Real Madrid : que le spectacle commence ?
Comme tous les ans, le plus grand club du monde fait si bien le spectacle l'été venu, avec numéro d'équilibristes, rumeurs et exercices de styles aussi spectaculaires les uns que les autres, que personne ne peut différencier le Clown Auguste de Monsieur Loyal. Pour comprendre pourquoi les Merengue ont perdu contre le Deportivo La Corogne (2-1) au Riazor lors de la première journée de la Liga, retour sur la dernière semaine de préparation onirique des artistes de la Maison Blanche. Filage du spectacle ou semaine des guignols ?
Samedi 23 août 2008L’Espagne compte ses morts à l’aéroport de Barajas. Robinho, présenté comme LE joueur à virer pour faire venir Cristiano Ronaldo (aka « CR7 » ), veut regagner le monopole de l’info et se lamente : « J’ai terminé un cycle et je veux partir à Chelsea. (…) Ma relation avec les joueurs et l’entraîneur est la meilleure possible mais je veux être le meilleur du monde et à Madrid, ce n’est pas possible » . La presse se lâche : « Même s’il lui reste un an, les supporters ne veulent pas entendre parler de lui » pour As, « Qu’il parte et qu’on signe Diego Capel ou Cazorla » pour l’organe de propagande du club, Marca. Ramon Calderon ne peut qu’acquiescer : « Le Real ne gardera pas un joueur contre son gré, et il n’y a pas d’autres remèdes que d’accepter la « résolution unilatérale » du contrat selon la volonté du joueur » . Traduction : 150 millions d’euros à payer comme bon de sortie. Calderon aurait balancé dans les dents du brésilien lors d’une rencontre « secrète » (à la madrilène), chez lui : « Ne va pas à Chelsea parce qu’ils ne te donneront pas ce qu’ils promettent. Ils ont payé 45 millions pour Sheva, alors pour toi, ce ne sera pas plus de 30. Ne te trompe pas » . Scolari annonce que « c’est le Real qui fixe le prix » . Chelsea, par l’intermédiaire de Peter Kenyon, en propose 34. L’équipe-type semble se dessiner : 4-3-3 inédit retenu par Schuster, avec Iker – Marcelo, Cannavaro, Pepe, Ramos – Guti, Diarra, Sneijder (Van Der Vaart ?) – Robben, Raul et VanNistelrooy (Higuain ?). Hernan Guti est le nez rouge du jour, qui lâche à l’entraînement à l’assistant Manolo Ruiz qui demandait s’il manque quelqu’un dans le vestiaire : « Oui, il y a Cristiano Ronaldo qui est toujours en train de se changer » . Ambiance.
Dimanche 24 août 2008A l’aube, comme 71% ( !) des téléspectateurs espagnols du moment, Iker Casillas est branché sur TVE 2 pour regarder la finale olympique du tournoi de basket entre l’Espagne de Pau Gasol et les USA de Kobe. Treize erreurs d’arbitrage et une défaite plus tard, Iker part, très remonté, rencontrer les gamins d’un stage à son nom, vêtu en toute modestie d’un tee-shirt à son effigie, version Jesse Garon, en filigrane noir-et-blanc. Le cas Robinho sert d’exutoire: « S’il n’est pas content, qu’il s’en aille. On veut un groupe fort et uni » . Et de finir en beauté, plus que limite : « Je serais ravi que David Villa, un joueur national et un ami, puisse contribuer à la réussite du Real » .
Le Villa en question est annoncé en ville le soir même, lors du match retour de la Supercoupe entre le Real et Valence. Avant le match, bronca énorme à l’annonce du nom de Robinho, qui restera planqué sur le banc, après avoir aussi été hué à la sortie de l’hôtel des joueurs. Après une victoire 3-2 lors du match aller à domicile, Valence déjoue. Le Real, qui n’avait pas gagné de rencontre à deux tours depuis deux ans et demi (éliminations face à Arsenal en 2006, le Bayern en 2007 et la Roma en 2008 en Ligue des Champions, face à Saragosse en 2006, le Bétis en 2007 et Majorque en 2008 en Coupe du Roi et face à Séville en 2008 en Supercoupe), survole la rencontre face à une équipe en anémie, avec un entraineur incapable de profiter de l’expulsion de Van der Vaart, suite à un tacle maladroit raté, et de celle de Van Nistelrooy, en deux temps avec à chaque fois un pied qui traîne. Victoire 4-2 (Silva et Morientes pour Valence, VanGol, Ramos, De la Red et Higuain pour le Real) pour le premier titre de la saison. Un exploit portnawak, vue la fébrilité du Valence d’Umain Enry. Les restes du monde : « Christophe Pignol renforce Saragosse » comme le titre Marca, tandis que le Christophe Cheval jamaïcain, Usain Bolt, déclare « aimer Messi et Henry mais préférer Van Nistelrooy et Raul, et rêver un jour de faire un entraînement avec le Real » . Et son entraineur de confier, qu’un jour, « Usain me demande le vélo pour aller se balader, n’est pas rentré trois heures après, avant que (je) le retrouve en train de faire un foot avec des gamins dans un parc » . A Valence, en direct du Grand Prix de Formule 1, Ramon Calderon parle de Robinho et ne se « souvient pas qu’un joueur ait déclaré vouloir quitter le Real » . Schuster temporise : « la décision se joue au-delà du joueur » . Même si Peter Kenyon, de Chelsea, est attendu à Madrid le lendemain avec 40 millions dans ses valises, Wagner Ribeiro, l’agent de Robinho, est désigné guignol du jour par la presse et coupable de planter la carrière de son joueur : « Le brésilien et son « cerveau » n’auront utilisé quelque chose aussi sérieux que le contrat qui lie le joueur au Real que pour se doter de douzaine de préservatifs que le brésilien a l’habitude d’utiliser pour ses fêtes de célébration de buts » .
