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Rémy Vercoutre : « On a pris des vagues, et des vagues, et des vagues… »

Propos recueillis par Eric Carpentier
8 minutes
Rémy Vercoutre : « On a pris des vagues, et des vagues, et des vagues… »

Le 11 mars 2009, Lyon encaissait cinq buts au Camp Nou, en huitièmes de finale retour de Ligue des champions (5-2). Aux premières loges du spectacle, Rémy Vercoutre refait le match, évoque le prochain, sans oublier de donner des nouvelles de la colonie lyonnaise de Montréal. La parole limpide, comme ses yeux.

Un match à Barcelone, c’est toujours un événement pour un joueur ?Non, ce n’est pas spécialement un événement en soi. Nous, on les avait déjà rencontrés en poules, les années précédentes (la dernière fois en 2007, 3-0 à Barcelone et 2-2 à Lyon, N.D.L.R.). Et quand tu passes les poules, tu sais que tu peux tirer le Barça. Ce qui est un événement, c’est de jouer la qualification pour le prochain tour. Mais Barcelone, quand vous faites la Ligue des champions, c’est quelque chose de normal.

Mais cette saison-là, vous affrontez une équipe qui va devenir historique avec son triplé Ligue des champions, Liga, Coupe du Roi. Ça se devine déjà ?On ne réagit pas comme ça, parce qu’on veut se persuader que c’est faisable. Si vous créez un monstre en regardant des vidéos, vous ne pouvez pas aborder le match de manière confiante. Donc vous essayez de voir les points forts, sans exagérer non plus pour ne pas tomber dans le truc de se dire « on y va, mais on va faire pâle figure » .

On s’était entraînés la veille sur le terrain, et juste après le Barça s’entraînait aussi, en commençant par des toros en petits groupes. Et les toros étaient incroyables ! Les personnes qui étaient au milieu, elles y restaient longtemps, mais longtemps !

On essaie de voir les failles. Bon, dans cette équipe, il n’y en avait pas beaucoup. Pour l’anecdote, on s’était entraînés la veille sur le terrain, et juste après le Barça s’entraînait aussi, en commençant par des toros en petits groupes. Et les toros étaient incroyables ! Les personnes qui étaient au milieu, elles y restaient longtemps, mais longtemps ! Ça nous avait fait beaucoup parler dans le bus. On en rigolait, mais en même temps on se disait « demain, c’est nous au milieu » . On savait ce qu’il pouvait nous arriver. Et c’est arrivé.

Que s’est-il passé ?On avait fait un match plutôt satisfaisant à l’aller (1-1), on y allait avec l’ambition de se qualifier et on avait des atouts pour. Mais on a subi la foudre pendant les 20 premières minutes. C’était un enfer, la pression qu’ils nous ont mise. On s’y attendait, mais ça a été pire que ça, on a pris des vagues, et des vagues, et des vagues… Jusqu’à ce qu’à un moment donné, Hugo (Lloris) ne fasse plus de miracles.

Thierry Henry inscrit un doublé en deux minutes (25e, 27e). Ça y est, le match est terminé ? Euh… Tu ne sais pas, en Ligue des champions, les matchs peuvent être un peu fous, on le voit encore cette saison. Donc tu t’accroches à ce qu’un but puisse faire basculer la chose, surtout avec le but à l’extérieur. Mais force est de constater qu’on sentait Barcelone au-dessus, qu’on était juste une étape dans leur quête d’aller chercher le trophée. Ce qui m’avait marqué, c’est le carton rouge de Juni à la dernière minute. Il était très en colère, parce qu’on avait raté notre match alors qu’on sentait que c’était peut-être la dernière fois qu’on pouvait faire quelque chose en Ligue des champions. Ça nous avait frustrés, quoi.

Vidéo


Et le Camp Nou ? C’est un acteur important du match ?En poules, on n’avait pas été impressionné par le public. C’est plein, il y a du monde, mais on dirait que les gens sont blasés de gagner tout le temps, ils y vont pour voir du beau jeu, ils s’en foutent un peu de l’adversaire. Ils ne sont pas méchants pour un sou, donc la pression, il n’y en a pas réellement. Mais les poules, pour eux, c’est normal de les passer. La compète commence à partir des huitièmes, et alors le contexte est totalement différent. Il y avait eu ce fameux tifo mes que un club, et ouais, c’était assez impressionnant. C’est la première fois que je me suis dit à Barcelone : « Wahou, quand ça pousse, on le sent ! »

Il y a une certaine forme d’insouciance dans cette équipe. Fekir va entrer, et avec le but à l’extérieur, s’ils ont le bonheur d’ouvrir le score, attention !

Vous y croyez pour cette année ?Ouais, bien sûr j’y crois, parce qu’il y a une certaine forme d’insouciance dans cette équipe. Fekir va entrer, et avec le but à l’extérieur, s’ils ont le bonheur d’ouvrir le score, attention ! En prenant zéro but à domicile, ils posent un réel problème à Barcelone. Nous, on en avait pris un. Là, Barcelone va être obligé de gagner le match. Même si ça ne leur fait pas peur, on ne sait pas comment ça peut se passer avec la qualité de Fekir ou de Depay.

