Real – Robben Hood

Depuis quelque temps déjà, le Real Madrid s’est spécialisé dans le recrutement de footballeurs blessés. En faisant signer Robben il y a bientôt un an et demi, Ramon Calderon a donc respecté la tradition des joueurs d’infirmerie comme Prosinecki, Woodgate ou encore Ronaldo.

C’est pourtant la meilleure décision qu’il ait prise lors de son mandat, en plus d’être la seule promesse électorale respectée à l’encontre des socios. Arrivé pour 36 millions d’euros et autant de doutes, l’ancien pupille de Mourinho à Chelsea ne rassura pourtant personne lors de sa présentation officielle : « Je ne suis pas un joueur de cristal et je vais le démontrer à Madrid » . Une semaine plus tard, le génial Batave était déjà à l’infirmerie.

Depuis son arrivée à la Maison Blanche, Robben a d’ailleurs passé plus de temps avec les médecins qu’avec ses coéquipiers. Au total, il en est déjà à onze blessures en moins de dix-huit mois : deux ruptures musculaires dans le biceps fémoral gauche, deux surcharges dans les isquio-jambiers de la jambe gauche, une surcharge dans la zone lombaire, une décomposition musculaire dans les deux jambes, une rupture du ligament latéral externe de la cheville gauche, trois œdèmes musculaires et en dessert, une rupture d’un muscle de sa jambe droite.

A raison d’un salaire annuel de 7 millions d’euros sur cinq ans, Arjen Robben a donc en moyenne facturé la minute de jeu 60 000 euros pour sa première saison. Exaspéré par si peu de rentabilité, Schuster mit alors les pieds dans le plat : « Le problème de Robben n’est pas physique, mais psychologique. C’est le stress qui a raison de son corps » . Pour répondre au Teuton moustachu, les médecins du Real donnèrent alors quelques pistes un peu foireuses (de sa manière de courir jusqu’à une mauvaise structure osseuse) pour essayer de comprendre l’énigme Robben.

Finalement, c’est Tscheu La Ling, l’étrange médecin personnel du Hollandais, qui mit tout le monde d’accord : « Les médecins qui s’occupent de lui sont des charlatans. Avec moi, Robben ne sera plus jamais l’homme de cristal. Il faut essayer de le comparer à une voiture de luxe pour comprendre son cas : si on n’utilise pas la bonne huile, ça ne marche pas » . Force est de constater qu’il avait finalement raison. Après avoir changé son régime alimentaire et lui avoir programmé des séances d’entraînement personnelles spécifiques, Robben est aujourd’hui devenu le Messi du Real.

Depuis le départ de Robinho vers Manchester City, Robben est ainsi le seul Madrilène capable de déborder avec une facilité déconcertante. Supersonique avec la balle, déséquilibrant par ses crochets et ses feintes, le Néerlandais est actuellement littéralement “on Fire”. Il est d’ailleurs responsable de 61% des buts marqués par les pensionnaires de la Maison Blanche depuis l’arrivée de Juande Ramos sur le banc, et le seul capable de redonner le sourire à des socios qui n’en peuvent plus de voir des tracteurs comme Salgado, Metzelder ou Cannavaro fouler la pelouse du Bernabeu.

L’ancien entraîneur de Séville, amateur de joueurs de couloir comme Jesus Navas, a d’ailleurs rendu un bel hommage à son Batave volant : « Les ailiers sont les joueurs les plus complets mais aussi les plus rares à trouver dans le football moderne. On pourrait toujours jouer sans ailiers dans une équipe, c’est sûr, mais se priver de talents purs comme Jesus Navas ou Arjen Robben serait vraiment un crime » .

En clair, le Real n’est plus le même sans Robben. Sous l’ère Ramos, les Merengues n’ont d’ailleurs perdu qu’un seul match. Celui où Robben ne jouait pas (une expulsion qui lui avait valu de rater le Clasico). Replacé sur le couloir droit par l’ancien coach de Tottenham, l’international hollandais est incontestablement devenu l’homme le plus important des Merengues, mais aussi le meilleur joueur du championnat par intermittence. « A droite, paradoxalement, je suis plus libre qu’à gauche. Je peux déborder, repiquer au centre ou aller vers le but. Pour moi, c’est comme si j’étais à la maison » .

A 25 ans, Arjen est donc manifestement enfin en pleine possession de se moyens. Un peu trop peut-être : « Les gens disent que je dribble trop, mais en fait, je ne réfléchis pas quand j’ai le ballon. J’essaie toujours de faire une passe ou un centre mais ça va tellement vite que je suis quelques fois obligé de finir moi-même mes actions » . Son but contre Villarreal est là pour en attester. Alfredo Di Stefano en a d’ailleurs fait son héritier naturel récemment : « Si Robben porte autant le ballon, c’est parce qu’il va plus vite que le reste de l’équipe. C’est aux lents de s’adapter à son style, pas le contraire. Le problème, c’est qu’il a une boite de rapport à six vitesses alors que les autres ont du mal à enclencher la cinquième » . Et si en fin de compte c’était lui l’orange mécanique ?

Par Javier Prieto Santos