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Redéfinir Romelu Lukaku
Buteur à quatre reprises en une semaine, Romelu Lukaku devrait être mercredi soir à la proue du 4-4-2 d'Ole Gunnar Solskjær au Parc des Princes aux côtés de Marcus Rashford. Le tout alors que le Belge doit enfin répondre présent lors d'un grand rendez-vous et que la période semble confirmer une tendance : ce joueur est autre chose qu'un point de fixation.
Il fallait voir Ralph Hasenhüttl sortir de scène, samedi, la tête basse et les poches pleines de regrets. Interrogé dans un couloir d’Old Trafford après la bataille perdue par son Southampton face à Manchester United, l’Autrichien peinait à contrôler sa déception : « Aujourd’hui, c’est dur… On méritait mieux que cette défaite. Nous avons fait un match fantastique, nous avons été à l’aise techniquement, efficaces dans nos prises de décision. Notre première mi-temps a été brillante, on a ensuite souffert un peu, mais les joueurs ont été courageux. On a prouvé qu’on était venus chercher quelque chose ici. » Les Saints avaient mis les ingrédients pour, menaient à la pause grâce à une merveille cuisinée par le pied droit du jeune Yan Valery et gênaient considérablement les gars de Solskjær à l’aide d’un pressing haut parfaitement orchestré et terriblement intense. Dans sa zone technique, le technicien norvégien était d’ailleurs tout sauf tranquille. Puis, il a explosé lorsque Andreas Pereira a profité d’une largesse de la paire Romeu-Højbjerg pour sortir une merveille d’enroulé dans les filets d’Angus Gunn et lancer pour de bon l’après-midi de ses potes. Après la rencontre, on a alors vu Solskjær se pointer avec le sourire du coach soulagé qui a « vu un peu de tout » , mais surtout les tripes de sa bande. Précieux à quatre jours d’un déplacement pour danser avec l’impossible au Parc.
Stressant, ce MU-Southampton raconte beaucoup de ce qu’est devenu United depuis l’arrivée d’Ole Gunnar Solskjær, mais aura surtout fait remonter à la surface les vieux souvenirs du Fergie Time comme ceux, plus récents, d’une baston gagnée en octobre contre Newcastle. Ce jour-là, Romelu Lukaku, titulaire muet, était sorti du terrain avec un gros sourire : « Ok, ce n’est pas top pour le cœur, mais ça fait du bien de sortir vainqueur d’un tel match. » Samedi, face à Southampton, le Belge en a fait sauter le maillot avant de fermer instantanément les yeux, comme pour se replier sur lui-même. Peut-être avant tout car Lukaku avait décidé de plier cette rencontre en quatre et de l’utiliser pour passer un message. Trois jours après un doublé inscrit à Serlhurst Park qui lui avait permis de fracasser les portes du top 20 des meilleurs buteurs de l’histoire de la Premier League, la carcasse a rejoint Ian Wright et conforté sa nouvelle dimension statistique. Suffisant pour mettre tout le monde d’accord ? Bien sûr que non, évidemment.
Vivre face au but
Mais où est le problème ? Dans la dimension, justement, Lukaku cherchant depuis de nombreuses années à répondre à une question qu’il avait posée lui-même : « Quand je regarde Suárez, Lewandowski, Cavani, Benzema, je me demande si je peux être à leur niveau. Est-ce que je peux être l’un des meilleurs attaquants du monde ? » Aujourd’hui, c’est autre chose et Romelu Lukaku semble avant tout se demander s’il sera un jour compris pour ce qu’il est : un « cerveau d’élite » aux yeux de Roberto Martínez, un « top, top buteur » selon Solskjær. Mais aussi un type de 25 ans qui traîne derrière lui des critiques disproportionnées, des doutes, des occasions manquées, le tout derrière des caractéristiques de buteur du premier cercle. Ses récentes sorties ont raconté tout ça, mais ont aussi confirmé une chose : il faut savoir utiliser ce mec.
Dès son arrivée en décembre, Ole Gunnar Solskjær a insisté sur ce point : « Romelu est un bon point de fixation, mais en l’installant dans cette position, il n’est jamais face au but. Sur le côté, il élargit son champ d’action et peut nous faire profiter au maximum de ses qualités de buteur. » C’est ainsi que le Norvégien l’a positionné face à Southampton, ainsi qu’il l’avait installé contre Arsenal en FA Cup en janvier lors d’un match où le Belge avait délivré deux passes décisives, et que Martínez l’avait fait briller lors du quart de finale de Coupe du monde contre le Brésil l’été dernier. Dans ce rôle, Lukaku ouvre les espaces, allume les bougies pour les autres et trouve surtout davantage de liberté pour armer son flingue. Son cas est complexe et Solskjær, un homme qui connaît deux-trois choses sur les bandits de surface, le sait : il lui fallait trouver la plate-forme d’expression idéale pour un attaquant qu’on peinait au départ voir s’insérer dans le football du technicien norvégien, où le nombre de courses des joueurs offensifs est élevé et où la paire Martial-Rashford semble plus à même de briller.
Les légumes et le cadre positif
Titularisé en février à Fulham, Lukaku avait laissé passer une chance, mais confirmé une chose : cet homme n’est pas un neuf pur, pas un vrai point de fixation, et l’installer ainsi reviendrait à réduire au minimum ses qualités physiques et techniques. Alors, Solskjær l’a posé, à la suite de la blessure d’Anthony Martial, à la proue de son 4-4-2 losange. Résultat ? Lukaku a retrouvé de la liberté, des espaces pour se mettre en mouvement et non jouer uniquement en remise, et surtout pour utiliser au mieux sa science du foot. Il ne faut pas se planter là-dessus : le Belge est un homme qui pue le foot, qui le sent et ne triche pas avec. Derrière, lui ne demande qu’une chose : « Marquer. Je suis un buteur, donc je veux marquer des buts. » Mais il ne peut le faire qu’en confiance, dans un cadre positif, entouré et lorsque son physique est au poil, le hic de l’après-Mondial de l’attaquant des Diables rouges.
When the hate don’t work they start telling lies…
— R.Lukaku Bolingoli9 (@RomeluLukaku9) 5 mars 2019
« Quand je suis revenu de la Coupe du monde, j’étais très fatigué, expliquait Lukaku il y a quelques semaines au Guardian. Je me sentais bien pendant la compétition, mais quand je suis revenu à Manchester, j’ai tout de suite compris que je ne pouvais pas jouer avec la même masse musculaire en Premier League que sur la scène internationale, ce n’est pas le même style.(…)Je devais perdre de la masse et donc rester loin de la salle de gym, boire beaucoup d’eau, manger beaucoup de légumes et de poisson. Le staff médical a fait beaucoup de tests pour voir ce qui n’allait pas. Et, finalement, ils m’ont fait un programme personnalisé avec plus de travail de prévention, plus de sprints. C’est mieux pour moi. » Aujourd’hui, Romelu Lukaku en récolte les fruits, et ce, à un moment où son club a plus que jamais besoin de lui. Le Parc est un bel endroit pour valider un retour en forme.
Par Maxime Brigand