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Régis Brouard : « Être à Bastia a fait de moi un autre entraîneur »

Propos recueillis par Thomas Andrei, à Furiani
Régis Brouard : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Être à Bastia a fait de moi un autre entraîneur<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Il fait encore 30°C en cette fin d'été lorsque Régis Brouard déboule sur le parking du centre d’entraînement du Sporting Club de Bastia en utilitaire gris. Polo manches longues et New Balance nouvelle génération, le coach des Turchini sert un verre d’eau froide dans un mug rouge avant de dresser le bilan de ses onze premiers mois à la tête de l’actuel 8e de Ligue 2. Avec le chant des cigales comme seul fond sonore.

Bastia reçoit ce week-end Rodez, club pro où vous avez disputé le plus de rencontres en tant que joueur (128 matchs entre 1985 et 1990). C’est une boucle qui se boucle ?Souvent, la vie raconte de belles histoires. On revient toujours à ses premières amours, à la période d’apprentissage. Mes enfants sont nés à Rodez. J’ai rencontré leur mère là-bas. Ma mère y habite. Ça a été un passage important de ma vie d’homme. Il s’est passé beaucoup de choses, là-bas. Alors des souvenirs traversent l’esprit, forcément.

Vous êtes en Corse depuis le 2 octobre 2021. Comment vous sentez-vous, ici ?Bien, parce que beaucoup de choses me correspondent. La Corse, il faut savoir la découvrir. Il faut savoir apprendre comment ça fonctionne. Il faut savoir trouver sa place. Être respectueux, poli et discret. Les Corses ont leurs particularités. Je n’ai pas encore tout compris, mais j’ai compris certaines choses. Leur côté passionnel. Leur côté exigeant. Leur côté susceptible. C’est des traits de caractère qui me vont bien et auxquels je m’adapte bien. Il y a tellement de belles choses, ici. Je suis très heureux.

Au Luxembourg, on joue devant personne. Ici, on joue toujours devant du monde. Il y a une attente de résultats. Vous savez pourquoi vous êtes au stade.

Votre dernier club était le Racing-Union, au Luxembourg. Ça fait quoi de passer du Luxembourg à Bastia ?C’est d’un extrême à l’autre. Au Luxembourg, il n’y a pratiquement aucune passion pour le foot. Certains clubs font en sorte de se développer, de jouer des tours de Ligue Europa Conférence… Les gens à l’intérieur du foot sont passionnés, mais le monde extérieur ne l’est pas. Il n’y a rien de comparable. On joue devant personne. Ici, on joue toujours devant du monde. Il y a une attente de résultats. Vous savez pourquoi vous êtes au stade. Il y a plein de réponses aux questions que l’on peut se poser. Au Luxembourg, on se pose des questions, mais on n’a pas toujours les réponses.

Là-bas, ce n’était qu’un travail ?On va dire ça. Mais c’est une bonne expérience. C’est frontalier de beaucoup de pays. J’ai entraîné des Allemands, des Belges, des Luxembourgeois, avec des cultures complètement différentes. On se rend compte qu’aller dans des endroits, ça peut servir à quelque chose. Si je n’avais pas entraîné au Luxembourg, je n’aurais jamais découvert Kevin Van Den Kerkhof (latéral droit arrivé à Bastia cet été, NDLR). Pour le moment, c’est une bonne pioche.

C’est une belle ville, aussi.Le centre-ville est sympa, oui. Il y a des restos, plein de petites places sympas. Avec des avocats. Des banquiers. Des assureurs. Des agents immobiliers. Des vendeurs de voiture… La vie est quand même un peu ennuyeuse. Mais il y a une qualité de vie que tu ne peux pas nier. Une forme de tranquillité. C’est très paisible. Il n’y a pas d’agressivité excessive. Il y a une forme de rigueur. Les choses sont très strictes. Ça ne rigole pas. J’avais de très bonnes relations avec la présidente, et je ne regrette pas.

Certains pourraient voir dans cette définition l’inverse de la Corse…Oui ! On a un côté excessif relativement bas au Luxembourg et relativement haut ici.

Ça se manifeste comment, ce côté excessif ?Au stade, quand les supporters ne sont pas contents, ils le font sentir. Quand on fait les courses, les gens vous arrêtent. Ils vous posent des questions et ils n’ont pas de problème à vous faire comprendre qu’ils ne sont pas contents. Que ce soit justifié ou non. Alors, on écoute les arguments et on oublie les courgettes pendant un moment. Ça peut être des discussions animées. Parfois, on est agacé parce qu’on entend, mais ça rappelle à l’ordre. On en revient souvent au rôle des attaquants et à l’animation offensive. On me demandait pourquoi on ne marquait pas de buts. L’année dernière, on a fait beaucoup de nuls. On voulait gagner des matchs, mais il fallait sauver le club. On savait pertinemment qu’à un moment, on allait gagner et que les points des matchs nuls allaient servir. À la fin, ça a bien servi. Les gens ne comprenaient pas toujours, parce qu’ils sont dans la réflexion du moment, pas sur la durée.

