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Red Star : un retour en Ligue 2 et des questions
C'est fait : un an après son retour en National 1, le Red Star va retrouver la Ligue 2. Si la fête fut intense vendredi soir au stade Bauer, le club s'apprête une nouvelle fois à quitter son enceinte. Par un étrange paradoxe, cela constituerait presque un retour à la normalité. Seule l'histoire jugera.
Que ce fut pénible, vendredi soir, au stade Bauer. L’histoire retiendra que la fête a débuté après un difficile nul face à l’AS Lyon-Duchère (0-0). Le National 1 n’est de toute façon pas vraiment calibré pour les esthètes du ballon rond. Peu importe, dans la douceur de la nuit tombante audonienne, Bauer affiche complet, et l’ensemble de la presse est venu pointer le bout de son nez. Sur l’escalier de la tribune honneur, Hatem Ben Arfa, guest star escortée par David Bellion, prend la pose avec les gamins du Lab, la structure éducative populaire du club récompensée par la FFF, pendant que les accompagnateurs français FSGT de l’équipe palestinienne de foot de Tulkarem se rapprovisionnent en frites, ralentissant une queue déjà bien longue. Les supporters d’un soir se repèrent comme un enterrement de vie de garçon dans un parc pour enfants, et les quelques anciens, peu prévoyants, essaient d’entrer en amadouant la sécurité.
« Notre avenir doit se construire à Bauer »
Le kop de la tribune Rino Della Negra vibre et tremble, blindé de haut en bas. Chants et fumis jusque dans la rue en face de l’Olympic, où l’on se demande quel âge aura-t-on en 2024, date annoncée de la fin des travaux de rénovation du stade Bauer, s’ils ont bien lieu. Car c’est sûrement une dernière séance pour un long moment. D’ailleurs, pour en revenir au rade mythique, il se murmure que son patron songerait également à vendre, n’ayant pas la patience d’attendre qu’ultras et fans du soir reviennent gaver le tiroir caisse.
Justement, parmi les autres invités du soir : Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France. Le club a organisé une réunion l’après-midi avec les interlocuteurs institutionnels, dont aussi le département (représenté par Stéphane Troussel et Mathieu Hanotin), et le maire UDI William Delannoy, accompagné de son adjoint aux sports, Cyril Plomb, histoire d’envisager les solutions possibles pour un rapatriement rapide « à domicile » . Pour rappel, l’enceinte n’est toujours pas aux normes de la Ligue 2, la LFP préférant toujours les droits TV et les sponsors au patrimoine et la passion populaire. Le communiqué du club laisse d’ailleurs encore planer de nombreuses incertitudes. Bien sûr, si le président Patrice Haddad semble désormais définitivement converti au besoin de demeurer en les murs – « notre avenir doit se construire ici, à Bauer » –, il faut encore trouver les moyens d’y parvenir. Certes, le premier édile de la ville, de son côté, promet une livraison à l’horizon 2023 dans la perspective des Jeux olympiques, mais les fonds alloués à la part « héritage » de Paris 2024 fondent comme neige au soleil sous les contraintes budgétaires. Du côté des élus, on a davantage parlé « rayonnement » , « valeurs » et « tolérance » , fort peu finances. Seul le département semble prêt à s’engager sur le centre de formation. Bref, il manque l’essentiel : la signature en bas du chèque. Et les partenaires privés se font attendre.
Du coté du Collectif Red Star Fan, personne n’entretient plus d’illusions pour le moment. On n’apprend pas aux vieux singes à faire la grimace, surtout après l’abandon d’une rénovation a minima pour la saison prochaine : « Comme il y a trois ans, la montée gagnée sur le terrain sera suivie d’une sanction : celle d’un nouveau départ de Bauer.(…)Nombreux sont les supporters du Red Star qui, une fois passée l’euphorie de la montée, éprouveront, une énième fois, un légitime sentiment de découragement face à une nouvelle saison d’exil, sans réelle perspective de retour chez nous. »
L’immense paradoxe du Red Star, encore et toujours. Cette accession inattendue après un début de championnat un peu chaotique sauvé par une fin de saison en boulet de canon – dont on peut attribuer en grande partie le mérite à la poigne et la persévérance du coach et à l’explosion de Teddy Teuma, le Valbuena de l’étoile rouge – acquiert d’un coup un goût amer. Naturellement, beaucoup moins qu’il y a trois ans. Colombes n’est effectivement pas le East End londonien, comme chantait en 1983 le groupe Oi Wunderbach, c’est toujours malgré tout mieux que la purge de Beauvais et le calvaire de Jean-Bouin.
Le surmédiatisé et le pizzaïfié
Cela va néanmoins, forcément, un peu se payer en matière d’image. Le Red Star clôture cette saison dans une apothéose qui boucle une parenthèse enchantée. Le retour à Bauer avait marqué une renaissance, et même au-delà une sur-visibilité médiatique digne d’un pensionnaire de Ligue 1. Avec une stratégie de communication tous azimuts portée par un partenariat avec Vice – qui suscita certes quelques remous avec les supporters historiques, apaisés depuis – tout comme d’ailleurs le recrutement à l’avenant d’un ancien d’En Marche, Grégoire Potton. Résultat, même Joey Badass demanda son maillot vert quand il passa sur Paris. L’attention sur cet « autre » club francilien ne fut donc jamais aussi intense, y compris a l’étranger – du Guardian au Temps, des documentaires et une web série (Canal +), sans oublier Régis Brouard, devenu l’un des piliers de l’Équipe du Soir sur La chaîne L’Équipe. Sur les réseaux sociaux, tout le monde a semble-t-il publié sa photo au moins une fois à Bauer. Cette stratégie d’un nouveau public s’appuie toujours sur le discours sur l’identité « alternative » du club, et la présence d’un kop qui, lui, n’a rien renié de son authenticité, ni de ses convictions, comme l’a prouvé sa mobilisation en faveur des réfugiés et ses banderoles militantes. Et un soutien indéfectible, y compris dans les moments de doute, illustré par une véritable communion avec les joueurs et l’équipe.
Cette aura va quelque peu se ternir, inévitablement. Un retour à la normalité de la construction d’un gentil membre de la Ligue 2 pizzaïfiée cherchant d’abord son maintien. L’affluence et la ferveur seront atténuées dans un stade surdimensionné, à l’exception de quelques belles affiches comme Lens par exemple. Cela dit, l »étoile rouge a survécu à pire, notamment aller jouer en CFA à la Courneuve. Une histoire et une passion ne se perdent, ni se mesurent, pas seulement à l’aune des Story. Red Star rule ok !
Par Nicolas Kssis-Martov