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Real Sociedad-Atlético, la guerre du style
Tous les deux situés sur le podium de cette surprenante Liga 2020-2021, la Real Sociedad (troisième, 26 points) et l’Atlético de Madrid (premier, 29 points) s’affrontent à Anoeta. Chacun à leur manière, Basques et Madrilènes visent des objectifs différents, mais aussi symptomatiques des capacités réelles des deux clubs.
Si on la regarde de manière plus romantique, cette opposition entre la Real Sociedad et l’Atlético de Madrid dans la course au titre en Liga ressemble à deux sortes d’histoires d’amour. La Real, c’est l’idylle estivale traversée de manière intense et passionnelle jusqu’au jour où la réalité vient toquer à la porte pour siffler la fin de la récréation. L’Atlético de Madrid, c’est la rencontre plus cartésienne où les éléments permettent de constater par a + b qu’une relation aussi stable que durable devient envisageable. De fait, il y a, d’un côté, une Real Sociedad qui a enflammé le début de saison, à une période où les grosses écuries étaient encore en rodage. Les Txuri-Urdin ont profité de leur forme étincelante pour enchaîner les victoires et s’emparer de la tête de la Liga… avant de redescendre sur terre. De l’autre côté, il y a l’Atlético. Qui, en bon diesel, a commencé doucement, avec notamment deux nuls 0-0 contre Huesca et Villarreal, avant de monter en puissance. Et de poser à son tour ses fesses sur le trône de la Liga.
Départ canon, puis les blessures
Pour la Real Sociedad, le premier couac a eu lieu le 29 novembre. Alors qu’elle restait sur une série de six victoires consécutives, l’équipe basque n’est pas parvenue à battre Villarreal à domicile, 1-1. Cela aurait juste pu être un coup d’arrêt, sauf que depuis, la Real n’a plus été capable de gagner le moindre match. Le coach, Imanol Alguacil, tente néanmoins de tempérer : « Même avant que cela s’emballe, nous n’étions pas candidats à gagner la Liga ou même se qualifier pour la prochaine Ligue des champions, tout simplement parce que nous ne pouvons pas maintenir ce rythme », a-t-il assuré en conférence de presse. Vrai. Néanmoins, sa mine déconfite après la défaite de samedi soir sur la pelouse de Levante, où son équipe a été renversée après avoir mené 1-0, semblait dire que, quelque part, Alguacil s’était pris au jeu.
Qu’il ne croyait peut-être pas à un titre de champion, c’est une évidence, mais qu’il se voyait bien venir jouer les fauteurs de trouble en haut du classement pendant encore quelque temps, ça, c’est une autre affaire. Et les deux derniers faux pas, face au Barça et Levante, sont d’autant plus rageants qu’ils se sont dessinés de la même façon : la Real a ouvert le score, et a finalement perdu 2-1, les deux fois. Alguacil : « Nous ne sommes pas si loin de l’équipe que nous étions il y a un mois, tempérait-il samedi soir après la rencontre. En ce moment, c’est difficile d’obtenir des résultats, car le niveau de stress physique est brutal. Sans avoir tout votre effectif, et je dirais même des cadres, cela amplifie le phénomène. Plus que jamais, je donne un mérite énorme à ce que nous réalisons dans cette période. » Effectivement, l’absence des fameux tauliers cités par le coach a fait beaucoup de mal : Mikel Oyarzabal, qui était jusqu’au week-end dernier le meilleur buteur de la Liga 2020-2021 avec sept buts en onze matchs, et David Silva, la recrue phare de l’été à Saint-Sébastien, ont tous les deux regardé les derniers matchs depuis leur canapé. Or, c’est clairement depuis que ces deux-là sont out que la Real patine. Et pourtant, c’est bien sans eux qu’il va falloir affronter, ce mardi soir, l’Atlético de Madrid, le nouveau leader.
Simeone : « Ici, chaque minute se gagne au mérite »
Meilleure défense de Liga avec cinq buts encaissés en douze rencontres (dont deux face au Real Madrid), l’Atlético reste un modèle d’imperméabilité. Souvent imité, le modèle traditionnel en 4-4-2 de Diego Simeone n’a jamais été égalé par les adeptes du bétonnage comme Getafe, le Real Valladolid ou le Deportivo Alavés, tous les trois à la lutte pour le maintien dans l’élite cette saison. Comment se fait-il que l’Atlético parvienne à sublimer sa méthode de son côté ? Grâce à l’évolution. Aujourd’hui, les concepts de Simeone ont été peaufinés pour alterner une défense à quatre avec une ligne arrière de cinq. Le but ? Exploiter un maximum les ailes et créer le décalage grâce aux mouvements dans les couloirs. Dès lors, l’ailier Yannick Ferreira Carrasco redescend de deux crans pour gicler en contre et prendre la défense adverse de vitesse comme lors de son but face au Barça. Une technique payante dans sa globalité, même si ce modèle a connu des limites lors du derby face au Real Madrid.
L’autre explication de cette exceptionnelle solidité, c’est la qualité de profondeur d’effectif dont bénéficie l’Atlético de Madrid. Orphelin de José María Giménez depuis le début du mois, l’Atlético ne connaît pas la crise défensive grâce à un Stefan Savić en forme olympique, un Felipe présent pour consolider la charnière centrale et un Mario Hermoso revigoré. De quoi permettre à Jan Oblak de s’équiper d’un beau gilet pare-balles. « Chaque joueur qui signe à l’Atlético de Madrid nécessite un temps d’adaptation pour intégrer notre méthode, assurait El Cholo à la suite de la victoire de ce week-end contre Elche (3-1). Nous savons qu’un joueur comme Hermoso est capable de jouer en stoppeur avec sa hiérarchie dans les choix et sa vision du jeu. Si Hermoso est aujourd’hui à ce niveau-là, c’est grâce à sa volonté de s’aligner sur notre exigence collective. Ici, il n’y a pas de poste attribué à l’un ou l’autre. Chaque minute se gagne au mérite. » Une philosophie valable également dans le domaine offensif, où la paire Luis Suárez-João Félix justifie sa place sur les pelouses de Liga par son excellent rendement (sept buts et une passe décisive en neuf matchs pour El Pistolero, cinq buts et trois passes décisives en douze rencontres pour la perle portugaise). De quoi faire trembler la défense de la Real Sociedad, qui, plus que jamais, aurait besoin d’un bon résultat ce mardi soir pour raviver la flamme. Et pour prouver qu’elle n’était pas qu’un tube de l’été.
Par Antoine Donnarieix