Là, le Sporting a mis 7 buts en deux matchs en début de mois. Comment sont nés ces buts ?Déjà, on a recruté des attaquants qui nous font du bien parce qu’on a du jeu vertical plus souvent. Ça apporte de la vitesse. On avait cerné un certain potentiel chez Franck Magri, qui n’a pas toujours joué l’an dernier à la suite des blessures. Il avait besoin de s’acclimater. Il a pris confiance. Je trouve qu’on accompagne beaucoup mieux les actions, et les apports des joueurs de couloir sont beaucoup plus importants. Ça amène des solutions en plus. Il y a d’autres aspects, mais quand on a plus de monde dans les 30 derniers mètres, il y a déjà plus de chance qu’on marque.

J’aime bien le printemps. Il y a de belles couleurs. Et le calme. On m’a souvent demandé quel était le bruit que je préférais. En se disant que je dirais le bruit d’un stade lors d’un but. Mais je réponds toujours « le silence ».

Vous avez désormais vu toutes les saisons en Corse. Quelle est votre préférée ?J’aime bien le printemps. Il y a de belles couleurs. Et le calme. On m’a souvent demandé quel était le bruit que je préférais. En se disant que je dirais le bruit d’un stade lors d’un but. Mais je réponds toujours « le silence » . J’aime bien le silence du printemps, ici.

Pourtant, vous habitez à Borgo, en périphérie. Ce n’est pas très silencieux.Oui, mais je suis rarement chez moi. Sauf pour dormir. Ou essayer de dormir… En fait, je n’ai pas de problème avec la solitude. Donc je suis souvent dans mon silence à moi.

Comment définiriez-vous le silence du printemps en Corse ?On en fait l’expérience en allant marcher. En haut, avec la montagne. En bas, avec la mer. Comme je vis très bien ma solitude, le silence dans ma tête est présent. Quand je vais marcher seul, que je suis dans des endroits où il n’y a pas de monde, le silence me parle. Ça m’arrive de marcher le long de la mer pendant deux heures. Je cours pratiquement tous les jours. C’est les seuls moments qui me permettent de me ressourcer, de bien réfléchir, de bien penser. C’est une forme de méditation. J’ai besoin de ça.

Bien avant, vous êtes né dans le bruit à Antony, en 1967, avant de grandir aux Ulis. C’était comment ?La difficulté de la vie à la cité. La solidarité entre les uns et les autres. Les copains, qui tournent bien, qui tournent mal. Certains ont fait des conneries. Je ne vais pas dire qu’ils ont braqué, mais ils ont fait des trucs pas bien. De mauvaises rencontres, surtout. Après, tu apprends que certains ont disparu. Moi, j’avais une ossature familiale. J’avais une relation privilégiée avec ma maman. Je lui racontais mes bonheurs et mes malheurs. Elle a passé beaucoup de temps à m’écouter, à essayer de me comprendre. Je n’étais pas toujours facile à comprendre. Mon père, lui, était agent technique, responsable d’un groupe de travail pour une société suisse de maintenance, électricité, tout ça. Il était aussi dirigeant au club de foot des Ulis, où j’ai joué. Et moi, j’étais tout le temps avec un ballon. En bas de mon HLM, je tapais avec un ballon dans un mur.

Jeune, quelle image aviez-vous de la Corse ?On a toujours un a priori sur les gens, les pays. En fait, on ne devrait jamais en avoir. Quand on va dans l’endroit, on se rend compte, bien souvent, que l’on se trompe. Joueur, je suis venu quelque fois. Des fois, on a rigolé. D’autres, moins. On va dire qu’on recevait un accueil très chaleureux ! Un jour, on vient jouer avec Rodez. Pendant la période du défenseur nationaliste, Pierre Bianconi. Et un joueur de Rodez, Laurent Zahui, décide de se mettre un bandeau autour de la tête. On lui disait : « Pourquoi tu fais ça ? C’est de la provoc’ pour rien du tout. » Sous le tunnel, Bianconi lui enlève le bandeau. Il lui explique : « Il y a des choses qui ne se font pas, ici. » Ce fameux Laurent Zahui ne bronche pas. Il le ramasse et le remets. Ok. C’est un peu tendu. Les équipes entrent sur le terrain. Laurent Zahui était latéral gauche. On fait l’engagement, Bianconi voit qu’il est de l’autre côté, alors il traverse tout le terrain. Il se met du même côté. Sur le premier ballon, ça a sauté. Rouge des deux côtés. On les a accompagnés du regard sous le tunnel. Ils se sont arrangés tous les deux… Gilles Leclerc (défenseur du Sporting de 1993 à 1995, NDLR) m’expliquait que tous leurs matchs ici se jouaient dans le premier quart d’heure. Les premiers quarts d’heure étaient toujours compliqués. C’est le foot d’il y a quelques années… Je n’ai pas de mauvais souvenirs parce que j’adorais jouer ici. Avec la musique en entrant sur le terrain. Je savais qu’il allait y avoir match. Qu’on n’allait pas s’emmerder.

