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Recherche journaliste foot de droite qui s’assume

Par Nicolas Kssis-Martov
Recherche journaliste foot de droite qui s’assume

2011 fut une année très politique pour le football français : polémique sur les « quotas », doutes sur les grands stades de l’Euro 2016 (avec le retrait de Nancy ou les soupçons autour de celui de Lille), élections à la FFF, crise du foot amateur, débat sur la qatarisation du PSG ou sur les supporters, sans oublier l’évincement du rédac' chef de France Foot sous le prétexte d’une interview trop complaisante de François Hollande. Justement, comment la grande famille des journalistes sportifs se comporte-t-elle face à cette politisation accélérée du ballon ? Longtemps tabou, l’engagement des journalistes sportifs, à droite ou à gauche, contraints ou volontaires, serait-il en passe de se banaliser ? Parole à la défense et aux premiers concernés…

Certes le débat peut sembler spécieux, et même redondant, surtout après Knysna. Toutefois à l’époque, si l’ensemble de la presse avait analysé le traumatisme national dans toutes ses ramifications, souvent pour le pire, les journalistes sportifs ne pensaient en général qu’à sauver les Bleus du naufrage. Le sport s’est en effet toujours construit une rassurante ligne Maginot (c’est dire son efficacité !) autour du mythe de l’apolitisme coubertinicien (au passage le baron était un conservateur « éclairé » qui haïssait la commune et voyait dans le culte athlétique l’antidote à la lutte des classes), décliné ensuite dans l’habituelle rengaine de la « contamination » du terrain par des « enjeux extérieurs » . Le positionnement de L’Equipe à la Libération (après l’interdiction de L’Auto pour collaboration et la concurrence facilement vaincue de titre comme Sport proche du PCF), consista toujours à refuser, du moins frontalement, le débat partisan, et pour tout dire le débat tout court. Seulement il ne s’avère guère tenable de se réfugier davantage derrière cette vision puriste et enfantine d’un univers sportif innocent des péchés du monde profane. Le football est dans la société, pas son simple reflet, que ce soit dans le registre économique ou idéologique, voire basiquement médiatique. Jérôme Latta des Cahiers du football, souvent intronisé faction progressiste de la presse foot, propose même désormais une définition du journaliste sportif de gauche : « Il ne va pas dépolitiser le foot, il va décrypter ce qui touche à l’idéologie. En face, nous avons plutôt à faire à des symptômes de droite, comme les éditos de Denis Chaumier dans France Football, extrêmement conservateurs, notamment autour de l’équipe de France en 2010 » .

Néanmoins, Au-delà de ces – rares – clashs de conviction, la véritable ligne de fracture paraît surtout se situer sur la capacité, ou la volonté (ou non), de traiter certaines problématiques. « Franchement, je ne pense que l’on ait fait du journalisme de gauche avec cette histoire des quotas, au mieux républicain en rappelant que la constitution interdit la discrimination entre les citoyens, explique Fabrice Arfi de Mediapart, à l’origine de l’affaire qui fit trembler notre vénérable FFF. Ensuite certains ont bloqué, peut-être à dessein, sur le cas de Laurent Blanc. Nous aurions traité cela de la même manière dans un autre secteur comme l’entreprise ou l’école. Ce qui m’a frappé en revanche, ce fut la dimension très corporatiste des journalistes sportifs, comme s’ils étaient partie prenante d’un système qu’ils défendaient. »

Exercice de style

« En fait on se retrouve dans une situation assez proche du travail des journalistes politiques, poursuit de son coté Renaud Dély, directeur de la rédaction du Nouvel Observateur. Celui qui suit les meeting ne peut finalement pas être le même que celui qui va traiter les procès de corruption autour du parti, pour de simples histoires de relations avec les sources, avec le staff de campagne. Après, il faut avoir les deux démarches dans le canard, dans ce cas aussi bien le jeu que la bulle spéculative ou le dopage. » Cet étrange répartition des rôles se retrouve dans l’un des seuls titres quotidiens qui s’assume pleinement à droite. « On ne subit aucune pression de la direction ni de Mougeotte, précise d’emblée Martin Couturié du Figaro. Cependant, de fait, dans la rubrique sport, nous abordons surtout l’actualité, les événements phares, et les grands sports populaires, jamais les amateurs par exemple. Pour le reste, il faudra se reporter aux pages économique ou débat » . Il est vrai que désormais le foot est devenu, surtout cette année, un passage obligé, un exercice de style incontournable, de l’éditorialiste politique, souvent pour le coup marqué à droite (le cas emblématique d’Eric Zemmour, complété « en face » par des bavards de plateau télé à la sauce Macé-Scaron).

Donc, s’il existe donc quelques ilots assumés de gauche, les penchants réacs se devineraient d’abord dans les silences et les oublis. Ne pas évoquer un sujet se révèle finalement aussi clivant qu’une enquête orientée. Bref le refus de contextualiser (réforme territoriale vs financements publics des stades, fiscalité vs solidarité), l’absence de débat contradictoire, la sacralisation du « on veut des clubs français en Champions League ou non ? » , autant de façons d’orienter le journalisme sportif vers le « bon sens commun » , cette autre manière de parler conservateur au nom de l’apolitisme. David Garcia, en charge du sport au Monde Diplomatique, phalanstère de la radicalité lettrée et universitaire, en dresse le constat froid : « Il existe un journalisme de droite par défaut, par les manques qui dessinent une appartenance politique en creux : le refus des enquêtes dans l’Equipe, la vénération des champions, etc… Ils sont a minima des auxiliaires d’un certain ordre conservateur. Après, les personnes ne se considèrent pas forcément individuellement de droite, y compris par leur vote. De toute façon, dans la presse, il existe pas mal de rédactions de droite où gravitent beaucoup de journalistes de gauche, par exemple dans la presse éco » . Vincent Duluc, journaliste à L’Equipe, spécialiste du ballon rond, ne raconte pas autre chose et résume bien le cœur du malentendu, y compris dans les non-dits : « Franchement, je pense que 80% des journalistes sportifs sont de gauche alors qu’ils souhaitent tous quand même de beaux stades. D’où peut-être un certain malaise. Après franchement, est-ce être de droite que de vouloir une équipe de France performante, ou être de gauche que désirer une sélection métissée ? Est-ce seulement un raisonnement de gauche que de critiquer le financement actuel du foot ? Est-ce que réclamer des beaux stades en France indique ton choix lors des élections ? Moi je défends peut-être pas le sport de masse, mais simplement le sport le plus aimé par les masses. » Les autres n’ont qu’à tenir un blog (autocritique !).

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