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Real Madrid : quelle tactique pour enfin dominer le Borussia ?
Les faits sont là : le Borussia Dortmund est la seule équipe invaincue de cette Ligue des champions, a vaincu le Real Madrid à deux reprises en quelques mois et arrive au Bernabéu avec un rassurant 4-1 dans les valises. Alors qu'il est au bord du précipice, le Real Madrid peut-il parvenir à se réinventer ? Entre chauds espoirs et froides vérités, la formation de Mourinho risque bien de se retrouver le cœur à la main dans un combat contre des idées plus abouties que les siennes. Et ce n'est pas la première fois.
La domination tactique du Borussia à l’aller
Toute la semaine, la capitale espagnole avait un gros mal de crâne. Après des mardis et des mercredis de rêve au sein d’une saison trop mouvementée, la Décima s’est peut-être envolée à Dortmund. Le constat a été dur à avaler, mais le Real s’est fait surclasser. Techniquement, tactiquement, mentalement. Il ne s’y attendait pas, et les quatre coups de couteau de Lewandowski ont été perçus comme le résultat d’une embuscade imprévisible. Et pourtant. L’an passé contre le Bayern et en poule contre le Borussia, le Real avait déjà échoué à dominer dans le jeu. Car plus que le score spectaculaire, la surprise est venue du sentiment d’impuissance dégagé par la formation de Mourinho.
Peu importent les différentes tentatives, le Real n’y arrivait pas. Sans l’initiative, le Real s’est montré fébrile en début de match. Avec l’initiative, les armes blanches se sont avérées stériles, tristement concentrées sur les combinaisons Cristiano-Coentrão. Avec Özil à droite, l’axe s’est retrouvé dépourvu de créativité. Avec Özil dans l’axe, c’est le bloc défensif qui s’est fait bousculé. 4-1-4-1 d’abord, 4-2-3-1 ensuite, rien n’y faisait : le Real a subi. Gêné par l’activité de Götze et Lewandowski, le moteur Xabi Alonso a manqué d’autorité et d’espace. L’entrée de Kaká a amené des mouvements intéressants, avec et surtout sans le ballon, mais on ne renverse pas un 1-4 avec de l’improvisation. En plus du rendement de certains joueurs, c’est le système, les idées et la conception du jeu qui ont manqué.
Les limites du modèle anti-Barça de Mourinho
Pour comprendre la faille, il faut revenir aux racines du projet blanc. En 2010, Florentino Pérez (et le quotidien Marca, un peu) vire Manuel Pellegrini et ses idées pour miser sur Mourinho et ses certitudes. L’objectif est limpide : il faut mettre fin, impérativement, et au plus vite, à la domination du Barça sur l’Espagne et l’Europe. Le recrutement et le système sont donc orientés dans l’optique de créer un monstre anti-Barça. Mission accomplie : Mourinho transforme une équipe éliminée par Lyon dès les huitièmes de C1 2009 en une unité merveilleusement douée pour jouer un football vertical d’une vitesse et d’une intensité dévastatrices. Madrid devient un modèle, un contre-modèle. Sauf que pour ramener la « Dixième » aux Madridistes, il faut battre les autres grands d’Europe. Et changer de modèle, donc.
Après le quart de finale de Dortmund contre Málaga, on ne peut s’empêcher de repenser au bon Pellegrini qui, avec Julio Baptista, Roque Santa Cruz et son génie, aura tenu sa qualification jusqu’au dernier moment en Allemagne. Le débat pourrait prendre de l’ampleur à Madrid en cas d’élimination. D’un côté, le gagnant Mourinho et son intelligence, sa préparation des matchs et ses dons de motivateur. De l’autre côté, « l’Ingénieur » Pellegrini, l’homme qui sait bâtir des collectifs, les faire grandir, les développer, les adapter, à qui on n’a pas « laissé le temps » . L’histoire est coquine : Mourinho va se retrouver à s’inspirer de Pellegrini pour l’emporter ce soir.
Se réinventer, mais comment ?
On peut déjà essayer de deviner les dynamiques tactiques de la soirée : avec trois buts à rattraper, le Real commencera forcément en trombe, avec l’obsession d’avoir le ballon dans les pieds et d’arriver rapidement à la surface adverse. Surtout, on attend le Real dans le contrôle du jeu : le Real doit jouer, longtemps, beaucoup, et bien. « Il faut y aller minute par minute, but après but et ce jusqu’au dernier instant » , disait Mourinho hier. Construire, distribuer, toucher le ballon, jouer, inventer et enfin conclure. L’idée la plus évidente est logiquement d’associer Xabi Alonso et Modrić devant la défense, et de sortir Khedira du onze. Avec deux créateurs « profonds » , les offensives madrilènes auront le luxe de se reposer sur deux piliers capables de supporter le siège que requiert l’exploit de la remontée.
On attend ensuite le quatuor CR7-Özil-Di María-Higuaín, mais à entendre Mourinho, ce n’est pas la seule option : « À Dortmund, le onze était évident. Il n’y avait pas de doutes, à part Di María. Demain sera différent. Nous pouvons jouer avec des joueurs qui normalement ne jouent pas. Avec un autre système. » Alors, Kaká ? Callejón ? Benzema et Higuaín en même temps ? Aucun des deux ? Et si Özil était insuffisant pour inventer la passe miracle ? Trop dépendant de son allemand globuleux dans le troisième quart du terrain, le Real pourrait prendre le risque de multiplier les menaces autour de la surface (Kaká ?), quitte à demander un travail énorme à ses latéraux Coentrão et Ramos.
Le cœur du Bernabéu, la force de Cristiano, l’esprit de Juanito et la jeunesse allemande
Au-delà du système et de l’animation, ce sont aussi les hommes qu’attend le public du Bernabéu. Dans Marca, Santiago Siguero pose aussi la question du rendement des armes offensives madrilènes : « Serait-ce impossible de voir une équipe avec Cristiano, Özil, Di María, Benzema, Modrić, Xabi Alonso ou Higuaín qui coïncideraient en un jour d’inspiration ? » Si Juanito est toujours considéré comme l’homme des grandes remontées dans l’histoire du Real, il pouvait aussi compter sur Camacho ou encore Santillana. Et mises à part les incroyables garanties qu’offre toujours Cristiano, les stars du Real se sont cachées jusqu’à présent.
Or, des stars, le Borussia n’en a pas (encore) beaucoup. Et le manque de solidité des hommes de Klopp lors du match retour contre Málaga est resté dans les esprits. Les Allemands ont peut-être retenu la leçon, ou peut-être pas. Toujours est-il que la pression sera énorme sur leurs jeunes épaules. Les idées, oui. Mais le cœur, aussi.
Par Markus Kaufmann
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