Vous étiez quel genre de milieu de terrain ?Déjà, j’étais un vrai con sur un terrain. Je prenais beaucoup de cartons. J’avais beaucoup de tempérament, je m’engageais beaucoup. Récemment, on m’a envoyé une vidéo sur laquelle je découpe un joueur de Bastia. Un tacle assassin. Ça m’a fait sourire. Mais je pouvais aussi faire de belles choses. J’étais un mélange de Ronca (Anthony Roncaglia, jeune milieu défensif, NDLR), besogneux, travailleur, engagé et de Christophe Vincent (capitaine box-to-box du Sporting, NDLR), qui a aussi ce côté-là, mais aussi une touche technique.

Je déteste l’ennui. Ici, j’avais un sourire en arrivant parce que je savais que je n’allais pas m’ennuyer.

Le Sporting engendre probablement plus de passions que Niort et le Racing-Union. Est-ce que vous sentez que votre métier d’entraîneur est plus important, ici ?Oui. Je fais le même métier, mais d’une façon différente. Quand les gens vous arrêtent dans la rue, ils disent « bonjour, coach ». Pas Monsieur ou Régis. Je sens que la place de l’entraîneur est importante, que vous avez une vraie responsabilité. J’ai le même comportement sur le terrain, mais l’attente est plus importante et différente. Être ici a fait de moi un autre entraîneur. Je ne remercierai jamais assez les dirigeants de m’avoir choisi pour entraîner le Sporting. Je le prends comme une vraie chance, et c’est pour ça que je m’investis beaucoup. C’est un honneur.

C’était comment, votre arrivée ?J’étais content de retrouver les terrains. J’avais quitté le Luxembourg après la qualification en Europe. Après, j’ai refusé des choses. Je n’avais plus envie de me forcer à quelque chose qui n’allait pas me plaire ou qui allait m’ennuyer. Je déteste l’ennui. Ici, j’avais un sourire en arrivant parce que je savais que je n’allais pas m’ennuyer. Après, j’étais curieux de découvrir un vestiaire un peu différent. J’ai joué à Montpellier, j’ai entraîné Nîmes, mais, après, j’ai fait ma carrière dans le nord. Avec des mentalités un peu différentes. Dès le premier match, on fait 0-0 contre Grenoble. Un match très moyen. À la fin, il y a un peu de tension dans le vestiaire. Je me suis dit : « Bienvenue. Impeccable. Ça s’est bien passé. »

Qu’est-ce que les joueurs corses apportent à l’équipe ?L’identité corse est importante, et les gens ont besoin de se retrouver à travers des Corses. C’est une vraie valeur que je respecte totalement. À compétences égales, je préfère à 250 % un joueur corse. Cet été, je me suis séparé d’un de ces joueurs (Yohan Bocognano, NDLR), ce qui a fait beaucoup de bruit. Je considérais qu’il ne rentrait pas dans ce que je voulais faire, dans ma construction de l’équipe. L’identité corse ne devait pas prendre le dessus sur la réalité du moment, la réalité du terrain. C’était une décision lourde à prendre, et je l’assume. Les autres représentent cette fameuse mentalité corse de l’engagement, de la générosité, qu’on oublie un peu dans le foot d’aujourd’hui. On les voit moins. Dès qu’on en parle, on dit qu’on casse les couilles.

Vous avez débarqué seulement cinq mois avant l’assassinat d’Yvan Colonna et les émeutes qui ont suivi. Comment avez-vous vécu ces événements ?Déjà, avec détachement. C’est toujours compliqué de se mettre dans la tête de gens qui défendent une cause. En fait, je n’ai aucune légitimité pour pouvoir juger quoi que ce soit. Il y a eu beaucoup de tension en ville. Il y a eu de la tension au stade. On sentait que c’était lourd. Comme le drame de Furiani est lourd aussi. Le stade de Furiani dégage une âme à travers tout ça. C’était pesant, ouais. Mais, au moins, on savait que ça existait.

Que visez-vous cette saison ?Figurer à la meilleure place possible au classement. En fait, ce que je nous souhaite, c’est de ne pas s’emmerder. Ce qui est insupportable, c’est de faire ce métier et d’avoir le sentiment de ne pas être là. Ça, ça m’est insupportable. On n’a pas toujours la vraie notion de la vie. C’est très banal, ce que je dis, mais c’est juste et c’est la vérité. Et, parfois, on oublie la vérité. On oublie la réalité. La vraie. Pas les conneries à deux balles. Qui, en fait, ne servent à rien…

C’est-à-dire ?Comme parler pour ne rien dire. Ne pas assumer ce qu’on dit. S’inventer des histoires et des situations. Il faut simplement être juste et vrai. Avec ses défauts et ses qualités. On ne sera jamais apprécié par tout le monde. Mais soyez simplement ce que vous êtes vous. Ça suffira amplement.

Certains pensent que ce serait trop tôt pour monter en Ligue 1. Qu’en pensez-vous ?C’est une vraie connerie, ça. Qui peut assurer que dans deux ans, cinq ans ou dix ans, le Sporting va monter en Ligue 1 ? Personne. Sauf si on a des moyens colossaux. Ce qui n’arrivera jamais. Mais il n’est jamais trop tôt pour monter en Ligue 1.

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Propos recueillis par Thomas Andrei, à Furiani

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