assez chaude aussi. C’est bien de vivre des moments comme ça. Rien n’est facile, mais c’est ce que j’aime. Ce goût du défi, de la découverte, je le dois beaucoup à Claude Le Roy.

L’Arabie saoudite est un vrai pays de foot. Il y a de très bons joueurs, de très bons entraîneurs étrangers qui y viennent, et ce n’est pas seulement pour l’argent. Les clubs sont très bien structurés, les stades sont modernes.

Le championnat saoudien, que vous connaissez désormais très bien, est-il d’un niveau tellement élevé pour qu’aucun joueur de votre sélection n’évolue à l’étranger ?C’est un bon championnat. Vraiment. L’Arabie saoudite est un vrai pays de foot. Il y a de très bons joueurs, de très bons entraîneurs étrangers qui y viennent, et ce n’est pas seulement pour l’argent. Les clubs sont très bien structurés, les stades sont modernes. Pour les joueurs saoudiens, ils ne partent pas, car ils sont tout simplement bien chez eux. Pour différentes raisons : sportives, car ils gagnent bien leur vie, ils peuvent espérer jouer des compétitions continentales avec les clubs, disputer la Coupe du monde. Et puis, il y a l’aspect culturel. Ils sont chez eux, dans un environnement qui leur convient, avec leur famille. Ce n’est pas à moi de leur dire qu’ils doivent à tout prix tenter leur chance en Europe. Si certains l’envisagent et me demandent conseil, c’est autre chose. Et puis, le pays s’ouvre. Il change. J’en discute avec des Saoudiens, qui ont des envies d’ouverture, ou avec des étrangers qui vivent ici depuis des années, et tous constatent que cela évolue.

En tant que Français, vu le contexte actuel, êtes-vous un peu plus prudent que d’habitude ?Non. L’Arabie saoudite a pris clairement position sur les attentats qui ont frappé la France récemment, et elle les a condamnés. L’Arabie saoudite est un pays sûr. Peut-être que je devrais faire un peu plus attention, mais je n’y pense même pas. Je n’ai jamais ressenti le moindre danger, ni la moindre agressivité à mon égard.

Au printemps, Marseille aurait pensé à moi, en cas de départ d’André Villas-Boas.

Vous avez dit que vous retournerez un jour en Afrique. Et en France ?J’ai entraîné Sochaux (novembre 2013-2014), et Lille (juin-novembre 2015), où on m’a viré au bout de treize journées, alors que je pensais pouvoir rétablir les choses. C’est le passé, c’est comme ça. Peut-être qu’un jour, si on veut de moi, si on me propose quelque chose… Au printemps, Marseille aurait pensé à moi, en cas de départ d’André Villas-Boas. Mais oui, retravailler en France, j’aimerais bien. J’ai 52 ans, j’ai encore un peu de temps devant moi, peut-être une dizaine d’années à entraîner…

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Propos recueillis par Alexis Billebault

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