Lundi 25 août 2008Dans la presse, les madrilènes sont encensés et Robben érigé en héros, grâce à un match correct transformé en démonstration grâce à des latéraux de Valence inexistants. Cirage de pompes habituelle pour Marca et As qui saluent le « seigneur » Ramon Calderon. Le président madrilène aurait annoncé aux présidents de Séville, de Villareal et de Valence qu’il ne mettrait pas la pression sur leurs joueurs vedettes pour les faire venir et qu’il arrêterait tout recrutement d’espagnols de la Liga quinze jours avant la fin du marché des transferts. A la Jean-Mimi Aulas, finalement… Pour autant, Villa et Cazorla sont plus que jamais attendus pour remplacer Robinho, donné partant. Guti est le naturaliste du jour, croisé par hasard à l’entrée du musée de l’homme en famille, maman, bimbo et enfants inclus. Titre de l’exposition : « Anatomies, l’être humain comme vous ne l’avez jamais vu » . Sans tatouages ni mèches blondes ? Une révélation pour la « petite pucelle » de Gravesen.
Mardi 26 août 2008Autre drame aéronautique : le Real envisage de se séparer de son avion aux couleurs du club, qui permettait à certains supporters de faire des déplacements avec l’équipe et les dirigeants. Motif : Bernt Schuster a utilisé les vols charters tout l’été lors des différentes rencontres amicales et à aimé le low-cost. Toujours ça de gagner sur les transferts… A la Ciudad Deportiva, on se délecte des journaux : Ivan Campo est annoncé comme la « nouvelle star » de la First Division anglaise à Ipswich et Canizares refuse une offre de 4 millions d’euros sur 4 ans de… Badajoz, formation de troisième division. Personne ne comprend le jeu de mots des brèves : « David Sommeil est toujours inconscient après son attaque cardiaque » . Le mime du jour : le génialissime grabataire Alfredo Di Stefano singeant Muhammad Ali, remettant tremblotant aux quatre capitaines Guti, Raul, Casillas et Salgado leurs carnets officiels de l’association des anciens du club. En ville, les allemands de Schalke 04, qui rencontrent l’Atlético le lendemain, ont commencé à squatter les terrasses des cafés dès la fin de matinée. Chants teutons et effluves de bière à dix mètres. Fred Rutten, l’entraîneur allemand, déclare, agacé, « savoir comment défendre sur Kun Aguero » . Fin de la pré-saison et grosse inquiétude pour le foot espagnol : la Liga a plus besoin de défenseurs que d’attaquants.
Mercredi 27 août 2008Au stade Vicente Calderon, l’Atletico retourne Schalke 04 (4-0). A Bernabeu, où se tient le Trophée éponyme, trentième du nom (dont dix-huit victoires Merengue), entre le Real et le Sporting de Lisbonne. Les stadiers regardent le Kun recevoir son trophée d’homme du match (un but et deux passes décisives) sur les écrans de contrôle. Jerzi Dudek remplace Iker et s’échauffe magistralement, ne captant quasiment aucun ballon et se déchirant trois fois aux dégagements, dont un en tribune. Fébrile, il refusera toute passe en retrait lors des premières minutes de ce match en demandant à Metzelder de jouer plus bas. Robben, oublié en permanence, illumine le côté gauche par la grâce d’une défense surréaliste des portugais : personne ne souhaite jouer arrière droit. 3-0 pour le Real au bout de 24 minutes, grâce à Higuain, Robben et de nouveau Higuain, après un slalom de 80 mètres de Marcelo, avec une frappe du gauche lumineuse en lucarne. Un but d’Izmailov fait illusion avant que Raul et Pedro Silva (csc), désigné arrière droit malgré lui, ne fassent du 5-1 un clownesque score de mi-temps. A noter la prestation catastrophique de Sergio Ramos, dans le pur style d’un français de Hull City… Deuxième mi-temps poussive, malgré les gros efforts de Cannavaro, fraîchement lancé : pour un match de rentrée après blessure, l’italien réussit à collecter un carton jaune pour trois interventions en retard sur la même action et sur dix mètres. Dernière minutes flottantes des madrilènes pour un score final de 5-3, avec un temps de réaction sur coup-franc de Codina, le remplaçant de Dudek, digne des grandes années de Jean Castaneda. Entretien en zone mixte où Cannavaro se révèle polyglotte.. Espagnol ? « No » . Anglais ? « Pff… » . Français ? « Hummm… » . Italien ? « Un poco » , en espagnol, hilare, avant de s’éclipser. Sacré Fabio, qui confirme, avec une subtile propension à dire, où faire, des boulettes avec le sourire, qu’il est bel et bien le Jean-François Copé du foot. Le funambule du jour : Thierry Henry, au Barça, en équilibre entre la confiance accordée par Guardiola et la médiocrité de ses choix sur le pré, gratifié d’une note de zéro sur trois et d’un « peu d’idées à l’aller, rien depuis » pour sa prestation lamentable lors de la défaite au match retour des qualifications en Ligue des Champions contre le Wisla Cracovie.
