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Rémy amor

Par Théo Denmat
5 minutes
Rémy amor

Il n'y a que deux endroits au monde où Rémy Vercoutre prend des gants : devant ses enfants, et sur un terrain de football. En forme olympique depuis le début de saison, le gardien et leader du Stade Malherbe œuvre pourtant dans l'ombre du duo star Rodelin/Santini. L'ombre, justement là où il se sent le mieux.

C’est un rituel que personne ne connaissait. Une escapade isolée, quotidienne, perpétrée pendant quinze jours, entre le 5 mai 2017 et le 20 mai 2017. La première n’en appelait pas forcément d’autres, mais l’occasionnel est soudain devenu régulier, puis habituel, puis nécessaire. Un demi-mois d’attente, de stress, de pression, et donc, de questions. Pour répondre aux siennes, ce grand homme au dos large et aux épaules musclées se rendait tous les jours dans l’une des dix-huit églises catholiques que compte la ville de Caen. C’est ici qu’il venait, selon ses dires, « (s)’apaiser, (s)e ressourcer » , tout en glissant quelques mots à la Vierge Marie et au saint qui voudrait bien écouter sa voix grave.

Il faut dire que la demande du croyant relevait à l’époque du miracle religieux : comment ne pas encaisser de buts face à la deuxième meilleure attaque de France lorsque l’on s’est soi-même fait transpercer 64 fois avant cette dernière journée de Ligue 1 ? Ses yeux bleus clos, Rémy Vercoutre joignait donc ses mains dépourvues de gants et priait « tous les matins avant d’aller à l’entraînement, pendant les quinze jours qui ont précédé le match contre Paris » . Le Stade Malherbe tiendra le nul au Parc des Princes (1-1), et sauvera sa place en première division à la faveur de deux ingrédients devenus recette : un but de Ronny Rodelin dans les dernières secondes et, surtout, une défense de fer. Sur ses six victoires en championnat, Caen compte déjà quatre succès 1-0, cinq victoires par un but d’écart et s’impose comme l’une des meilleures défenses du championnat. Et les prières de son gardien ne sont peut-être pas pour rien dans cette métamorphose.

Prendre le problème à la racine

« C’était impossible de continuer comme ça » , confiait récemment Patrice Garande. La remarque, d’une clarté enfantine, est surtout la conséquence d’un été passé dans sa salle de projection. Les yeux rivés sur la saison de son club, l’entraîneur s’inflige à l’époque de lourdes séances vidéo pour comprendre d’où proviennent les hic de son système défensif, revoit tous les buts, constate et comprend les hocs. « On a pris énormément de buts évitables l’année dernière, dit-il, et cela part du gardien : dans la transmission des messages, il faut un langage commun avec tous les défenseurs, une connaissance parfaite des autres joueurs de sa part. » Des erreurs de communication, soit. On a connu argumentation plus poussée, même si le français évoque une « analyse chiffrée » . L’analyse chiffrée, donc, entraîne un recrutement mastoc : Adama M’Bengue, Alexander Djiku, Frédéric Guilbert et Youssef Aït-Bennasser, quatre nouveaux titulaires respectivement venus de première division sénégalaise, du SC Bastia, des Girondins de Bordeaux et de Monaco, pour quatre millions d’euros. Et même si Djiku, blessé, n’a pour l’instant joué que six rencontres, les trois autres loustics ont complètement solidifié un secteur défensif tenu par Romain Genevois, Damien Da Silva et surtout… Rémy Vercoutre.

Plus décisif sur le peu de tirs qu’il concède

Assez paradoxal de disputer la meilleure saison de sa carrière lorsque l’on a 37 ans, que l’on « ne se voit pas » continuer quatre ans de plus « comme Dino Zoff » et que physiquement, comme il le confiait à So Foot en juin dernier, « chaque matin au réveil, je souffre » . Comme un vieillard qui accepterait mieux les affres de la vieillesse se sachant proche du grand voyage, Rémy Vercoutre livre donc la meilleure entame de sa vie, de nombreuses fois décisif dans les cages lorsque le roseau caennais venait à plier. Une fois, ce dernier a rompu. C’était au Vélodrome (5-0), et même là, le portier avait disputé une première période dantesque, repoussant l’ouverture du score jusqu’à la 43e minute et une frappe à tête chercheuse de Luiz Gustavo. Plus concentré, plus décisif, plus capitaine. Frédéric Petereyns, entraîneur des gardiens du Stade Malherbe, glisse même qu’il sent son poulain « plus assagi qu’avant » . Imputer ce calme récent à la naissance de sa deuxième fille cet été – son quatrième enfant – serait un argument bancal, que l’on colle souvent aux profils de jeunes papas footballeurs. Non, pour Vercoutre, en voilà une qui, justement « ne connaîtra jamais le footballeur » comme il l’avoue lui-même. Alors Caen profite des dernières lueurs du sportif, qui, s’il concède moins de frappes que l’an passé, présente également un taux d’arrêt beaucoup plus important : 77,8% de réussite contre 56%, soit 45 arrêts en 12 journées. Seuls Alphonse Areola et Benjamin Lecomte font mieux.

« Ce n’est pas le même garçon qu’il y a trois ans »

Le football est ainsi fait : le travail de Ronny Rodelin sera toujours plus valorisé que celui de son gardien. Sa volée des vingt mètres contre Troyes fin octobre, son égalisation à la dernière seconde au Parc des Princes, son plat du pied aérien au bout du temps additionnel contre Nice le week-end dernier. Trois buts qui ont rapporté cinq des 19 points de Caen et font transpirer les rumeurs de mercato, mais qui masquent une réalité. Caen a la dix-neuvième attaque de Ligue 1, ex-aequo avec Montpellier. Et sa sixième place au classement tient bien plus d’une inviolabilité quasi totale que de quelques lumineux coups d’éclat offensifs. Frédéric Petereyns : « Ce n’est pas le même garçon qu’il y a trois ans. Il a appris à enchaîner les matchs de haut niveau dans la peau d’un titulaire. On a davantage individualisé le travail encore, notamment sur le plan athlétique. » Patrice Garande confirme : malgré son âge, son statut et son expérience, il ne faut pas oublier que Vercoutre n’est titulaire que depuis la saison 2014-2015. Alors après avoir fait étalage de ses défauts – « Je ne suis pas endurant, je ne saute pas haut, je n’ai pas de pied gauche, etc » -, à la question : « Tu es croyant ? » que nous lui posions en juin, lui répondait : « Je suis baptisé et je crois en Dieu, oui. Mais je ne vais pas à l’église, je n’étale pas ma croyance, je n’aime pas les mecs qui font des signes de croix. On peut le vivre de manière intense sans le montrer. » Comme la vie d’un gardien de but, en somme.

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Propos de Patrice Garande et de Frédéric Peteryns extraits de Ouest-France

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