On sait rarement comment ça peut se passer avec Lyon…Sur les gros matchs, on sait ! Sur les matchs un peu moindres, on sait moins. Mais sur les gros matchs, on commence à avoir une idée.

Quel conseil pourriez-vous donner à cette équipe ?Il faut passer l’écueil de l’intensité en début de match. Passer les premiers pressings qui font mal, essayer de ressortir le ballon et de leur faire peur sur un contre. Regardez ce qu’a fait Manchester à Paris. Quand vous ouvrez le score comme ça, ça refroidit vite l’ambiance et ça calme le cadre général du match. Après, il faut le faire durer, préserver le plus longtemps possible les chances de l’équipe. Et puis vous ne savez jamais, sur un contre, sur une frappe déviée… Ils peuvent le faire, le club est armé. Mais on parlera encore d’exploit, et il me tarde qu’on arrête de le dire.

Oui, mais là, ce serait quand même le cas, non ?Aujourd’hui, c’en serait un, bien sûr. Ils vont chercher des joueurs à plus de cent millions d’euros, et la dernière fois, Coutinho n’était même pas titulaire. Ça donne une idée de l’écart qui existe. Mais nous, par exemple, on avait certainement mal abordé la rencontre. On pensait, comme toujours avec les équipes françaises qui vont jouer face à des grands d’Europe, qu’impossible n’est pas français. Donc on y va avec cette envie, cette passion… Sauf que contre les grandes équipes, ça ne suffit pas. Elles, quand elles jouent, elles respectent, mais ce n’est pas un exploit. Nous, c’est tout de suite un extraordinaire exploit. Regarde comment on s’est enflammé autour de la victoire de Rennes. Mais Rennes n’est pas qualifié ! Idem pour Paris, et Paris s’est fait sortir. C’est typiquement français, ça. Et derrière, il se crée des choses dont tu es très déçu.

Vous officiez désormais en Major League Soccer, du côté de l’Impact de Montréal. Il y a une vraie différence dans l’approche des matchs ?Je vois ce qui est mis en place pour pouvoir gagner des matchs et des championnats. Nous, les Français, on est parfois dépourvus de moyens et d’idées, je trouve. On est gentils, on essaie de faire tout ce qu’il faut pour y arriver, mais… On n’est pas assez gagneurs. Et puis ici, tout est plus pro !

Ici, les mecs sont appliqués, impliqués, tout le temps. En France on n’est pas encore assez attentif à ce qui se passe autour de l’équipe professionnelle.

Il y a du personnel partout, mais pas de manière superflue. Les gens ont beau travailler dans le football, c’est un travail, un job, et donc quand ils ont une tâche à faire, il la font de manière professionnelle. C’est ce qui me marque par rapport à ce que j’ai pu voir en France, où quelques fois, c’est un peu trop fait de manière restrictive. « Ce n’est que du football, donc si je ne fais pas bien ma tâche, ce n’est pas bien grave. » Non ! C’est un travail ! Ici, les mecs sont appliqués, impliqués, tout le temps. En France, on n’est pas encore assez attentif à ce qui se passe autour de l’équipe professionnelle.

Vous êtes donc heureux d’avoir traversé l’Atlantique…Très heureux de cette aventure ! On a des joueurs qui sont issus pour la plupart de cursus universitaires, donc des joueurs intelligents, qui vivent leur métier à fond. On fait des déplacement dingues, là on joue à Houston (défaite 2-1 sur la pelouse du Dynamo, N.D.L.R.), c’est vraiment sympa. Les gens à Montréal nous apprécient, nous aussi, on est épanouis et on espère que cette année, on puisse aller en play-off et puis le plus loin possible.

Vous travaillez avec Rémi Garde, Joël Bats, Robert Duverne… Vous avez évoqué le match de 2009 entre vous ?Vous savez qu’on n’est pas une base arrière de l’OL, mais presque ! (Rires.) Rémi et Bruno (Genesio) sont les meilleurs amis du monde, ils sont régulièrement en conversation. Joël Bats aussi, avec l’adjoint de Bruno, Gérald Baticle, on est très proches, très potes. On a un groupe Whatsapp entre nous, à discuter régulièrement, à se montrer des photos… On discute un peu de certaines options, même si chacun reste à sa place. Mais il y a beaucoup d’amitié, chaque staff est derrière l’autre.

Où allez-vous regarder le match, mercredi ?On sera à l’entraînement, il sera 15 heures… Ouais, on va le regarder au centre d’entraînement, dans le bureau du coach, tous ensemble.

Vous n’avez pas encore découvert un QG lyonnais à Montréal ?Je sais qu’il y en a un ! Mais on n’a pas encore eu l’occasion d’y aller. Et puis, si on veut regarder vraiment le match, il faut qu’on soit un peu isolés. Avec les supporters, c’est parfois un peu trop passionné, on ne peut pas vraiment voir le match. (Rires.) Mais c’est prévu !

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