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Rémi Oudin : « Umtiti m’a permis de reprendre du plaisir »
Après une saison cauchemardesque avec Bordeaux l'année dernière, Rémi Oudin a connu à 26 ans une petite renaissance avec Lecce, qui a arraché son maintien à une journée de la fin de la Serie A. L'ancien Rémois revient sur son aventure italienne avec Samuel Umtiti, les critiques, sans oublier son avenir.
Est-ce qu’on savoure encore plus ses vacances quand on arrache son maintien lors de la 37e journée ?
Clairement, surtout que c’était un maintien tardif. Je pense qu’on aurait pu l’obtenir un peu plus tôt, mais la manière dont le match s’est passé, comment on a souffert pour l’obtenir, c’est d’autant meilleur, et forcément, les vacances se passent mieux.
Justement, raconte-nous cette victoire au bout du temps additionnel face à Monza (0-1), qui permet au club de se sauver ?
C’était assez fou, toute la ville n’attendait que ça. La physionomie du match est rocambolesque : ils ont un penalty, notre gardien l’arrête avant qu’on marque le nôtre à la 90e+4… Tout se termine avec un envahissement de terrain, c’était énorme. C’est l’une des plus belles émotions de ma carrière.
L’Italie, tu pensais déjà la rejoindre dès 2019 et porter les couleurs de la Fiorentina. Être prêté par Bordeaux à Lecce, c’est une manière de conjurer le mauvais sort ?
Tout le monde connaît l’histoire, ça ne s’est pas fait en 2019. Aujourd’hui, je m’estime chanceux d’avoir évolué en Serie A, d’avoir découvert un autre championnat. J’ai été surpris par son intensité, notamment au niveau du pressing, les joueurs te suivent partout, mais aussi par la rigueur tactique. Puis l’histoire se termine bien, puisqu’on a atteint l’objectif fixé par le club, donc c’est une année réussie.
Quand tu débarques dans les Pouilles après cette fin d’expérience difficile à Bordeaux, qu’est-ce que tu te dis ?
J’avais besoin de voir autre chose, c’est tombé au bon moment. Je n’ai pas été déçu. Je ne suis pas arrivé en pleine confiance après ce qu’il s’est passé à Bordeaux (une relégation en Ligue 2 et pas mal de critiques à son égard, NDLR), mais je me suis dit qu’il fallait tourner la page, oublier ce qu’il s’était passé la saison dernière. Clairement, j’ai retrouvé le plaisir de joueur au foot.
Après une phase d’adaptation compliquée, tu n’es plus sorti du onze de Marco Baroni. En fin de saison, tu as même marqué trois buts dont un doublé contre la Lazio après quasiment un an sans faire trembler les filets. Soulagé ?
Totalement, j’étais déçu, sur les nerfs, de ne pas jouer au début de saison. Le fait de ne pas avoir fait de préparation avec les pros à Bordeaux a joué, surtout qu’en Italie, les entraînements sont très physiques, on court beaucoup. Puis comme j’arrive un peu après tout le monde, l’entraîneur Baroni avait déjà son équipe. Après un mois et demi, j’ai retrouvé la forme, on m’a donné une chance que j’ai su saisir. Pour moi, j’ai fait de belles prestations, j’ai mis des buts, donc c’est satisfaisant.
First-time 🚀 from Remi Oudin 🤯#LecceBologna @OfficialUSLecce pic.twitter.com/xv16FftK81
— Lega Serie A (@SerieA_EN) June 6, 2023
Tu n’as pas été dépaysé à Lecce, puisque tu as retrouvé les Français Samuel Umtiti, Alexis Blin et Valentin Gendrey.
C’était idéal pour mon intégration. Que ce soit au niveau de la langue ou de l’ambiance, j’ai pu retrouver ce que j’avais en France. On s’entendait vraiment bien, on passait notre temps à rigoler ensemble, à se chambrer. Ce sont des bons gars. Le contact est super bien passé avec Valentin (Gendrey), on a créé quelque chose, nos femmes s’entendent très bien. Avec Sam (Umtiti), on a le même humour.
En 25 matchs à peine, Umtiti est d’ailleurs déjà considéré comme une légende du club, est-ce que tu peux nous raconter sa saison et sa montée en puissance ?
