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Régis Juanico : « Des gens qui courent, il n’y en a pas énormément à l’Assemblée » 


Par Florian Lefèvre
8 minutes
Régis Juanico : « Des gens qui courent, il n’y en a pas énormément à l’Assemblée » 


Le plus vert des députés de l'Assemblée nationale ne porte pas l'étiquette Europe Écologie. Il s'appelle Régis Juanico, représente naturellement le 42 et est co-sélectionneur et co-capitaine de l'équipe de France des députés. Entretien, entre les accélérations de Robert Pirès, les arrêts de Jean Castaneda, le Chaudron et la place des supporters en France.

Vous êtes le co-capitaine et co-sélectionneur de l’équipe de France de l’Assemblée nationale avec Eduardo Rihan Cypel. Une équipe née il y a deux ans…Le football est un sujet récurrent quand on se rencontre avec les députés. On enclenche souvent une discussion en commentant les matchs du week-end. On a saisi l’occasion de la Coupe du monde au Brésil avec Eduardo Rihan Cypel pour créer l’équipe de France des députés et faire notre premier match à cette occasion. On a réussi à trouver des députés hommes et femmes, de droite comme de gauche (34 joueurs, dont six femmes lors de la première sélection, ndlr). Lors de notre dernier match, mardi 20 septembre, on était une vingtaine de parlementaires, ainsi que quelques joueurs de Concarneau venus renforcer notre charnière centrale face au Variétés Club de France. Parce que, c’est vrai, des gens qui courent, il n’y en a pas énormément à l’Assemblée.

La première rencontre face au Variétés Club de France s’était soldée par un 12-1 en 2014. Ça a donné quoi cette fois-ci ? Votre équipe est en progrès ?On avait fait 6-1 l’année dernière, et là on a repris 10-1. On a un peu craqué. En face, c’est quand même Robert Pirès, Pierre-Yves André, Sonny Anderson, Christian Karembeu… Notre entraîneur, c’est Guy Roux, mais il n’est pas très interventionniste. Ça se passe comment ? Très bien puisqu’il ne dit quasiment jamais rien. Il est très zen, très cool. Ses consignes, c’est : « Coulissez bien, pensez à revenir, dès que vous êtes fatigués, vous sortez. » En gros, notre objectif, c’est ne pas prendre un but avant la dixième/quinzième minute.

Vous nous confiez l’année dernière votre fierté d’avoir « détourné une frappe puissante de Pirès » lors du premier match face au Variétés. Vous avez un nouveau fait d’armes à votre actif ? (rires) Quand Pirès déclenche sa frappe, ça va quand même très vite ! Mais j’ai quitté le poste de gardien, je suis latéral gauche. J’avais Karembeu et Pirès au marquage, j’ai un peu souffert. Karembeu, il accélère bien. Robert, il est très très en forme. Ils sont tout en technique et en moindre effort, mais très aguerris. Il faut être au marquage. De notre côté, François Baroin a fait un bon match. Les gardiens Lionel Tardy et François-Michel Lambert ont fait de très beaux arrêts. Christophe Cavard en charnière centrale est solide. Le reste, c’est un petit peu plus poussif.

La révélation, pour moi, c’est surtout le Chaudron. Le stade, l’atmosphère, l’ambiance.

Le projet était de rencontrer un jour les parlementaires anglais, ça s’est concrétisé ?Pas pour le moment. On avait aussi été sollicités par les parlementaires turcs, mais on n’a pas réussi à ajuster les agendas. Alors, on reste sur des matchs contre l’équipe des journalistes et de temps en temps une équipe de la Poste. On arrive à faire plus de matchs nuls contre les journalistes que face au Variétés !

Votre sport, c’est d’abord l’athlétisme. Il tient toujours, votre record au lancer du marteau de 1987 ?Il tient toujours. C’est un record en minimes qui avait vocation à être battu, puisque je l’ai établi il y a presque trente ans. Mais il tient toujours sur les tablettes de Saône-et-Loire, mon département natal. Aujourd’hui, je continue à lancer lors des interclubs pour le club Coquelicot de Sainté. Avec la technique, vous pouvez lancer jusqu’à très tard, ça s’entretient.
Vous êtes un supporter des Verts né en 1972. Vous gardez au fond de votre mémoire un souvenir du printemps 76 ?L’épopée de 76, non. Ma révélation, c’est un déplacement à Geoffroy-Guichard en 1983. Durant ma jeunesse, j’étais défenseur jusqu’à l’âge de douze, treize ans dans le club Saint-Rémy, près de Chalon-sur-Saône. Nous avons fait les 200 kilomètres de déplacement avec les équipes de jeunes du club pour aller voir l’ASSE contre Monaco. C’était un mardi soir, le 19 avril, et Saint-Étienne a gagné 2-0. On était dans l’équipe de transition après le départ de Platini : il y avait Roussey, Paganelli, Genghini… Mais la révélation, pour moi, c’est surtout le Chaudron. Le stade, l’atmosphère, l’ambiance.

