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Reece James, hommage au latéral
Flamboyant depuis le début de saison à Chelsea, Reece James s'est imposé dans le onze titulaire du champion d'Europe en titre. Moins sous les projecteurs que la plupart de ses coéquipiers, il occupe pourtant un rôle clé dans le système de Thomas Tuchel. À 21 ans et sans faire trop de bruit, James pourrait s'imposer dans les années à venir comme un latéral de référence.
Reece James est un homme généreux. Pas étonnant, donc, de l’avoir vu distribuer deux énormes caramels en ce week-end d’Halloween face à Newcastle. L’un du pied gauche, l’autre du pied droit ; suffisant pour sécuriser la victoire de Chelsea à Saint James’ Park, et permettre à son club de toujours de monter sur la première marche du podium de Premier League après dix journées. L’Anglais, qui a déjà marqué quatre fois en sept matchs de championnat, est en train de prouver qu’en plus d’être capable de croquer n’importe quel ailier, de régner sans partage sur son couloir droit et de faire pleuvoir les centres dangereux dans la surface adverse, il envoie aussi des pralines sur commande. Tout ce qu’il faut pour devenir le meilleur latéral de sa génération.
Latéral à contrecœur et homme de fer
Rappelons que l’on parle d’un jeunot de 21 ans que Thomas Tuchel n’avait pas hésité à utiliser lors de la campagne européenne victorieuse des Blues la saison dernière ; Raheem Sterling en sait quelque chose, lui qui s’est cassé les dents dessus pendant 90 minutes en finale. Lancé dans le grand bain par Frank Lampard, James a progressivement pris la place d’un César Azpilicueta vieillissant, au point de devenir l’une des pièces maîtresses de l’armada de l’ancien coach du PSG. Sa qualité principale ? Savoir – presque – tout faire. Le bonhomme s’est rapidement adapté au système exigeant tactiquement du technicien allemand. Facile pour le petit Reece, arrivé à l’âge de 6 ans à Chelsea, où il avait débuté comme avant-centre, avant de reculer au fil des années. « Je suis passé au milieu vers mes 13-14 ans, mais au bout de deux saisons, je ne jouais plus, racontait-il cet été dans un entretien accordé SuperSport. Il y avait de meilleurs joueurs que moi au milieu, donc je me suis retrouvé à droite, et j’ai détesté ça. Pendant presque deux saisons, j’ai détesté. Mais un jour, j’ai eu le déclic, j’ai compris que je ne rejouerais plus jamais au milieu, alors j’ai commencé à aimer. »
Il lui aura finalement fallu cinq ans pour s’imposer comme un modèle de latéral britannique à l’ancienne. Le natif de Redbridge, un quartier au nord-est de Londres, est peut-être un grand buveur de thé (deux sucres et un nuage de lait d’avoine, l’alliage parfait selon l’intéressé), mais il est surtout un véritable déménageur sur le terrain, où il apparaît comme puissant, endurant, hargneux – mais rarement averti –, avec une qualité de centre impeccable, une frappe de mule et une capacité à multiplier les courses. Son match face à Arsenal le 22 août dernier en a été la meilleure illustration : il délivre un caviar pour Lukaku au quart d’heure de jeu, double la mise vingt minutes plus tard d’une frappe sèche, et muselle complètement Bukayo Saka, qui sait pourtant y faire quand il s’agit de créer des brèches. Exit les nouveaux latéraux à la Trent Alexander-Arnold, jouant les meneurs de jeu au risque de négliger leur rôle défensif ; James le besogneux vend moins de rêve balle au pied, mais ne fait jamais défaut.
À droite, mais pas polémiste
Le tout, sans jamais faire de vagues. Reece James est tout sauf une grande gueule. Il est même plutôt timide lorsqu’il n’est pas sur le pré, confiait Mason Mount, issu du même millésime 1999, au sujet de son pote d’académie. Le peu d’interviews qu’il accorde et l’évident manque d’aisance face caméra du bonhomme confirment les propos de son compère. Reece James est surtout un bourreau de travail, né dans une famille de footballeurs, suivi de très près par son père ancien joueur pendant toute sa formation, et dont l’accession au plus haut niveau semblait inévitable. Seul accroc de sa jeune carrière, une première titularisation avec les Three Lions, le 14 octobre 2020, marquée par une exclusion après le coup de sifflet final pour quelques mots doux glissés à l’arbitre, au terme d’une défaite à Wembley face au Danemark (0-1). Pas de quoi déséquilibrer Reece James dans son irrésistible ascension vers les cimes. Lui, en revanche, pourrait bien mettre tout le monde d’accord à son poste en équipe nationale, malgré la concurrence cinq étoiles d’Alexander-Arnold, Kyle Walker et Kieran Trippier. Chelsea, qui l’a prolongé jusqu’en 2025 en janvier 2020, et a aussi recruté sa sœur, joueuse professionnelle, arrivée de Manchester United cet été, ne s’y est pas trompé : les Blues tiennent là un joyau.
Par Paul Citron