Il dégage quelque chose. C’est un grand joueur, champion du monde, donc quand il arrive dans un club comme Lecce, avec tout le respect que j’ai pour le club, forcément les joueurs sont plus à l’écoute, prennent beaucoup exemple sur ce qu’il fait à l’entraînement. Nous, les Français, on trouvait que les entraînements étaient un peu trop à base de courses et de tactique, donc Sam Umtiti nous a un peu aidés à alléger les séances. (Rires.) Quand il dit quelque chose, même les préparateurs physiques et le coach sont plus à l’écoute. C’était un grand frère pour tout le monde. Ce qui m’a le plus marqué, c’est son hygiène de vie irréprochable. On n’était pas prêt à ce que ce soit à ce point millimétré. Quel que soit le grade, on a tous pris du plaisir avec lui parce qu’il a apporté énormément au club et à la ville. Il a montré qu’il était capable de plus.
Qu’est-ce qu’il t’a apporté personnellement ?
Sur le terrain, c’était un régal de recevoir ses passes cachées et plaquées dans les pieds… Défensivement aussi, il m’a beaucoup guidé et m’a rassuré quand il le fallait. Il m’a permis de m’exprimer librement, de reprendre du plaisir.
Tu as pu évoluer comme relayeur cette année, un poste assez inhabituel pour toi, mais qui finalement a l’air de plutôt bien t’aller ?
Quand on en a discuté avec le coach, je lui ai directement donné mon accord parce que j’apprécie avoir la balle dans les pieds, faire le jeu et créer. Dans l’axe, j’avais plus de liberté, ce qui m’a permis de faire de bonne prestation tout en apprenant à être plus présent défensivement. C’est toujours utile d’être polyvalent.
Est-ce que le fait d’être moins sous le feu des critiques en Serie A, où l’on te connaissait moins, t’a aidé à te libérer ?
Je suis arrivé plus tranquille. Ici, les gens regardent surtout la Serie A, donc j’étais moins attendu et ça m’a permis d’évoluer sereinement.
Avec le recul, est-ce que tu trouves qu’en France, on a pu être injuste à ton égard ?
Non, pas envers moi, je comprends les gens. Comme les joueurs, les supporters sont exigeants, ils attendent que tu gagnes des matchs. Les critiques font partie du métier de footballeur, surtout en France. C’est mon histoire, je ne regrette rien.
Mais les supporters bordelais n’ont pas toujours été tendres avec toi. Tu as même pu dire que beaucoup de personnes ne pouvaient pas imaginer ce que c’était d’être footballeur professionnel…
Comme tous les joueurs, forcément j’ai été affecté et ma famille aussi. On a besoin d’avoir une confiance et de la tranquillité pour évoluer au meilleur niveau. Après, on ne changera pas la mentalité… Tout ne peut pas bien se passer, sinon ce serait trop facile. Finalement, on veut tous la même chose.
Quel est ton regard sur la fin de saison des Girondins, coincés en Ligue 2 après une dernière journée polémique ?
Je suis déçu que le club ne remonte pas en Ligue 1, mais je suis encore plus déçu pour les joueurs et le staff pour la manière dont cela s’est passé. Qu’un individu arrive à gâcher la fête et tout le travail d’un groupe… Tout devait se jouer sur le terrain et pas sur cet incident. Mais je n’ai pas de doute sur le fait que le club arrivera à rebondir rapidement.
Tu as annoncé ton départ de Lecce la semaine dernière, tu es encore sous contrat avec Bordeaux jusqu’en juin 2024. Quelle est la suite pour toi ?
Honnêtement, rien n’est clair. Je n’ai pas encore discuté avec Bordeaux, et les récents événements n’ont pas aidé. Il me reste un an de contrat, je n’ai aucune idée d’où je serai l’année prochaine. On verra bien ce qu’il va se passer dans les semaines à venir. Je veux seulement prendre du plaisir et être heureux comme lors de cette seconde partie de saison, et me lever le matin en me disant que je suis content d’aller à l’entraînement ou d’aller jouer un match. Toutes les portes sont ouvertes. Je suis dans l’attente, mais je vais me préparer comme si je reprenais avec Bordeaux.
Tu serais prêt à faire un effort financier pour retourner à Bordeaux ?
On en parlera, mais pour le joueur comme pour le club, quand il reste un an de contrat, c’est souvent difficile de parler de ces choses-là. Malheureusement, si je reste, je serai libre à la fin de la saison, donc il y aura une discussion à avoir avec Bordeaux.
Propos recueillis par Thomas Morlec