- Mondial 2022
- Quarts
- Maroc-Portugal (1-0)
Regragui, le cerveau de la bande
Après avoir donné une leçon d'efficacité à Luis Enrique, Walid Regragui s'est offert le scalp de Fernando Santos et de son Portugal ce samedi à Doha. Celui qui est arrivé sur le banc marocain il y a moins de quatre mois est encore un peu plus entré dans l'histoire.
Tôt dans ce Mondial, l’Arabie saoudite avait enfilé le costume de trouble-fête, avant de revenir à la réalité par la suite et d’être relayé par le Japon, auteur d’une formidable épopée. C’est bien, c’est beau, mais ce n’est sans doute pas suffisant pour rivaliser avec la success story dont on se souviendra dans cinq, dix, voire cinquante ans, en fonction de ce qui arrivera dans les huit prochains jours. On parle ici du Maroc, héroïque vainqueur du Portugal ce samedi à Doha. Cent minutes de pur combat, à l’image de ce que les Lions de l’Atlas ont déjà montré depuis le début de la compétition, et qui viennent marquer d’une pierre blanche une première historique : ce Maroc-là est devenu le premier pays africain à atteindre les demi-finales d’une Coupe du monde. Exceptionnel, magnifique, sensationnel… Les superlatifs ne manquent pas pour qualifier cette épopée symbolisée par un homme : Walid Regragui, arrivé à la tête de cette troupe de grands garçons il y a moins de quatre mois et dont le nom restera à jamais gravé dans la catégorie des fabuleux exploits du Mondial. Avec ses huit matchs seulement dans les bottes en tant que sélectionneur, il est aussi devenu celui qui a atteint les demi-finales d’un Mondial le plus vite, depuis Otto Gloria en 1966, avec le… Portugal.
Regragui est dans la zone
Face au Portugal, le natif de Corbeil-Essonnes a ressorti ses vieux pots pour faire sa meilleure confiture, à savoir un 4-3-3 capable de tout faire sur un terrain. On a ainsi vu des ingrédients déjà aperçus face à l’Espagne : un jeu de transition rodé, magnifié par les lances Boufal, Ziyech et Ounahi, mais surtout un bloc défensif imperméable, prêt à encaisser les coups des heures durant. Au crédit de Regragui, il faut aussi ajouter son adaptation aux petits imprévus : pour ce rendez-vous, Aguerd et Mazraoui, deux hommes primordiaux de cette troupe, ont dû déclarer forfait à cause de bobos occasionnés contre la Roja.
Le sélectionneur a alors lancé El-Yamiq et Attiat-Allah dans la bataille, davantage prévus pour être des seconds couteaux, mais qui sont rentrés dans le moule comme si de rien n’était. Le deuxième cité est même l’auteur du centre décisif pour Youssef En-Nesyri et s’endormira ce samedi avec Bruno Fernandes dans sa poche. « La fierté aujourd’hui, c’est que ceux qui sont entrés ont fait un travail extraordinaire. On est un groupe de 26, et je savais qu’on aurait besoin de tout le monde », s’est réjoui à ce propos le sélectionneur après la partie. Bref, tout ce que touche Regragui en ce moment se transforme en or, et le plus beau est peut-être encore à venir.
« On est un peu le Rocky de cette Coupe du monde »
Plus que des éléments tactiques mis dans un mixeur, ce qui vient relever le plat est évidemment la solidarité que dégage cette équipe depuis l’arrivée de Regragui sur son banc. L’intensité dans les duels, les courses faites par les attaquants, les joueurs qui vont chercher le public… Rien n’est laissé au hasard, et c’est logiquement ce sur quoi coach Walid a été interrogé en conférence de presse. « Ce n’est pas la plus belle équipe au niveau du jeu, mais c’est la plus belle au niveau du cœur et de l’envie. Quand on voit Ziyech ou Boufal aujourd’hui, je pense qu’ils n’ont jamais autant couru de leur vie, mais ils le font naturellement. On montre que dans la vie, même si t’as moins d’argent ou de qualités, si tu te bats et que tu crois, tu peux. Quand tu regardes Rocky Balboa, t’as envie d’être Rocky, car c’est celui qui vient d’en bas. On est un peu le Rocky de cette Coupe du monde », a-t-il souri devant les journalistes.
À deux pas du sacre ultime, qui représenterait sûrement le plus grand exploit de l’histoire du football toutes compétitions et toutes époques confondues, le Maroc se prend à rêver. Et Regragui n’est pas là pour tempérer, il est même le premier à y croire : « C’était mon discours depuis le début, ce que j’ai essayé de leur rentrer dans la tête : c’est bien de participer au Mondial, les supporters sont contents… Mais on a des joueurs qui jouent dans les meilleurs clubs et une équipe qui peut gagner des matchs en Coupe du monde. C’est aussi important pour les générations futures, on montre que les pays africains peuvent aller en demi-finales ! Comme je dis, le rêve, c’est gratuit. » À 180 minutes du Graal, effectivement, tout est permis.
Par Alexandre Lejeune, avec Andrea Chazy
Propos de Walid Regragui recueillis par Andrea Chazy, à Doha