Dans le Chaudron, on est dans l’entretien d’une passion qui se transmet de père en fils ou de père en fille. Très longtemps après 76, l’engouement reste vif. Récemment, des supporters du Nord-Pas-de-Calais sont venus au stade en mobylette, un couple a aussi spécialement voyagé à Saint-Étienne pour accoucher. Y a qu’à Saint-Étienne qu’on arrive à faire ça !

Vous étiez fan d’un joueur en particulier ?Je m’identifiais beaucoup à Jean Castaneda, le gardien. Je ne sais pas pourquoi. C’est sa stature, sa présence dans les buts, son surnom : El Gato (Le chat)… Il a été formé à l’Olympique de Saint-Étienne, puis a dû attendre que Ćurković soit sur le déclin pour être titulaire avec l’ASSE. Et j’ai rencontré Jean Castaneda pour la première fois, il y a trois, quatre mois, lors du rassemblement des anciens de 76. On a bien discuté. J’étais content de faire une photo avec lui. Comme moi, il a des origines espagnoles. Son père est venu à Saint-Étienne dans les années vingt, trente, pour travailler. C’est une histoire très stéphanoise.

Avez-vous eu l’occasion de refaire le déplacement à Geoffroy-Guichard depuis la Saône-et-Loire durant votre adolescence ?Non, jamais, c’était mon seul contact avec le Chaudron. Mon père a été muté à la Réunion quand je suis entré au lycée. Ensuite, j’ai fait mes études à Lyon, je suis parti à Paris et je suis revenu à Saint-Étienne en 2001 – mais ça n’était pas lié au football. Aujourd’hui, j’habite à 800 mètres de Geoffroy-Guichard, j’y vais à pied. Je passe devant quasiment tous les jours quand je vais courir dans un stade juste à côté. Je vais à certains matchs. Je m’intéresse à tous les sports et je vais dans tous les sports : le hand, le basket, le rugby – même si on est un peu à la peine en ce moment. Dans le Chaudron, on est dans l’entretien d’une passion qui se transmet de père en fils ou de père en fille. Très longtemps après 76, l’engouement reste vif. Récemment, des supporters du Nord-Pas-de-Calais sont venus au stade en mobylette, un couple a aussi spécialement voyagé à Saint-Étienne pour accoucher. Y a qu’à Saint-Étienne qu’on arrive à faire ça !

En tant que député de la Loire, vous êtes en contact avec les supporters ?Oui, ça se passe bien. On a pris le temps de rencontrer les associations ultras, l’Association nationale des supporters. Avec François de Rugy, on a fait passer un amendement qui leur permet d’être reconnus comme partenaires du ministère et au niveau des clubs avec un référent supporter. On est en train de faire en sorte que les associations de supporters trouvent leur place. Le mieux, c’est qu’elles soient associées à la gestion du club, ça viendra un peu plus tard. Moi, j’aime pas trop les stades aseptisés. J’aime bien cette idée que dans un stade, espace public, à part quand c’est délictuel, on puisse voir des banderoles, des expressions, qui nous titillent, pas seulement la LFP, les politiques aussi. Il ne faut pas confondre supporterisme et hooliganisme.

Il y a très peu de connaisseurs des questions de sport à l’Assemblée nationale. On est entre dix et quinze à suivre les sujets. Encore moins concernant les sujets liés aux revendications des associations.

Justement, la loi Larrivé adoptée par le Parlement au printemps dernier permet d’exclure arbitrairement des supporters non concernés par une interdiction de stade.On a rééquilibré le contenu. Il faut que les supporters aient une représentativité, on va les aider dans ce sens. Je regrette que les associations n’aient pas été reçues par le rapporteur Larrivé et à l’Assemblée nationale. Nous, on essaye de faire progresser ces questions avec nos collègues. Est-ce que c’est dur ? Déjà, il y a très peu de connaisseurs des questions de sport à l’Assemblée nationale. On est entre dix et quinze à suivre les sujets. Encore moins concernant les sujets liés aux revendications des associations. Pourtant, elles sont bien structurées, ces associations, elles ont des arguments à faire valoir : défendre les droits individuels, les droits au déplacement…

En ce moment, l’AS Saint-Étienne ne brille pas par son jeu flamboyant. Si vous deviez choisir, en tant que supporter, entre finir à la sixième place avec du beau jeu ou terminer sur le podium avec le genre de prestations actuelles…La régularité des résultats est importante. C’est bon aussi pour des joueurs qui veulent nous rejoindre. Si on finit juste derrière le PSG, Monaco, Lyon… Lyon, non ! On se bat à mort pour finir devant Lyon. (rires)

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