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Rebrov-Chevtchenko, les bébés flingueurs
À la fin des années 90, l'espace de deux ans, le duo Serhiy Rebrov-Andrei Chevtchenko a déstabilisé toute l'Europe à la tête de l'attaque du Dynamo Kiev de Lobanovski. Avec, en guise de récompense, une demi-finale perdue de peu face au Bayern Munich. Retour sur cette période dorée à l'heure où Rebrov guide le Dynamo vers une possible nouvelle demi-finale européenne.
On ne va pas se mentir : la vraie grosse saveur de la campagne de Ligue des champions du RC Lens en 1998-99, ça n’a jamais été Mickaël Debève qui secoue sa tignasse de chanteur de rock-variétés après avoir repris un centre au deuxième poteau face à Arsenal à Wembley. L’attaque du Dynamo Kiev composée par Serhiy Rebrov et Andrei Chevtchenko, ça, c’était quelque chose… À dire vrai, ils sont sans doute nombreux du côté de Félix-Bollaert à avoir eu ce sentiment de fascination-répulsion à l’idée de voir évoluer le duo de voltigeurs ukrainiens face aux Sang et Or. Et comment ne pas les comprendre. Un an auparavant, un soir de novembre 1997, la paire Rebrov-Chevtchenko s’était signifiée à l’Europe de la plus belle des manières. Pour le compte de la quatrième journée de Ligue des champions, le FC Barcelone affronte le Dynamo Kiev au Camp Nou. Les Blaugrana, à la peine dans ce groupe C avec un seul point dans l’escarcelle, souhaitent reprendre un peu de confiance et, surtout, laver l’affront du 3-0 que les ouailles de Van Gaal ont subi deux semaines auparavant au stade olympique de Kiev. Raté : le Dynamo Kiev met une encore plus grosse branlée au Barça en lui infligeant un 0-4 à domicile. Trois buts de Chevtchenko, un de Rebrov. Un modus operandi qui va terroriser l’Europe entière pendant près de deux ans.
Passe de Rebrov, but de Chevtchenko et on recommence
Malgré les espoirs générés par les deux énormes performances face au Barça, le Dynamo Kiev ne confirme pas en Ligue des champions : en quarts de finale, il tombe lourdement (5-2 sur les deux matchs) face à une Juventus championne en titre et future finaliste de la compétition. Le duo Rebrov-Chevtchenko repart néanmoins en ayant scoré à onze reprises (six fois pour le premier, cinq pour le second). L’exercice suivant, le Dynamo Kiev sort une nouvelle fois premier de sa poule de Ligue des champions, notamment en battant Arsenal à domicile sur le score de 3-1 (dont deux buts signés Rebrov-Sheva). En quarts, ils affrontent à nouveau le tenant du titre : le Real Madrid avec Davor Šuker, Predrag Mijatović, Clarence Seedorf et Raúl. Mais la révolution est déjà en marche. À Santiago-Bernabéu, les deux formations se neutralisent (1-1), et les Madrilènes font clairement une mauvaise affaire, obligés de s’imposer dans cette citadelle imprenable qu’est le stade olympique de Kiev, où 80 000 supporters déchaînés s’amassent chaque semaine. D’ailleurs, les bookmakers donnent les Ukrainiens vainqueurs à 70%. À raison : 2-0 pour le Dynamo. Surtout, c’est la manière qui marque les esprits. Si le premier but est un penalty inscrit par Chevtchenko, l’action qui amène la faute dans la surface est exactement la même que celle qui conduit au second but : passe millimétrée de Rebrov dans le trou pour Chevtchenko qui mange tout le monde à la course.
125 buts en 174 matchs
Au tour suivant, le Dynamo se retrouve opposé à un Bayern de bouchers et de grandes gueules, entre Oliver Kahn et Mario Basler. Qu’importe, les jeunots ukrainiens sont irrésistibles et vont jusqu’à mener 3-1 chez eux après deux buts de Sheva et un de Kosovsky. Le Bayern accroche in extremis le nul grâce à un coup franc limpide d’Effenberg puis un but tout en rage de Jancker, ce dernier étant marqué juste après un sauvetage sur la ligne de Lothar Matthäus sur un corner repris par Chevtchenko. Au retour, les Bavarois s’imposent 1-0 d’un imparable enroulé lucarne opposée de Basler à l’entrée de la surface. Même si Chevtchenko peut se consoler avec le titre de meilleur buteur de la compétition, cette élimination en demi-finale signe la fin d’une aventure pour le Dynamo Kiev et surtout, pour le duo Rebrov-Chevtchenko. S’ils se retrouveront bien en sélection, leurs chemins sont amenés à se séparer en club. Sheva se taille au Milan AC à l’été 99, tandis que Rebrov en fait de même l’année suivante à Tottenham. Ensemble au Dynamo Kiev, ils auront glané cinq championnats d’Ukraine et trois Coupes d’Ukraine. Plus précisément, entre 1997 et 1999, ils auront inscrit la bagatelle de 125 buts toutes compétitions confondues. En seulement 174 matchs.
Rebrov, représentant d’une nouvelle génération… d’entraîneurs
Pourtant, sur le papier, ce Dynamo Kiev n’était pas si impressionnant, toutes proportions gardées concernant l’émergence de Chevtchenko. Si le club ukrainien s’est mis à marcher sur l’Europe, c’est aussi parce qu’il coïncide avec le retour en grâce du plus grand tacticien de l’histoire du foot jaune et bleu : Valeri Lobanovski. Parti se dorer la pilule et profiter du capitalisme en entraînant des nations du Golfe à la chute du bloc soviétique (Émirats arabes unis, Koweït), Lobanovski revient en 1997 dans le club qui l’a couronné de succès. Évidemment, il applique les mêmes méthodes qui ont fait que son Dynamo remporta la C2 en 1975 et 1986 : un jeu vers l’avant à l’exécution foudroyante inculqué par la répétition. Encore et toujours. Un système dans lequel s’épanouissent tout à fait les encore jeunes Rebrov (23 ans) et Chevtchenko (20 ans). Après tout, si l’on mélange du jaune et du bleu, ça donne du vert. Nul doute que Rebrov a dû garder un peu du Lobanovski des années 90 maintenant qu’il coache le Dynamo Kiev. À seulement 40 ans, et pour sa première année en tant qu’entraîneur, l’ancien duettiste a remporté la Coupe d’Ukraine. Avec Lobanovski décédé en 2002 et un Blokhine légèrement vieillissant, Rebrov cristallise les espoirs d’un football ukrainien en manque de nouveauté, dont l’assise tactique est dominée depuis dix ans par un entraîneur roumain (Mircea Lucescu). En guise de première étape de ce long chemin, Rebrov devra battre la Fiorentina pour atteindre les demi-finales d’une compétition européenne. Une histoire qu’il connaît bien : la dernière fois que le Dynamo avait fini dans un dernier carré, il était déjà là. C’était en 1999 face au Bayern.
Par Matthieu Rostac