Jeudi 28 août 2008Schuster revient délicieusement sur le non-match et la faible prestation du Sporting : « Nos adversaires croyaient que le match commençait une heure plus tard » . Une montre Audemars Piquet à 48 000 euros, remise à chaque joueur et technicien du Real impliqué dans la conquête de la Liga 2006-2007, est retrouvée dans le coffre du club : Fabio Capello n’aura jamais l’heure, les dirigeants du club n’ayant pas apprécié son attitude lors de son départ. Le transfert de Robinho est validé par les dirigeants du Real Madrid. Son sort est dans les mains de Bernt Schuster. Or, le technicien allemand souhaite le garder et dans le même temps, Valence annonce refuser 40 millions plus Saviola pour David Villa, et Villareal scande avoir prolongé Cazorla. Cazorla, qui annonçait tout fier la veille vivre un transfert éventuel au Real comme « une opportunité exceptionnelle qui ne se représentera plus » , lâche en conférence de presse, les yeux dans le vide, que « Madrid est apparu comme un deuxième plan quand Villareal lui a proposé de prolonger » . A Seville, un an après le décès tragique en match d’Antonio Puerta, un livre intitulé « L’énigme Antonio Puerta : pourquoi meurent tant de sportifs ? » . Le bouquin s’avère être un calendrier prospectif de la vie de Fabio Cannvaro. Le magicien du jour est Joaquin : le valencian sort du chapeau et semble pouvoir être la prochaine signature possible du Real.
Vendredi 29 août 2008Bernt Schuster réussit à convaincre son président de garder Robinho, qui souhaite, lui, que les négociations avec Chelsea se poursuivent. Où l’on apprend qu’il est sourd, aveugle et muet. Cannavaro, toujours à l’ouest, ne saisit pas tout aux subtilités des transferts et critique les « refus de Villa et Cazorla : quand le Real veut vous faire signer, ne pas vouloir venir est vraiment le pire qui peut arriver » . Le Real tire la Juve, le Zenith et Bate en Ligue des Champions. Pour attirer le chaland, les dirigeants du club rappellent que le Real et la Juve n’ont jamais fait match nul. Le directeur de cirque du jour est Ramon Calderon qui balance pêle-mêle, que « Kaka devait signer pour 100 millions mais que les techniciens n’ont pas voulu » , « Valence demandait 80 millions pour Villa » , que « dans le cas Cristiano Ronaldo, nous n’étions que de simples spectateurs » et que « l’équipe est plus unie que jamais » . Et de déjà préparer le clasico : « Il est possible qu’Eto’o ait été intéressé de venir au Real cet été » .
Samedi 30 août 2008La boutique de Chelsea met en vente des maillots des blues floqués Robinho. Schuster ne convoque pas le joueur dans le groupe qui affrontera le Deportivo La Corogne le lendemain, et fait de Raul son joueur clé. Cette saison, le Real 2007-2008 devrait révolutionner le jeu avec ce qu’il semble convenu d’appeler les « X men » : la force des deux diagonales, en X, avec une complicité Ramos – Guti – Robben doublée d’une dynamique Marcelo – Diarra – Van Nistelrooy, qui pourraient ramener des titres. Déjà deux cette semaine, et de la confiance engrangée. Trop, peut-être. Le Real est paradoxalement mal parti mais devrait briller rapidement. Le fond de jeu est là. Pour le reste, interdiction à Iker Casillas de se blesser. En attendant, l’illusionniste du jour est David Villa, toujours annoncé par un organe de presse (?) au Real, et qui marque contre Majorque sous le maillot valencian.
Dimanche 31 août 2008Malgré Van Nistelrooy et Van der Vaart suspendus, et Sneijder blessé, le spectateur du jour est sans conteste Robinho, qui s’est éclaté en regardant le Real défait 2-1 au Riazor. Seul dans sa chambre d’hôtel avec son futal blanc en soie, et ses lunettes de soleil. Dont il n’aura plus trop besoin à Manchester.
Brieux Férot
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